Grève dans les raffineries d'essence : quelle situation avant le départ en vacances ?

Grève dans les raffineries d'essence : quelle situation avant le départ en vacances ? GREVE ESSENCE. Alors que deux sites de TotalEnergies sont toujours en grève ce vendredi 21 octobre, la tension qui pèse sur les stations essence diminue. La Première Ministre a même affirmé que les Français peuvent partir en vacances "confiants".

[Mis à jour le 21 octobre 2022 à 11h03] Bientôt la fin de la grève ? Ce vendredi 21 octobre, seuls deux sites du groupe TotalEnergies sont encore à l'arrêt. Le mouvement a été reconduit ce jeudi 20 octobre dans la matinée pour le site de Gonfreville, en Seine-Maritime qui comprend une raffinerie et un dépôt. Sur ce site, la grève continuera jusqu'au 27 octobre, date à laquelle Total publiera ses résultats du troisième trimestre, explique Franceinfo. La grève se poursuit également au dépôt de Feyzin, dans le Rhône, où des réquisitions de personnels ont été menées. Sur ce site, la CGT fait état de 100% de grévistes. Les autres sites de TotalEnergies ne sont plus en grève depuis le mercredi 19 octobre : les blocages ont été levés à Merdyck (Nord), à La Mède (Bouches-du-Rhône) et à Donges (Loire-Atlantique). Signe de la fatigue du mouvement, les raffineries d'Esso-ExxonMobil ont repris leurs activités depuis la semaine dernière.

Essoufflement du mouvement ne rime pas avec retour à la normale immédiat. Pourtant, la Première Ministre se veut rassurante. Dans un entretien réalisé avec Libération ce jeudi 20 octobre, Elisabeth Borne a tenté de rassurer les Français en ce week-end de départ en vacances de la Toussaint. "90% des stations d'autoroute fonctionneront normalement" dans la soirée du vendredi 21 octobre a t-elle assuré. Les Français pourront donc partir "confiants" même si "la situation ne sera pas à 100% réglée pour les départs en vacances" a nuancé la cheffe du gouvernement. Il est vrai que les chiffres communiqués par l'Etat relèvent une amélioration ces derniers jours. Jeudi 20 octobre, 16,9% des stations-essence étaient en pénurie de carburant contre plus de 28% lundi. Certaines régions restent encore au dessus de la moyenne nationale, comme la Bourgogne - Franche-Comté avec 29% de stations en pénurie ou à sec. Les chiffres de ce vendredi 21 octobre ne sont pas encore connus.

Le groupe Vinci Autoroute se veut également optimiste avant les vacances de la Toussaint qui débutent ce vendredi soir. Selon le groupe, 90% des stations-service de son réseau peuvent fournir du carburant aux automobilistes, ainsi que le relaie Franceinfo. Pour accélérer les livraisons dans les stations, le gouvernement a réquisitionné des salariés à Feyzin. 

La Première ministre a d'ailleurs précisé que la perspective d'un retour à la normale se ferait "dans les jours qui viennent". En effet, si la fin du mouvement va permettre de libérer le carburant déjà raffiné, la remise en service d'une raffinerie prend environ cinq à dix jours. Ainsi, les raffineries d'Esso-ExxonMobil, qui ont levé la grève la semaine dernière, commencent à nouveau à être opérationnelles pour raffiner du carburant, avant qu'il ne soit distribué. Les complications dans les stations-service devrait encore durer au moins une bonne semaine.

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Quelles sont les raffineries en grève en France ?

La France métropolitaine compte sept raffineries sur son territoire. Actuellement, deux d'entre elles, appartenant toutes à Total, sont à l'arrêt en raison d'un mouvement de grève lié à des demandes de négociations salariales (lire plus bas). La liste des sites en grève : 

Groupe TotalEnergies : 

  • Gonfreville-l'Orcher (Seine-Maritime) ;
  • Feyzin (Rhône).

Après un vote mercredi 19 octobre, la CGT a déclaré la fin de la grève à la raffinerie TotalEnergies de Donges, en Loire-Atlantique, suivie, quelques heures plus tard, des sites de La Mède (Bouches-du-Rhône) et de celle des Flandres (Nord). La grève dans le groupe Groupe Esso-ExxonMobil a été levée il y a une semaine. Les raffineries de Port-Jérôme (Seine-Maritime) et de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) fonctionnent à nouveau. À noter que la raffinerie de Lavéra (Bouches-du-Rhône) n'a pas été concernée par la grève. Elle appartient en effet à une troisième entreprise, Petroineos, groupement du Britannique Ineos et du Chinois Petrochina.

Pourquoi y a-t-il grève ? Quelles sont les revendications des grévistes ?

