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Juin 2006

"Une tour plus haute que la Tour Eiffel montrera l'ambition retrouvée de notre pays"

Bernard Bled, directeur de l'Etablissement public pour l'aménagement de La Défense, a répondu à vos questions sur le projet "Défense 2015" le 16 juin en chat.

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"Il faut optimiser les capacités de La Défense en créant 50 000 emplois dans les 15 ans à venir."

A quoi sert l'EPAD ? Qui en fait partie ?
L'EPAD est un établissement public d'aménagement pour le secteur de La Défense, qui a mis en place le premier quartier d'affaires d'Europe. L'établissement public est géré par un conseil d'administration dont le président est Nicolas Sarkozy. Il est constitué d'une centaine de collaborateurs.

En quoi consiste exactement le projet Défense 2015 ? Quels sont les différents axes du projet ?
A la demande du gouvernement, et plus précisément du ministre de l'Equipement Monsieur de Robien, j'ai été chargé de proposer un plan de relance pour le secteur de La Défense, qui se concrétise par la construction de 850 000 m² de bureaux et de logements nouveaux, dont un grand projet architectural qui pourrait être une très grande tour d'environ 400 m de haut. Bien entendu, ce grand projet qui installerait La Défense durablement au rang des grands quartiers d'affaires d'Europe et du monde, serait accompagné de nouveaux aménagements privilégiant l'environnement, le cadre et la qualité de la vie à La Défense. Il prévoit aussi une amélioration des transports en commun, notamment par l'arrivée sur le site d'un nouveau RER, qui serait le RER E (Eole). Enfin, ce plan audacieux transformait le site de la Défense en un espace de vie où l'on pourrait trouver une animation permanente culturelle, festive et événementielle.

Pourquoi ce projet ? Y a-t-il vraiment menace de saturation ?

Ce projet s'inscrit naturellement dans une politique gouvernementale animée du désir de développer l'activité économique et l'emploi. La Défense constituant le premier quartier d'affaires d'Europe, il était évident qu'il fallait optimiser ses capacités en atteignant 4 millions de m² de bureaux et en créant entre 40 000 et 50 000 emplois dans les 15 ans qui viennent. La situation économique et les capacités d'investissement tant en France qu'à l'étranger étant encourageantes, la décision de relance s'imposait d'elle-même. Il n'y a donc aucun risque de saturation en matière d'offre de bureau, c'est même probablement le contraire, et si saturation il y a, ce ne pourrait être qu'en matière de conditions de transport, sujet que nous avons déjà abordé et qui se trouverait résolu par l'arrivée d'Eole à La Défense.

"La Défense est restée très proche de sa configuration d'origine. Il faut faire mieux, plus audacieux, plus moderne."

Ce projet, c'est pour répondre à un ralentissement d'activité ou à une trop grande demande ?
Ce projet de relance ne répond pas à un ralentissement d'activité, car aujourd'hui, l'activité économique - notamment dans la région Ile-de-France, première région économique d'Europe -, est en pleine reprise, voire proche de la surchauffe. Pour ce qui concerne la demande, et c'est la conséquence de ce que je viens de dire, elle est extrêmement forte et s'exprime avec vigueur auprès de l'établissement public, ce qui donne à penser que les nouvelles surfaces mises en vente seront très largement couvertes et peut-être même insuffisantes.

La Défense a aujourd'hui une image vieillissante. Pensez-vous qu'elle n'est plus attractive ? Qu'est-ce que des investisseurs peuvent lui reprocher ?
La Défense, je l'ai dit dès mon arrivée à la direction générale de l'établissement public, présente en effet une image vieillissante et une apparence architecturale qui n'est plus conforme à l'image que l'on se fait d'un grand quartier d'affaires compétitif au niveau international. Les usagers se plaignent de n'avoir que des produits qui ne sont plus en rapport avec leur demande et qui ne comportent plus toutes les normes requises de modernité telles qu'on peut les trouver dans d'autres villes du monde. Au fond, La Défense, qui va bientôt fêter ses 50 ans, est restée très proche de la configuration originelle fondée sur des constructions identiques les unes aux autres et de hauteur comparable. Il faut donc faire mieux, plus audacieux, plus moderne, plus haut, et redorer l'image de la France comme ce fut le cas, notamment au XIXème siècle avec la Tour Eiffel, grâce à des projets exceptionnels.

