"La nature est un instrument, mais je la laisse jouer la symphonie"

Vous définissez-vous plutôt comme un chasseur de sons ou un musicien de la nature ?

Je suis plutôt un musicien de la nature, car je suis compositeur par passion, une passion qui me suit depuis l'âge de dix ans. Je suis comme un récepteur de la vie : tout ce que je reçois, je le transforme et je le concrétise à travers des sons. J'ai besoin de créer au quotidien. Je suis une sorte de peinte musical et ce qui me fait plaisir, c'est de raconter des histoires. J'utilise la nature comme un instrument, mais je la laisse jouer la symphonie.

Comment êtes-vous tombé dans le domaine musical et pourquoi vous inspirer aujourd'hui de la nature pour créer ?

J'ai commencé ma carrière dans la variété. C'est une première expérience dans les années 1980 avec les studios Disney qui m'a donné envie de poursuivre dans cette voie. J'ai réalisé pendant 3 ans la musique du magazine Adventure diffusé sur M6 et j'ai également collaboré au magazine Ushuaïa. J'avais envie de partage, je voulais pouvoir aller sur le terrain.

A l'époque, les productions n'avaient pas de budget pour réaliser des compositions en pleine nature, je suis donc parti faire mes premières armes en temps qu'ingénieur du son. J'ai vite été marqué par le côté musical de la nature et je me suis rendu compte par la suite que la nature dans son intégralité pouvait être un instrument.

Comment vous-y prenez-vous pour chercher des sons ? Avez-vous une idée préconçue à la base de ce que vous voulez ou laissez-vous plutôt faire le hasard ?

Un peu des deux à vrai dire ! Je pars toujours sur le terrain avec un objectif défini. Je fais tout d'abord une véritable enquête journalistique et je me comporte un peu comme le petit Poucet : je suis à l'écoute de toute chose qui peut survenir dans le milieu dans lequel je me trouve. Il y a quelques jours, lors d'une promenade en forêt, je suis par exemple tombé nez à nez avec quelques champignons qui m'ont inspirés : leur pied flexible leur donnait une résonance particulière, comme celle d'un ressort. En fait, il suffit d'écouter : il y a tellement de sons que l'on n'entend pas et je trouve cela bien dommage de ne pas prêter plus d'attention à la nature qui nous entoure. Finalement, je suis comme un archéologue du son.

Quel est le chant d'animal qui vous a le plus ému ?

La complainte des gibbons mueilleri. Le simple fait d'entendre ce son me fait décoller. On sent que c'est un chant et c'est ce côté mélodieux que j'aime. On arrive presque à décrypter le message qui est transmis en écoutant ce son. J'ai gardé une âme d'enfant et j'éprouve toujours le même plaisir à pouvoir m'en émerveiller.

Quels sont vos projets ?

Dans le cadre de ma collaboration avec l'UNESCO, mon travail aujourd'hui consiste à raconter l'histoire d'une culture en sons et en musique. La première pierre de cet édifice est mon livre musical "Angkor sur partition", qui vient de paraître. J'y fais en quelque sorte sonner les lieux pour les faire transpirer en sons. D'autre part, j'entame en janvier un travail avec la chaîne Arte pour élaborer une série de documentaires, dont le premier aura pour thème "La route des esclaves". Je vais retranscrire en sons ce que ces hommes ont vécu au fond de la cale des bateaux négriers. Puis je retournerai à Madagascar, puis en Himalaya pour un travail sur les sons et la spiritualité. Enfin, l'UNESCO m'a mandaté pour un second livre sur l'eau et l'Afrique.

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