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31/01/2006

Robert Bresse : " Ma mission est de transformer un musée d'objets en musée d'histoire."

Lors de son premier séjour opérationnel en Bosnie, le général Robert Bresse a relancé l'économie locale en remettant en état les réseaux de distribution. Aujourd'hui, sa mission est de restaurer et de développer le musée de l'Armée aux Invalides. Une mission comme les autres ? Vendredi 27 janvier, il répondait aux questions des internautes.
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Robert Bresse
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Quel est votre rôle en tant que Directeur du musée de l'Armée ?
Robert Bresse : Il est triple. Je suis d'abord un gestionnaire d'un établissement public autonome, je suis ensuite l'animateur d'une équipe scientifique et enfin celui auquel on a confié la maîtrise d'ouvrage de la modernisation du musée de l'Armée qui va s'échelonner sur 5 ans.

copyright Cécile Debise/ L'Internaute Magazine

"L'idée de moderniser cet établissement m'a séduit."

Vous semblez être un homme de terrain (régiment de parachutisme, missions en Afrique, en Nouvelle-Calédonie et dans les Balkans, etc). Pourquoi avoir accepté la direction du musée de l'Armée ? Est-ce considéré comme une promotion ?
Tout d'abord, j'ai accepté la direction du musée parce qu'on me l'a demandé. Ensuite, ce genre d'aventures n'était plus réputé être pour moi. Enfin, c'est l'idée de moderniser complètement un établissement qui avait tendance à vieillir qui m'a séduit. Et par ailleurs, c'est effectivement une promotion.

Vous avez fait des études d'histoire. Comment vous est venu l'idée de vous diriger vers le parachutisme dans l'armée ?
Parce que je pratiquais le parachutisme sportif, que j'étais un étudiant fauché et que la préparation militaire parachutiste permettait de sauter gratuitement.

Avez-vous pratiqué d'autres sports extrêmes que le parachutisme ?
J'ai fait un peu d'alpinisme, notamment dans les calanques de Provence, bien sûr dans les Alpes et les Pyrénées, mais le sport auquel je suis le plus accro, c'est le rugby !

Qu'est-ce qui a été le plus difficile à préparer dans le concours de l'Ecole Spéciale Militaire ?
Les langues et tout particulièrement l'italien, car l'option histoire a été supprimée l'année où je présentais le concours. J'ai dû me rabattre sur l'option lettres. Il fallait deux langues étrangères et je n'avais que l'anglais. J'ai dû apprendre l'italien en 6 mois.

Pourquoi ne portez-vous pas l'uniforme ?
Je ne porte pas l'uniforme parce que je suis en service détaché. Je suis le directeur d'un établissement public autonome et rend compte de ma gestion à un conseil d'administration. Je revêts la tenue à des occasions très précises liées à mon rôle de gardien de la nécropole militaire et du tombeau de Napoléon Ier.

copyright Cécile Debise/ L'Internaute Magazine

"J'ai été actif dans les Balkans en ex-Yougoslavie."

Quels ont été vos différents grades militaires au cours de votre carrière ?
Sous-lieutenant, lieutenant, capitaine, chef de bataillon, lieutenant-colonel, et colonel. Ensuite j'ai intégré le corps des officiers généraux.

Avez-vous déjà été actif dans une zone de guerre ? Laquelle ?
Oui, dans les Balkans en ex-Yougoslavie.

Pouvez-vous nous expliquer ce qu'est le concept "d'actions civilo-militaires" ?
Il s'agit d'organiser la synergie des actions de tous les acteurs concernés par la reconstruction d'un pays, le retour à l'état de droit dans ce pays, le secours aux populations. En d'autres termes, il s'agit de doser l'action des civils et des militaires en fonction du risque, les militaires pouvant être engagés partout grâce à leurs moyens spécifiques. Ils interviennent plutôt quand l'intensité du conflit est haute et cèdent progressivement la place aux civils en tant qu'officiels d'ONG [Organisation Non Gouvernementale, ndlr] au fur et à mesure de la sécurisation de la zone.

copyright Cécile Debise/ L'Internaute Magazine

"La fréquentation du musée est en augmentation constante depuis 3 ans."

Comment passe-t-on d'une activité militaire de terrain à la gestion d'un musée ?
Par paliers. Lors de ma troisième mission en Bosnie, j'ai eu à m'initier à la gestion des crédits de la Banque mondiale et de l'Union européenne, principaux acteurs financiers de la reconstruction. Ensuite, j'ai eu plus concrètement à préparer la reconstruction du système hospitalier de la Bosnie.