Quand va-t-on savoir exactement à quoi ressemblera La Défense 2015 ?
Nous avons, au dernier marché de l'immobilier, le Mipim, à Cannes, présenté une simulation de ce que pourrait être demain la nouvelle skyline de La Défense. Cette présentation, qui a été faite sous la forme d'images de synthèse, a figuré de manière virtuelle les nouvelles constructions qui pourraient voir le jour dans les 15 ans à venir. Toutes nos publications ont repris ce projet et sont à la disposition de tous les internautes qui souhaiteraient les consulter. Ce projet deviendra réalité dès que le gouvernement l'aura accepté, c'est-à-dire, selon toutes vraisemblance, dans les semaines qui viennent.

Vous attendez une réponse du gouvernement. Pensez-vous que la totalité du projet sera acceptée ?
Considérant que le projet que nous avons présenté est le fruit d'une longue concertation avec tous les acteurs de La Défense, c'est-à-dire les entreprises, les habitants, les salariés, les usagers, les pouvoirs publics et les collectivités locales, je ne doute pas une seconde que le gouvernement soutienne le projet tel qu'il a été présenté au conseil d'administration de l'EPAD, qui l'a unanimement accepté, sur proposition de Nicolas Sarkozy.

"Il faut respecter l'harmonie du site qui a été conçu, dans son axe historique, par Le Nôtre, en mariant histoire et modernité."

Avec ce projet, comptez-vous concurrencer la Tour Eiffel en atteignant les 400 m de haut ?
Evidemment, il ne s'agit pas de concurrencer la Tour Eiffel, qui est devenue, depuis la fin du XIXème siècle, le symbole de Paris et de la France. Mais il me semble qu'avoir une audace architecturale tous les siècles et demi n'est pas excessif. Et symboliquement, construire à Paris - ou du moins à La Défense, son quartier d'affaires -, une tour de la nouvelle génération à une hauteur qui surpasse la Tour Eiffel et qui soit conforme à la culture architecturale de notre pays, est indispensable pour montrer à l'étranger l'ambition retrouvée de notre pays.

L'audace et la qualité architecturales seront-elles des priorités ? La Défense pourra-t-elle rivaliser sur ce plan avec une ville comme Londres, principale concurrente de Paris sur la scène européenne ?

L'audace et la qualité architecturale constitueront en effet des priorités absolues. Je crois qu'il est important, tout en regardant ce que d'autres villes dans le monde réalisent (et très proche de nous, ce que construit la capitale britannique), de garder le caractère particulier de La Défense et de respecter l'harmonie du site qui, je le rappelle, a été dans son axe historique conçu par le grand Le Nôtre. Cette référence nous impose de marier l'histoire et la modernité, l'audace et le respect de la beauté de La Défense. C'est une tâche difficile mais c'est à ce prix que nous garderons notre attractivité dans la compétition internationale .

Quel est le budget pour ce projet. D'où viennent les fonds ?

L'établissement public se finance sur le produit de la vente des droits à construire. C'est grâce à cet apport que le site de La Défense exploite, aménage, et fait fonctionner administrativement sa structure. Autrement dit, il n'y a pas un euro d'argent public. Le projet, tel que nous l'envisageons, pourrait dégager des sommes suffisantes non seulement pour réaliser les constructions imaginées payées par les promoteurs et les investisseurs, mais également pour procéder à l'ensemble des aménagements du cadre de vie nécessaire à la finalisation du projet. Pour être très concret, on peut espérer que le projet Défense 2015-2020 rapporterait une somme avoisinant le milliard d'euros.

Au vu des rumeurs de la presse, pouvez-vous m'éclairer sur la situation financière de l'EPAD ?

Je ne sais pas exactement à quelles rumeurs vous faites allusion. S'il s'agit de la situation financière de l'établissement aujourd'hui, elle est très saine et ne pose aucune interrogation immédiate pour sa survie. Il est bien évident que n'étant alimenté, comme je le disais, que par les droits à construire, et n'ayant plus aujourd'hui d'autorisation de vendre des mètres carrés supplémentaires, la situation deviendrait critique à court terme et nécessiterait l'intervention de l'Etat garant de l'établissement public. La relance apportera tout apaisement à cet égard.

"Le projet Défense 2015 devrait rapporter près d'un milliard d'euros."

Des personnes vivent encore à la Défense, ce projet ne va-t-il pas encore plus déshumaniser le quartier ?
20 000 personnes habitent le site de La défense, dans leur grande majorité, ils en sont très satisfaits. Le slogan que j'utilise le plus souvent est "rapprocher l'urbain de l'humain". Ma préoccupation est donc d'humaniser, au travers de ce projet, le quartier d'affaires.

Comment rendre ce lieu froid plus convivial ?
Dans le projet de relance, il y a un volet entier consacré à l'animation et aux activités de toute nature sur le parvis de la Défense, et plus précisément, le désir affiché de créer la vie en dehors des heures de bureau et en fin de semaine. C'est un pari que je suis sûr de gagner et qui a déjà trouvé une partie de sa concrétisation par l'ouverture d'un multiplex de 16 salles de cinéma qui bat tous les records de fréquentation.

