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 PATRIMOINE  
Septembre 2005

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Bertrand Labes : « De plus en plus de personnes ne veulent plus bronzer "idiot" ! »
Bertrand Labes est né en 1952, à Paris. Après des études en sciences économiques à l'université de Nanterre, il travaille pendant près de 13 ans dans une librairie-papeterie-journaux à Levallois. Il se lance alors dans l'écriture : un scénario de téléfilm pour TF1 vers 1990, puis des guides. Il vient de publier le guide des sites industriels et techniques.

Pourquoi vous êtes-vous intéressé au tourisme industriel ?
Bertrand Labes
Pour une raison très simple : je suis curieux de tout. Comme tout le monde, je me sers de centaines d'objets différents chaque jour, et j'en vois des milliers dans mon environnement direct. Neuf fois sur dix, on ne sait pas comment ils sont fabriqués ou assemblés, voire conçus.
Quand j'étais plus jeune, il y avait toujours un ou deux courts métrages précédant les films au cinéma, présentant souvent un petit reportage sur le côté technique d'un métier, l'utilisation de l'électricité, l'organisation d'une aciérie, une innovation dans l'industrie… Et ces courts métrages me ravissaient, servant de complément aux "leçons de chose" dispensées à l'école. Les courts métrages ont disparu au cinéma, remplacés dans leur esprit par certaines émissions ou très courts reportages, généralement de très bonne facture, diffusés par la télévision.
De plus, j'ai randonné à pied pendant une vingtaine d'années dans la France entière, passant régulièrement, outre devant des cimetières, devant des musées, souvent techniques, des artisans, ou des entreprises organisant des journées portes ouvertes. Je suis entré dans ces entreprises ou ces musées, et le virus m'a contaminé. J'ai voulu continuer un peu ce mouvement, mais par l'écrit, pour montrer aux gens curieux quelque chose de différent à découvrir. Lorsqu'on parle de "tourisme industriel" à une personne quelconque, qu'on lui explique ce que c'est, elle est pratiquement toujours intéressée par cette pratique culturelle.

Depuis quand le tourisme industriel existe-t-il ?
Les avis divergent quelque peu, plusieurs secteurs de l'économie revendiquant l'initiative. En fait, en France, le tout début semble dater de l'après-guerre. Pour contrer certaines critiques très défavorables des Américains sur le retard de l'industrie française, le patronat français a déclenché quelques opérations portes ouvertes, notamment dans l'industrie automobile. Mais cela n'a duré que quelques années.
Pendant une vingtaine d'années, seules certaines initiatives ponctuelles comme les brasseries Kronenbourg, à Strasbourg, ont perduré, et le tourisme industriel n'a repris qu'au début des années 80. En 1985, le ministère du Tourisme crée l'association "Une France à découvrir", chargée de faire venir les touristes dans les entreprises.
En même temps, EDF a commencé à ouvrir massivement les portes de ses centrales, nucléaires notamment, pour montrer, expliquer et rassurer. D'autant que le cahier des charges de cette société nationale, à risques, oblige celle-ci à communiquer : ce genre de tourisme répond parfaitement à cette obligation. Le succès a été foudroyant, qui ne cesse de grandir, dans tous les secteurs de l'économie : industrie lourde ou de transformation, industrie alimentaire, recherche…

Quel est le public privilégié du tourisme industriel ?
Essentiellement le public des retraités et des scolaires, et, dans une moindre mesure les comités d'établissement – ils représentent plus de la moitié des visites en France, mais moins de la moitié du nombre total de visiteurs.
Les autocaristes sont très importants pour nombre de secteurs – les mines, les centrales nucléaires, les cristalleries, l'artisanat, les caves et l'agro-alimentaire en général… Pour les scolaires, ces découvertes sont organisées par leurs établissements, comme "leçons de choses" le côté pédagogique prime. Il s'agit alors souvent d'un tourisme de proximité, régional ou local. Les retraités représentent une part importante de ces visiteurs : ils ont souvent des moyens aisés et toujours du temps. Ces découvertes se font sur une ou deux journées, parfois trois, incluant hôtel, restaurant, visite de musée… Les comités d'entreprise répondent du même principe, le temps étant plus compté.
Mais il faut prendre en compte une part de plus en plus importante d'individuels, qui visitent un site industriel par hasard (28% lors d'une étude de 1998) ou de leur propre initiative (27%). Ce sera le cas lors de déplacement de vacances, pour voir la centrale, la distillerie ou la fonderie du coin.
Le tourisme change, et de plus en plus de personnes ne veulent en effet plus bronzer "idiot" et incluent systématiquement dans leur séjour les visites de musées, grottes, châteaux divers, et maintenant industries et artisans.

Quel est l'intérêt pour des entreprises de répondre à cette demande ?
Plusieurs, différentes selon les secteurs.
Pour l'EDF, il est obligatoire de communiquer vers le grand public. Pour d'autres entreprises comme l'automobile, l'électroménager, l‘agro-alimentaire entre autres, ces visites permettent de développer leur image de marque et de fidéliser les clients – ou futurs clients. Si vous allez visiter en Picardie l'entreprise Le Creuset, par exemple, spécialiste de cocottes ou autres casseroles en fonte, vous avez déjà un préjugé favorable sur sa société et ses productions, que vous utilisez peut-être déjà. Mais en parcourant la fonderie, en découvrant la coulée, les divers ébarbages, ponçages et émaillages, en vous apercevant qu'entre la coulée et la mise en boîte finale pour l'expédition la cocotte passe dans les mains de près de vingt-cinq personnes différentes, vous vous rendez compte du "sérieux de l'affaire", et l'image de marque de la société ne peut qu'être renforcée. D'où l'intérêt de soigner particulièrement ces visites et l'accueil des visiteurs.
De plus, si vous êtes satisfait d'une démonstration ou d'une visite en général, vous aurez plutôt tendance à mémoriser la marque en question, et à acheter, même dans un avenir plus ou moins lointain, ses productions, ainsi qu'à en parler à vos proches. L'effet boule de neige est important pour la diffusion de l'information. L'agro-alimentaire finit presque toujours ses visites par une dégustation – recherchée et appréciée –, suivie d'une vente. Ces ventes sont une part non négligeable de recette pour nombre d'entreprises. Mais les fonderies, les cristalleries – certaines réalisent près de deux tiers de leur chiffre d'affaire par ce biais –, l'artisanat en général sont dans la même situation. Les ouvertures de portes des entreprises peuvent permettre aussi à certaines d'entre elles tout simplement de se faire connaître, ou se faire connaître un peu mieux ; ce sera souvent le cas lors de journées portes ouvertes établies sur quelques jours ou plusieurs mois et organisées par les CCI, CDT ou OT, comme à Angers par exemple… Cela peut favoriser une certaine notoriété, même si elle n'est que locale ou régionale.
Enfin, il semble difficile pour des entreprises de certains secteurs de faire l'impasse de telles visites, lorsque la concurrence utilise largement ce système. C'est le cas entre autres des maisons de champagne ou de l'automobile.

Lire l'interview de Bertrand Labes à propos des prix littéraires
Consulter notre dossier sur le tourisme industriel

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BIBLIOGRAPHIE
1990 : scénario d'un téléfilm pour TF1
1992 et 1995 :
Guide Montblanc des prix et concours littéraires
1996 : La mémoire des tombes
1999 : Guide Cartier des prix et concours littéraires
2003 : Guide Lire des prix et concours littéraires
2004 : Guide des sites industriels


Guide des sites industriels
de Bertrand Labes
Ed. Horay
23 euros, 626 pages
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 Rédaction L'Internaute
 
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