Quel genre de public s'intéresse au musée de l'Armée d'après vous ?
Nous avons une approche typologique de notre million de visiteurs annuels dont 80% d'étrangers. Pour la majorité d'entre eux, la symbolique napoléonienne est forte ainsi que la fascination pour les grandes armures. En ce qui concerne les scolaires et universitaires, c'est davantage la période des deux guerres mondiales qui les amène chez nous. Je parle là bien entendu des visiteurs habituels, pas des chercheurs.

La fréquentation du musée a-t-elle augmentée avec le centenaire du musée ?
La fréquentation du musée est en augmentation constante depuis 3 ans, de 880.000 en 2003 à 1.070.000 en 2005. A ce titre, le centenaire comme la réouverture des nouveaux espaces des collections d'armures y ont contribué. Il faut aussi mentionner le succès de l'émission des "Racines et des Ailes" diffusée en septembre 2004 sur France 3.

copyright Cécile Debise/ L'Internaute Magazine

"Il y a beaucoup de présents diplomatiques dans nos collections"

Quels sont les trésors du musée ?
Notre musée n'est pas spécialisé dans la peinture, mais il possède de grands tableaux d'Ingres, de Gros, de Gérard. Par ailleurs, l'armement et les armures anciennes sont souvent de véritables œuvres de joaillerie ou au moins d'artisanat d'art. Enfin un certain nombre de documents d'estampes et d'ouvrages anciens peuvent être rangés dans cette catégorie.

Quels sont les objets les plus insolites de votre collection ?
Une étonnante motocyclette pliante tenant dans un tube imaginée par les services spéciaux britanniques pendant la seconde Guerre mondiale, des objets d'artisanat de tranché, plus un certain nombre de "rossignols" [un type d'arme à feu, ndlr] offerts à différents dignitaires dans le passé et dont certains sont tout à fait étonnants.

De quand date la plus vieille pièce que vous ayez au musée ?
Nous avons des armes datant du IVème siècle après Jésus-Christ.

Les collections de votre musée impliquent-elles des contraintes particulières en terme de conservation préventive ?
Absolument ! Nous avons un service des réserves et de la logistique des collections qui s'appuie sur des ateliers de restauration, notamment pour le métal, les textiles et le cuir. Nos restaurateurs sont formés à l'IFROA [Institut de Formation des Restaurateurs d'Oeuvres d'Arts, ndlr] comme tous ceux des musées.

Qu'est-ce que le projet de rénovation "Athéna" ?
ATHENA signifie Armes, Techniques, Histoire, Emblématique, Nation et Armée. Il s'agit de transformer un musée d'objets en un musée d'histoire. Nous ne racontons pas n'importe quelle histoire, mais celle des armées terrestres permanentes de la nation française. Pour faciliter la compréhension par nos visiteurs, nous avons ancré chacune des grandes périodes (royale, impériale, républicaine) à trois figures emblématiques (Louis XIV, Napoléon Ier et Charles de Gaulle).

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"Nous avons un budget de 75 millions d'euros".

Plusieurs parties du musée vont être fermées pour cause de travaux. Quels sont les plus gros chantiers ?
Il y a cinq tranches sensiblement égales de manière à ne jamais fermer complètement le musée. Toutes représentent une quinzaine de millions d'euros chacune, mais le creusement total d'une des cours des Invalides pour installer l'historial Charles de Gaulle est certainement le chantier le plus spectaculaire.

Quel est le budget total pour faire tous ces travaux ?
Un budget total de 75 millions d'euros avec de l'argent en provenance de la Défense, de la Culture, de partenaires privés (banques et industriels) et enfin des ressources propres d'un musée qui gagne assez bien sa vie, puisque cette année nous mettrons près de 3 millions d'euros dans notre investissement.

Comment collectez-vous les différentes pièces du musée ?
Nous avons trois sources principales : les legs, les donations, les achats.

Suivez-vous le marché de l'art à la recherche de nouvelles armures ?
Nous suivons le marché de l'art dans tous les domaines, mais pour les armures il faut savoir qu'il n'y a plus rien de grand à acheter. En revanche, il y a beaucoup de reproductions.

Quelle est l'histoire de l'acquisition des quelques armures japonaises ?
Nous en avons deux types : les armures japonaises présentes dans les collections royales et qui constituent pour nous un mystère, car elles figurent déjà dans le premier inventaire de 1661, mais sans indication de la manière dont elles sont arrivées là. La seconde partie est constituée d'acquisitions réalisées au XIXème siècle, quand l'extrême-Orient était à la mode, pour lesquelles nous avons une parfaite traçabilité.

