Domenech : les principales révélations de son livre
Que s'est-il vraiment passé Knysna le 20 juin 2010 ? C'est la question que tous les amateurs de football se posent depuis près de deux ans. Dans "Tout seul", Raymond Domenech, sélectionneur de l'équipe de France lors du Mondial calamiteux en Afrique du Sud, donne enfin sa version des faits. Conspué aussi bien par le public que par ses propres joueurs, le "coach" en profite d'abord pour régler certains contentieux dans ce livre, tiré du journal de bord de ses 6 années en bleu (2004-2010). Avec Nicolas Anelka d'abord. Dans le vestiaire, à la mi-temps du match contre le Mexique en ce mois de juin 2010, l'attaquant français réagit violement à une consigne tactique de son entraineur qui lui demande de rester en pointe et d'arrêter de "dézoner". "Enculé, t'as qu'à la faire tout seul ton équipe de merde ! J'arrête moi...", aurait répondu Anelka. Le journal L'Equipe rapportera ces propos en pleine page de une, un brin déformés ("Va te faire enculer, sale fils de pute"), provoquant le scandale. L'exclusion d'Anelka va entrainer la mutinerie des Bleus, refusant d'aller s'entrainer avant un match capital. On connait la suite...
Pour Domenech, Anelka est le principal fautif de ce désastre. Une partie de la phrase de son joueur lui avait échappé à l'époque, à cause du "brouhaha" qui régnait dans le vestiaire. "J'ai été moins choqué par l'insulte que par le tutoiement, qui cassait une barrière", écrit-il finalement dans ses confessions. Rétrospectivement, il reproche au joueur d'avoir "tué le groupe" par cette saute d'humeur.
Pourquoi avoir lu le texte des Bleus grévistes ? Ce qui avait choqué les médias et les commentateurs à Knysna, c'est aussi que Domenech ait accepté de lire un texte rédigé par les joueurs grévistes, voire par leurs avocats. Un signe de faiblesse diront beaucoup, en plein "suicide collectif". Domenech regrette d'avoir accepté de devenir leur porte-parole aujourd'hui. Il explique dans son livre qu'il voulait apaiser les tensions et revenir au plus vite à la compétition. "Puisque personne n'en avait le courage, j'allais le lire, moi, leur foutu texte", s'exclame l'entraineur, qui estime n'avoir pas été suffisamment soutenu par la Fédération française de Football. Le président de l'époque, Jean-Pierre Escalettes est accusé de l'avoir soutenu... "comme une corde un pendu".
Quels joueurs a-t-il le plus détesté ? Plusieurs joueurs ne trouvent que peu de grâce aux yeux de l'ancien sélectionneur. William Gallas est par exemple "heureux de la défaite" lors du Mondial selon Domenech, Samir Nasri "symbolise cette dérive des joueurs ne pensant qu'à leur gueule. Il révèle la faille au lieu de la colmater ; il n'apporte donc rien au collectif", Yoann Gourcuff vit quant à lui "dans un monde de bisounours"... Principale cible de l'ancien coach : Franck Ribery. Il serait selon lui coupable de "pourrir le groupe par ses attitudes de diva susceptible". Raymond Domenech raconte que Ribery a notamment très mal vécu la concurrence de Yoann Gourcuff dans le groupe France et s'est attelé à le marginaliser. Il parle de "haine", de "mépris" et de "jalousie" qui auraient anéanti Gourcuff, manquant visiblement d'une personnalité suffisamment forte pour tenir tête au joueur du Bayern de Munich. A la fin d'un match nul contre la Serbie en 2009 (1 à 1), Domenech raconte également que Ribery refusa même de lui serrer la main. "Quand j'ai voulu le remercier, il m'a envoyé paître en retirant son bras : 'Ne me touchez pas !' Tout Ribéry qu'il était, je l'aurais volontiers accroché au plafond", confie aujourd'hui l'ancien sélectionneur.
Se sent-il coupable pour les Bleus ? Même s'il reconnait quelques erreurs, Domenech assume fièrement ses choix techniques et tactiques à la tête des Bleus pendant six ans. Vierra, blessé, n'aurait certes pas dû figurer dans la liste des 23 de l'Euro 2008. Thierry Henry, en méforme en 2010, n'aurait sans doute pas dû aller au Mondial. Domenech avoue que sa "proximité avec lui" l'a "empêché de prendre la bonne décision". Mais il le jugeait alors indispensable "dans son évaluation des situations et dans sa communication". "Raymond" refuse en tout cas d'être "coupable des maux de l'équipe de France". La preuve ? Ces maux ont continué bien après son départ. Et Domenech souligne aussi avoir réalisé de belles performances avec les Bleus. Avec une finale de Coupe du monde en 2006 par exemple. A l'époque selon lui, "il existait des gens responsables et de grands joueurs. Le groupe actuel n'est pas dans ce registre-là".
Qu'a fait Domenech après l'Afrique du Sud ? La folie médiatique et la vindicte populaire provoquées par la débâcle des Bleus en Afrique du Sud en 2010 ont forcé Raymond Domenech à se cacher. C'est ce qu'il révèle dans son livre. L'entraineur a ainsi trouvé refuge "chez Francis Graille puis sur le bateau de Charles Biétry" pour échapper aux photographes. Domenech souligne la réaction poignante de son fils qui a été jusqu'à lui demander naïvement s'il serait arrêté. "Je ne sais pas comment le football et l'air du temps peuvent pousser un enfant de trois ans, mon fils, à demander à son père, le soir où il revient d'une Coupe du monde en Afrique du Sud : 'Papa, tu ne vas pas aller en prison ?'" écrit-il.
Pourquoi ne pas avoir arrêté en 2008 ? Le fiasco des Bleus au Mondial de 2010 n'était pas la première alerte. En 2008, après un Euro raté, on donnait déjà peu cher de la peau du sélectionneur. Pourquoi ne pas avoir laissé sa place à ce moment précis ? Raymond Domenech estime que malgré "l'usure" et "la perte d'énergie", il était déterminé à revenir au meilleur niveau avec les Bleus, celui qu'il avait connu en 2006, malgré une finale de Coupe du monde perdue. "Je me suis répété que la prochaine fois, on gagnerait cette finale, que je serais du bon côté. C'était pour vivre à nouveau ce rêve que je me suis accroché", se justifie-t-il aujourd'hui.
Va-t-il redevenir entraineur ? Dernière révélation de l'ouvrage, Raymond Domenech affirme aujourd'hui sa volonté de redevenir entraineur. L'homme a fait plusieurs apparitions en ce sens, notamment en entrainant de jeunes footballeurs amateurs en région parisienne en 2011. Mais il vise plus haut. "En 2006, j'étais aux portes du paradis ; en 2010 personne ne m'a arrêté devant celles de l'enfer. On m'y aurait plutôt poussé. Et je les ai franchies pour consumer mes regrets", déclare-t-il . Lors de la promotion de son livre, il a déclaré qu'il n'avait " jamais eu l'intention d'abandonner". Retraité depuis le 1er novembre, il pourrait, à 60 ans, rachausser les crampons. "Dans le football, on n'est jamais à la retraite [...] J'ai envie, je sais qu'un jour j'y retournerai, c'est ma vie, j'ai commencé à jouer en marchant, je ne suis jamais sorti."
EN VIDEO - Après la coupe du monde, Raymond Domenech était parti s?exiler en Thaïlande où il a été mis à mal par un redoutable maître pour préparer sa reconversion et sa renaissance... dans le poker !