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 INTERVIEW 
Mars 2006

"Il y a d'autres façons de voir et de penser le monde"

Directeur artistique du Printemps des Poètes, Jean-Pierre Siméon est aussi lui-même un poète de renom. Cet homme au parcours lié à la poésie a bien voulu nous éclairer un peu sur cette étrange manifestation qu'est le Printemps des Poètes...
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Professeur agrégé de Lettres Modernes, Jean-Pierre Siméon enseigne longtemps à l'IUFM de Clermont-Ferrand, et y crée en 1986 la "Semaine de la Poésie". Fondateur du festival "Les Langagières" à la Comédie de Reims, il est aussi auteur associé au Théâtre National Populaire de Villeurbanne et membre de la commission poésie du Centre National du Livre. Chargé du théâtre à la mission pour l'Art et la Culture du Ministère de l'Education Nationale, il participe aux comités de rédaction de plusieurs revues et dirige avec Jean-Marie Barnaud la collection "Grand Fonds" à Cheyne Editeur. Auteur d'une vingtaine de recueils de poésie, son oeuvre poétique lui a valu le prix Théophile Briant en 1978, le prix Maurice Scève en 1981, le prix Antonin Artaud en 1984 pour "Fuite de l'immobile" et le prix Guillaume Apollinaire en 1994 pour "Le sentiment du monde".

Comment est venue cette idée d'instaurer un "Printemps des Poètes" ?
L'idée première est celle de Jack Lang et d'Emmanuel Hoog (actuel président de l'ENA). L'intention était et demeure de rendre la poésie disponible au grand public, de permettre à tous de se l'approprier. Un peu comme la fête de la musique.

Cette année est la huitième édition, quel est le chemin parcouru depuis la première, en quelques mots ?
On peut dire aujourd'hui que nous avons gagné notre pari pour l'essentiel. Des milliers et des milliers d'initiatives sont prises à travers tout le pays pendant les 8 jours de la manifestation (et même au-delà car cela déborde jusqu'en avril et c'est tant mieux), nous avons convaincu des grands partenaires de s'emparer de la poésie (La Poste, la SNCF par exemple) et les médias écrits et audiovisuels font maintenant un large écho du Printemps des Poètes. La principale satisfaction pour nous est que les idées sur la poésie sont en train de changer. Nous avons prouvé, je crois, que la poésie est vivante, dynamique, qu'elle n'est ni intégrale ni désuète, qu'elle est le plus souvent lisible pour tous, moyennant sans doute un effort d'attention, mais comme tous les autres arts.

Quelle est la place d'un poète dans nos sociétés actuelles ?
Le poète incarne toujours (et depuis toujours) dans une société une volonté de résistance, la passion de tenir la langue à son plus haut degré d'intensité et de sortir des représentations obligées, consensuelles de la réalité. La poésie dissone dans le brouhaha moderne et cette "dissonance" est capitale : elle dit qu'il y a d'autres façons de voir et de penser le monde. Notre but est justement que les poètes retrouvent une présence dans l'espace public : ils manifestent par leur présence, par l'exigence de leur parole, une contradiction, une objection à la médiocrité de la société du spectacle et du divertissement à tout crin. Comme une objection de conscience !

Sentez-vous un engouement fort vis-à-vis de cette manifestation ?
Oui, et chaque année davantage. Mais cela ne tombe pas du ciel. L'équipe du "Printemps des Poètes" travaille chaque jour depuis des années pour informer, susciter, encourager, conseiller, créer des synergies. Nous nous appuyons sur l'effort de milliers de "militants" de la poésie, bibliothécaires, libraires, éditeurs, comédiens, enseignants, et les poètes eux-mêmes. Le succès prouve une chose : ce n'est pas parce que les médias ne parlaient pas de poésie qu'elle n'existait pas. Beaucoup plus de gens qu'on ne le croit n'ont cessé de s'intéresser à la poésie. Nous contribuons simplement à leur redonner un droit à l'expression publique.

L'édition 2006 du Printemps des Poètes s'intitule "Le Chant des Villes", il peut donc y avoir aussi de la poésie dans les villes ?
Bien sûr, le poésie touche à tous les aspects de l'existence, à tous les niveaux de la réalité. Rien de ce qui est humain ne lui est étranger. Depuis l'antiquité, des poètes ont écrit sur la ville. Pensez à Villon, Baudelaire ou Apollinaire…En outre, la poésie n'est pas seulement le chant du beau, du chou, de l'agréable. Elle dit aussi la violence, la révolte, la misère, la difficulté de vivre. Ce sont peut-être les poètes qui disent le mieux la réalité remuante des villes.

Qu'elle est la réaction des citadins face à l'irruption de la poésie un peu partout pendant quelques jours ?
Toutes sortes de réaction, surprise, plaisir, enthousiasme, malaise parfois, mais jamais l'indifférence. La plupart du temps les gens sont heureux qu'on leur offre une poésie, ils le vivent comme un moment de liberté imprévue, ils sont émus, amusés ou étonnés mais ne se sentent jamais agressés. Le plus souvent, ils en redemandent !

Le "Printemps des Poètes" ne montre-t-il pas surtout que la poésie, ce n'est pas seulement des poèmes écrits ou lus, mais qu'elle peut se décliner de mille façons différentes ?
Oui, sans aucun doute. Mais s'il y a mille façons de transmettre la poésie, si la lecture orale, le chant, la profération sont d'excellents moyens de conquérir un public nouveau, je crois qu'il est toujours bon, au bout du compte, d'en revenir au livre car il permet une lecture intime, libre, lente : il permet la rêverie et d' "habiter" le poème, de vivre avec lui un moment dont on choisit la durée. Plus on propose d'accès différents comme la poésie, plus on permet à chacun de choisir selon ses goûts propres, celui qui lui convient.

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