Certaines armures étaient-elles offertes en guise de cadeau ?
Oui, il y a beaucoup de présents diplomatiques dans nos collections. Par exemple, la république de Venise a offert une armure à Louis XIV à une période où l'armure complète n'était plus portée sur les champs de bataille (Louis XIII fut le dernier roi français à la porter).

copyright Cécile Debise/ L'Internaute Magazine

"Il y a deux polémiques concernant Napoléon."

Pensez-vous que l'on puisse admirer des armes comme des œuvres d'art ou d'artisanat ?
Majoritairement comme œuvres d'artisanat, mais certains très grands fusils ou très grandes épées méritent le qualificatif d'œuvre d'art, davantage pour leur décor que pour leur mécanisme.

Y a-t-il des chercheurs qui travaillent dans votre musée ?
Oui, à l'intérieur et hors du musée car nous sommes aussi en partenariat avec des équipes du CNRS, notamment celles qui fouillent les fosses de Vilnius et celles qui travaillent sur le thème "guerre et sexe".

Prêtez-vous des collections pour des tournages de film ?
Non, la législation ne nous le permet pas. En tant que musée de France, nous ne sommes autorisé à prêter qu'à des institutions muséales.

Quelles expositions sont prévues pour 2006 ?
En 2006, nous accueillerons une exposition de la Ville de Paris sur "Paris et le cheval", sur "Verdun" et une exposition montée en partenariat avec le ministère des Affaires étrangères et la BDIC [Bibliothèque de Documentation Internationale Contemporaine, ndlr] sur le "Traité de Paris" qui met fin à la guerre de Crimée en 1856.

Comment s'est déroulée la réalisation de votre dernier ouvrage sur les armures royales ?
C'est un ouvrage dont nous sommes très fiers. Nous venons de sortir avec le même éditeur (Faton) le compte rendu de la restauration des peintures murales de Joseph Parrocel et nous sommes en train de préparer un ouvrage sur l'armée française de 1914, avec un éditeur autrichien. La première étape consiste à trouver un éditeur et au moins un partenaire financier car il faut une importante mise de fonds initiale, notamment pour la réalisation du fonds photo et iconographique. En revanche, nous n'avons pas de problème d'auteurs puisque c'est le personnel scientifique du musée qui en assure l'essentiel. Ensuite il faut entrer en phase de réalisation puis de commercialisation, car nous ne pouvons pas travailler à perte. Pour l'instant, cela ne s'est jamais produit.

copyright Cécile Debise/ L'Internaute Magazine

"Il est impossible d'accéder au tombeau de Napoléon sans sauter par-dessus un parapet."

Quel est votre rôle vis-à-vis de l'église Saint-Louis ?
L'église Saint-Louis est partie intégrante du musée. A ce titre, j'entretiens avec le recteur le même type de relations que le maire d'une commune, propriétaire de l'église communale, avec le curé.

Y a-t-il des mesures spéciales autour du tombeau de Napoléon pour empêcher les visiteurs d'approcher de trop près ?
Oui, il est impossible d'accéder au tombeau sans sauter par-dessus un parapet. L'escalier amovible n'est mis en place que pour les cérémonies officielles. Enfin, la surveillance est renforcée lors des grandes célébrations napoléoniennes qui exaltent parfois la vénération des "fidèles".

Ressentez-vous l'engouement Napoléonien du moment ?
Effectivement, l'ouvrage de Jean Tulard par exemple a fortement marché à la boutique du musée.

Qu'avez-vous pensé de la polémique récente sur Napoléon ?
Il y a eu deux polémiques : l'une sur le défaut de célébration officielle de la victoire d'Austerlitz, alors que nous avons participé à la célébration de la défaite de Trafalgar, l'autre sur Napoléon et l'esclavage. Sur ce deuxième problème, il prouve surtout que Napoléon suscite encore plus de passion que de raison et qu'il faut laisser aux historiens le soin de présenter l'homme dans son intégralité avec ses zones de lumière et ses zones d'ombre en n'oubliant pas qu'en dépit de son génie, il est un homme de son époque avec l'univers mental et culturel de cette époque.

Pensiez-vous poursuivre votre carrière de la sorte ?
J'aime beaucoup le changement et il y a au moins deux livres que j'aimerais écrire. Pour cela, il faut du temps que mes fonctions actuelles ne me permettent pas de dégager.

Quel souvenir le plus marquant gardez-vous de vos expériences à l'étranger ?
La dignité des femmes de l'ex-Yougoslavie sans considération d'appartenance clanique et leur courage face aux événements.

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