Comment mettre du vert dans autant de gris ? Quelle sera la part de "verdure" dans votre projet ?
Contrairement à beaucoup d'idées préconçues, une promenade dans les doux quartiers de La Défense montre qu'il y a déjà beaucoup de végétation existante. Dans les nouvelles tours, nous insisterons auprès des concepteurs pour qu'ils incluent une part importante de végétation, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur. Les tours vertes existent. Un architecte français, Monsieur Ferrier s'en est fait le chantre et c'est un exemple que nous pourrions suivre.

Comment sont les relations avec la mairie de Puteaux. L'ancien maire n'est pas tendre avec l'Epad : en gros, c'est l'ennemi de la mairie et des habitants.
L'EPAD est assis sur deux communes : Puteaux et Courbevoie. Les relations avec ces deux communes et avec les Conseils Généraux des Hauts-de-Seine sont aujourd'hui excellentes, puisqu'ils participent tous les trois au conseil d'administration. Le projet Défense 2015-2020 a été élaboré avec eux. Et j'ai personnellement présenté, au conseil municipal de Puteaux, la totalité du projet. Madame Ceccaldi (maire de Puteaux) comme Monsieur Kosowski (maire de Courbevoie) suivent quotidiennement le projet de l'EPAD. Il est vrai que l'ancien maire et ancien président de l'EPAD, Monsieur Ceccaldi, se montre plus réservé et parfois plus critique, ce dont nous tenons compte dans toute la mesure du possible, dès lors que cela ne remet pas en cause la nature même du projet accepté avec enthousiasme par son propre conseil municipal.

Les villes autour de la Défense ne vont-elles pas être saturées au niveau logement ? Est-ce qu'il est temps d'acheter à Courbevoie ou à Asnières puisque les prix des logements vont forcément flamber ?
Le logement est un problème qui se pose avec une forte acuité dans toute la région Ile-de-France, et plus fortement encore dans les Hauts-de-Seine. Je rappelle qu'aujourd'hui le quartier d'affaires possède 600 000 m² de logements et que nous pourrions en faire 100 000 supplémentaires dans le cadre du plan de relance. Mais nous sommes dans le périmètre d'une zone économique évidemment destinée à la construction de bureaux plus que de logements. Et les potentialités de logements ne peuvent se trouver que dans la périphérie plus ou moins large de La Défense. Bien entendu, tout développement du quartier d'affaires aura pour conséquence de renchérir le foncier, et donc de rendre plus cher les logements dans les communes avoisinantes.

"Ma préoccupation est d'humaniser, au travers de ce projet, le quartier d'affaires."

Est-ce que les mairies peuvent s'opposer à ce projet ou seul l'Etat peut donner son avis ?
Nous sommes dans le cadre d'une opération d'intérêt national dont le développement appartient à la décision de l'Etat. Les collectivités locales concernées seront bien entendu interrogées et consultées comme au moment de l'élaboration du projet, lorsqu'il s'agira de prendre les décisions finales.

Comment pouvez-vous vous lancer dans des projets aussi importants qu'une tour de 400 m alors que la fin de l'EPAD est prévue en 2007 ?
Ce n'est qu'après consultation des pouvoirs publics et après avoir reçu l'assurance que l'EPAD verrait sa vie prolongée au-delà de 2007 - en l'espèce jusqu'en 2010 -, que nous avons présenté le plan de relance et la construction d'une tour de 400 m.

Il existe apparemment deux projets ferroviaires à la Défense. L'un serait d'amener le TGV Méditerranée directement à La Défense, l'autre de faire une liaison RER vers République. Où en est-on ? Et y aura-t-il vraiment des liaisons avec les aéroports et le prolongement du RER E ? Qui financerait ces travaux ? La SNCF ou l'EPAD ?

Il est très important, si le projet est accepté, qu'il soit assorti de connexions modernes non seulement avec la capitale (RER E Eole), mais aussi avec les aéroports et notamment Roissy. Il serait aussi utile d'imaginer des liaisons avec le grand ouest, permettant notamment à la Normandie d'accéder à La Défense par des voies rapides et modernes. Plusieurs projets existent au niveau des services de l'Etat, qu'il s'agisse d'un nouveau métro périphérique (Orbital), de liaisons TGV, de déssertes SNCF traditionnelles. Ou encore des différents trajets concernant Eole. Les décisions devraient s'inscrire dans le prochain chemin directeur d'Ile-de-France et les différents contrats de plan qui en découleront.

Pensez-vous que ce projet puisse être source d'emplois, chez les jeunes tout spécialement ?

