Ce ver a une superbe vue mais ses yeux pèsent vingt fois le poids sa tête

Ce ver a une superbe vue mais ses yeux pèsent vingt fois le poids sa tête Ce ver a des yeux énormes mais ce n'est pas pour rien.

Dans les abysses de la Méditerranée réside une minuscule bestiole, presque insignifiante si des chercheurs ne s'étaient pas intéressés à sa vue. Cet animal porte le nom de ver annélide Vanadis formosa. De la famille des polychètes, il se distingue par ses énormes yeux rouges orangées qui, à eux deux, pèsent vingt fois le poids de sa tête. Transposés sur un humain, nos yeux pèseraient près de 50 kilos chacun.

L'aspect du ver Vanadis est déjà connu des chercheurs, mais une équipe de biologistes de l'université de Copenhague (Danemark) et de l'université de Lund (Suède) s'intéresse dans une étude aux raisons qui ont poussé l'évolution à doter cette créature des fonds marins, de tels yeux. "Nous cherchons à comprendre pourquoi ce ver quasiment invisible qui vit et chasse dans les profondeurs de la nuit a évolué de façon à posséder des yeux aussi gros", explique Michael Bok, biologiste à l'université de Lund en Suède. "En premier lieu, nous souhaitions savoir si la taille de ses yeux avait une incidence positive sur sa vue".

Image des yeux du Vanadis formosa publiée dans l'étude de la revue scientifique Cell. © Capture Cell.com

Les premiers résultats ont permis de comprendre comment ces vers chassaient. Grâce à leurs yeux, ils sont capables de repérer des petits objets et d'en traquer les mouvements. Une découverte qui surprend les chercheurs car cette capacité est d'ordinaire réservée aux vertébrés, aux arthropodes (insectes, araignées, etc.) et aux céphalopodes (pieuvres, calmars). C'est, selon Anders Garm, biologiste à l'université de Copenhague, "la première fois qu'une vision est aussi avancée et détaillée au-delà de ces groupes".

Bien qu'il possède un cerveau minuscule, le Vanadis possèderait donc une vue comparable à celle des mammifères. Mais pour le moment, il reste difficile d'expliquer pourquoi l'évolution a doté cette espèce du fond de l'océan d'une acuité visuelle aussi développée. D'autant plus qu'une telle vue implique la présence de grosses lentilles rouges orangés qui, à l'inverse de son corps transparent, le rend visible et donc plus vulnérable pour les prédateurs.

En 1977, des recherches sur le Vanadis formosa avaient déjà permis de conclure que l'espèce était en mesure de repérer les rayons ultraviolets. À partir de ces deux études, les biologistes suédois et danois fondent la théorie que "les vers sont eux-mêmes bioluminescents et communiquent entre eux grâce à la lumière qui émane d'eux […], en utilisant les rayons ultraviolets, ils restent donc invisibles pour les autres espèces". Et de poursuivre en expliquant "qu'ils pourraient avoir développé cette vision UV afin d'avoir un langage secret lié à l'accouplement". C'est en tout cas la première fois que l'on observe de la bioluminescence UV chez une espèce.