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INTERVIEW
 
Décembre 2006

"Aujourd'hui le problème n'est pas de garder la chaleur mais d'assurer un confort d'été sans climatisation"

Poitiers aura bientôt un lycée unique en Europe, construit en respectant à la lettre le Protocole de Kyoto pour la protection de l'environnement. L'un des architectes du projet, François Gillard, a répondu à nos questions sur ce chantier ambitieux.

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Lycée Kyoto à Poitiers
Le lycée Kyoto vu de l'extérieur © Région Poitou-Charentes / G. Autran et F. Gillard

Le 16 novembre 2006 à Poitiers a été posée la première pierre d'un chantier unique en Europe : celui d'un lycée qui respectera à la lettre les engagements du Protocole de Kyoto. Un lycée économe en énergie, producteur d'électricité, "végétalisé" et moins cher qu'un lycée classique, qui accueillera 500 élèves de l'actuel Lycée agricole Grand Pont à Chasseneuil-du-Poitou et du Lycée hôtelier de Poitiers, dès la rentrée 2009. L'un des architectes du projet, François Gillard, a répondu à nos questions.


Quand a été lancé ce projet ?
François Gillard Le concours est assez ancien puisqu'il avait été lancé par l'ancienne majorité et que nous avons été désignés lauréats en 2001 avec Guy Autran et notre agence SCAU. Lorsque la nouvelle présidente de Région, Ségolène Royal, a pris ses fonctions, il y a eu quelques moments de flottement. Le projet a finalement été retenu, mais il a été modifié pour aller beaucoup plus loin dans les objectifs HQE (Haute qualité environnementale) que le projet initial. Car il peut y avoir des niveaux très différents de HQE. La présidente de Région nous a demandé d'atteindre l'objectif "0 énergie fossile", alors qu'en général, la construction HQE implique juste une économie d'énergie.

 

  • Le lycée en chiffres
  • Capteurs photovoltaïques
  • 500 élèves
  • 1 000 m² de capteurs photovoltaïques
  • 7 800 euros/an : coût de fonctionnement de la production énergétique du lycée, soit 30 % de moins qu'un lycée conçu en 2000
  • 19 600 m² de superficie totale

Qu'a impliqué ce nouvel objectif pour le projet ?
Le projet en lui-même n'a pas beaucoup changé, en tous cas pas de façon apparente. Nous avons par exemple atteint des épaisseurs d'isolants peu courantes. Ou encore rajouté une verrière au-dessus de la cour centrale du bâtiment d'enseignement général, afin de mieux garder la chaleur et de minimiser les besoins en énergie dans les salles de classe. Nous avons également favorisé l'éclairage naturel en agrandissant les baies vitrées. Ce sont des détails qui se voient peu mais qui nous ont demandé une année de travail supplémentaire sur le projet.


Existe-t-il déjà des bâtiments "0 énergie fossile" ?

L'objectif "0 énergie fossile" n'a jamais été appliqué pour un lycée ou un projet de cette taille. C'est donc nouveau pour tout le monde. On est associés à des bureaux d'études HQE qui ont des retours d'expérience, mais sur des opérations moins exigeantes.


Le fait qu'il s'agit d'un lycée présente-t-il des difficultés particulières ?
Pour un lycée, nous devons nous poser des questions précises car la HQE est étroitement liée à l'usage du bâtiment. Par exemple : le lycée Kyoto accueillera des lycées professionnels d'hôtellerie avec des cuisines de formation qui consomment beaucoup d'énergie. Cela pose donc des problématiques particulières.


Quand le lycée Kyoto deviendra-t-il rentable ?
Le coût annoncé à ce jour pour la construction et l'équipement du lycée est de 40 millions d'euros, ce qui est cher. Mais nos études de faisabilité visent à montrer qu'il y aura retour sur investissement, d'ici 5 à 30 ans (la fourchette est très large car elle dépend de l'évolution du coût de l'énergie). La particularité de notre contrat est que nous avons une obligation de résultat.

 

Lycée Kyoto à Poitiers
Atrium du lycée © Région Poitou-Charentes / G. Autran et F. Gillard

De quels équipements particuliers sera doté le lycée Kyoto ?
Notre objectif premier étant le "0 énergie fossile", nous avons réalisé un travail très important sur la réduction des besoins en électricité et en chauffage, et avons privilégié les énergies renouvelables. Les besoins en consommation d'énergie du lycée seront donc très faibles.

Cela passe par exemple par le stockage de chaleur intersaisonnier : on garde la "chaleur d'été" produite par l'incinération des ordures et rarement récupérée, pour chauffer en hiver. Le lycée sera également équipé d'une micro-cogénération à l'huile végétale, moteur qui produit du chaud et de l'électricité. L'utilisation de l'huile végétale est intéressante car elle est peu développée en France, mais fait l'objet d'une politique forte en région Poitou-Charentes. Enfin, des capteurs photovoltaïques produiront les quelques kilowatts nécessaires manquants. Mais c'est un produit cher dont on a réduit au maximum l'utilisation. On peut citer également la verrière qui couvre la cour centrale et permet de réduire les besoins en chaleur dans le bâtiment. Ce qui implique un travail particulier pour que l'espace sous verrière ne soit pas trop chaud en été.

Enfin, le parc suit la même démarche environnementale avec un système de récupération des eaux de pluie pour les sanitaires et l'arrosage.


  • Calendrier
  • 2001 : résultats du concours d'architectes
  • 2006 : pose de la 1re pierre
  • 2007-2009 : travaux
  • 2009 : ouverture du lycée

Pourquoi le parc est-il si important ?
Le parc, appellé "la plaine", est le résultat d'une démarche paysagère forte qu'on peut résumer par l'expression "de la terre à l'assiette". En effet, le lycée sera implanté sur un ancien site agricole, au cœur d'un quartier en construction. Mais que signifie construire la ville sur une campagne typique du Poitou ? Comment donner une identité à ce terrain qui va s'urbaniser ? Comme le lycée réunira des élèves autour des métiers de bouche, l'idée de construire le projet autour d'une plaine avait du sens. Il y aura également, entre ateliers de formation de cuisine, des jardins thématiques, arômatiques, etc.


Ces exigences environnementales représentent-elles une contrainte sur le plan purement architectural ?
Non, au contraire. C'est une chance de pouvoir travailler HQE et de chercher des solutions à des enjeux qui nous concernent tous. Personnellement, j'ai toujours été sensible au bioclimatique. Et c'est très cohérent avec le travail architectural, car il s'agit toujours de se poser des questions relatives à l'usage des lieux. Toutes les dimensions de l'architecture rentrent dans le projet. Plus je travaille sur ce type de projet, plus ça me plaît.


Quelles sont les conditions pour ce type de construction ? Peut-on reproduire cette expérience partout ?

On travaille beaucoup dans les DOM-TOM, où on se pose les mêmes questions mais en y apportant des réponses différentes. Avec le réchauffement climatique, la problématique devient surtout le besoin de froid. Concernant la chaleur, on sait isoler aujourd'hui les bâtiments de manière très performante. On peut aussi utiliser, dans une salle de classe par exemple, le dégagement de chaleur des élèves. Le problème est plutôt d'assurer un confort d'été sans utiliser la climatisation.

 

Schéma des équipements du lycée Kyoto


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