Le projet prévoit la création de 40 000 à 50 000 emplois nouveaux sur le site de La Défense, qui viendront s'ajouter aux 150 000 existants. Je souhaite bien entendu que ces emplois soient dans une forte proportion attribués aux jeunes, sans pour autant être persuadé qu'il en soit ainsi puisqu'il s'agira de la responsabilité des employeurs.

Vous parlez beaucoup de l'animation à La Défense. Pourquoi vouloir faire tant de choses dans un quartier d'affaires ? Ça n'intéresse personne.
C'est du moins ce que depuis des décennies, on entend répéter à l'envi. Ma conviction est que tout se tient et que le site de la Défense sera d'autant plus recherché par les investisseurs qu'il apportera aux salariés, mais aussi aux habitants et aux usagers de la Défense, toutes les activités et les animations qu'ils étaient susceptibles de trouver dans d'autres quartiers de Paris. Plus ce lieu deviendra un lieu de vie, plus il apparaîtra comme original, voire exceptionnel, ce qui lui confèrera une place à part dans la compétition internationale.

Tout cela est parfait, mais lorsque l'on voit les restaurations actuelles (centre commercial des Quatre Temps) on se demande si l'on est en France ou dans un pays sous développé... Aucune finition c'est du massacre ! Ne pensez-vous pas qu'il serait urgent de s'occuper de restaurer sérieusement ce qui tombe en ruine et qui est protégé par des filets et des barrières depuis des années avant de rêver ?
Le nouveau centre commercial des Quatre Temps, qui constitue désormais l'un des plus grands centres commerciaux d'Europe, vient d'être restauré avec un investissement très lourd et une ambition très forte d'Unibail, son propriétaire. Il en est de même du nouveau dôme qui vient d'être inauguré avec ses 16 salles de cinéma et 14 restaurants, ouverts également le soir, ce qui est pour La Défense une grande nouveauté. Pour ce qui est des constructions de bureaux, j'ai fait le même constat que vous concernant leur vétusté, et pour un certain nombre, leur mauvais entretien, notamment autour de l'Arche. L'EPAD se doit de veiller à la bonne qualité de l'environnement et s'évertue à intervenir systématiquement auprès des propriétaires, qu'ils soient privés ou publics, pour une meilleure image du site. Cependant, c'est de la responsabilité des propriétaires, dans le respect des lois et règlements, de procéder à l'entretien et à la réparation de leurs bâtiments.

"Nous insisterons pour que les concepteurs des tours incluent une part importante de végétation à l'intérieur comme à l'extérieur."

De Chirac à Tibéri, de Pasqua à Sarkozy, il faut avoir la peau dure pour ne pas se faire croquer. Comment avez vous survécu dans ces bureaux infestés de requins ?
Je fêterai cette année mes 44 ans de service public, à Paris et dans les Hauts-de-Seine. J'ai toujours été animé du seul souci du bien public et de l'intérêt général. C'est sans doute pour cela que je peux encore aujourd'hui espérer mettre mon expérience au service de mes concitoyens aussi longtemps que les requins m'auront épargné !

Les présidentielles de 2007 et l'éventualité d'un changement de gouvernement n'entraveraient-ils pas l'avenir de votre établissement et de vos projets ? Vous n'avez pas peur de vous faire piquer la place en 2007 quand Jacques Chirac aura fini son mandat ? Il va avoir envie de s'en occuper, surtout si c'est géré par Sarkozy.
Il y a une tradition dans la République, c'est la continuité de l'Etat. Une décision aussi importante que celle de la relance de La Défense, prise aujourd'hui par un gouvernement, devrait être confirmée par un autre dans l'intérêt général. Quant à la crainte qui pourrait m'habiter de me voir souffler ma place par une personnalité quelle qu'elle soit, elle est inscrite dans la nature des choses, ne serait-ce que compte tenu de mon état civil, qui, à sa lecture, vous laissera à penser que l'heure de la retraite aura sonné dans trois ans...ou un peu plus peut-être.

Hélas ! Le temps nous est compté et je ne suis plus en mesure de répondre aux très nombreuses questions que vous avez eu la gentillesse de me poser. J'en suis d'autant plus désolé que j'ai discerné dans ces questions la passion que La Défense et son projet déchaînent, passion qui est le sentiment qui m'anime aujourd'hui dans l'accomplissement de cette grande ambition. Je vous invite avec beaucoup de plaisir à me rejoindre sur le site www.ladefense.fr pour continuer à dialoguer sur toutes les questions pour lesquelles vous n'auriez pas eu de réponse.

» Lire aussi : la présentation de Bernard Bled


EN IMAGES La Défense en 2015
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