Les grévistes, qui sont des salariés travaillant pour des raffineries et des dépôts de carburant de TotalEnergies, demandent des augmentations de leur rémunération. "Les demandes existent depuis mars 2022. On nous a déjà dit qu'on allait ouvrir des négociations, d'abord avant l'été et ensuite, au mois de septembre. Pour la branche pétrole, il a été décidé une application au 1er janvier. On a une perte de pouvoir d'achat énorme, comme tout le monde, pour 2022. Ce qu'on demande, c'est déjà un rattrapage pour 2022 et un relèvement pour 2023", a déclaré Emmanuel Lépine sur RMC lundi 10 octobre. "Si on entame des négociations, ce sera sur la base de nos revendications : on demande 10% d'augmentation sur les salaires, appliqué au 1er janvier et rétroactif sur l'année 2022" abonde dans Le Parisien Eric Sellini, coordinateur CGT chez TotalEnergies.

TotalEnergies a toutefois déjà fait savoir que les négociations "permettront de définir comment les salariés pourront bénéficier, avant la fin de l'année, des résultats exceptionnels générés par TotalEnergies, tout en prenant aussi en compte l'inflation de l'année 2022". Au premier semestre de cette année, TotalEnergies, qui gère environ une station-service sur trois en France a gagné 10,6 milliards de dollars de bénéfice. A noter par ailleurs qu'un accord majoritaire a été signé entre les syndicats et la direction de TotalEnergies sur la revalorisation des salaires.

Quel est l'accord trouvé entre TotalEnergies et les syndicats ?

Il a fallu deux semaines de grèves dans les raffineries du groupe TotalEnergies pour que les premières négociations s'organisent. Les discussions n'ont pas porté leur fruit tout de suite et une deuxième salve de négociations a été nécessaire pour trouver un accord entre l'entreprise et quelques syndicats. La CFDT et la CFE-CGT, qui sont majoritaires et représentent à elles deux 56 % des salariés de Total ont accepté un compromis dans la nuit du 13 au 14 octobre. Avant d'entériner l'accord qui prévoit une augmentation de salaire de 7 % à partir du mois de novembre 2022 et une prime de 3 000 à 6 000 euros, les syndicats doivent s'entretenir avec leurs adhérents pour savoir s'ils acceptent de signer l'accord.

La CGT de son côté a refusé l'accord proposé par Total, jugeant les propositions "largement insuffisantes". À noter que la CGT réclame la revalorisation des salaires à hauteur de 10 %. Le compromis est donc une "mascarade" selon le secrétaire général CGT de la plateforme TotalEnergies Normandie, Alexis Antonioli, qui ajoute que "ces syndicats-là qui viendraient signer un accord au rabais, ça ne changera rien à la mobilisation, ça ne changera rien à l’état d’esprit et à la détermination des grévistes".

Pourquoi le gouvernement peut-il réquisitionner du personnel des raffineries ?

Légalement, le gouvernement a le droit de réquisitionner. Pour ce faire, l'exécutif s'appuie sur deux décrets. À l'échelle nationale, il s'agit de l'article 2141-3 du code de la défense, qui prévoit que le gouvernement a "le droit de soumettre, à contrôle et à répartition, les ressources en énergie, matières premières, produits industriels et produits nécessaires au ravitaillement et, à cet effet, d'imposer aux personnes physiques ou morales en leurs biens, les sujétions indispensables". À l'échelle locale, l'article 2215-3 du code général des collectivités territoriales indique le préfet peut, "en cas d'urgence, lorsque l'atteinte constatée ou prévisible au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publique l'exige", réquisitionner "tout bien ou service, requérir toute personne nécessaire au fonctionnement de ce service" jusqu'à ce que "l'atteinte à l'ordre public ait pris fin ou que les conditions de son maintien soient assurées".

La réquisition des raffineries et centres de dépôt est une solution radicale qui n'est pas du goût des salariés grévistes, mais le gouvernement la justifie par la nécessité de ne pas "laisser le pays être bloqué". À ce sujet, le responsable de la branche pétrole de la CGT, Emmanuel Lépine, indiquait sur RMC être "conscient de l'impact négatif". Et d'ajouter : "La cause de cette situation, c'est l'immobilisme des directions des compagnies pétrolières, ExxonMobil et Total. Les salariés n'ont plus confiance dans les promesses. On souhaite qu'il y ait l'ouverture des négociations et des propositions, avant de lever la grève."

Quand la pénurie d'essence va-t-elle prendre fin ?

Il est probable que les pénuries dans les stations-service durent encore plusieurs jours, les experts de la logistique propre à la distribution de carburant considèrent qu'un retour à la normale est improbable avant le 24 octobre 2022. Le ministre des transports a indiqué le 17 octobre qu'il ne fallait pas s'attendre à un retour à la normale avant la semaine du 24 octobre. 

Où trouver de l'essence en France ?

Linternaute vous propose une carte recensant toutes les stations-service disposant de carburant, afin d'avoir une vision sur les points de livraison. Cette carte, construite sur des données publiques fiables, est actualisée en temps réel.

Quels sont les salaires des grévistes en raffineries ?

Pour peser sur les négociations et sur l'opinion, la direction de TotalEnergies a mis en ligne un communiqué pour rendre publics les niveaux de rémunération des salariés. Selon Total, les opérateurs de raffinerie - ouvriers, agents de maîtrise seulement - touchent 5000 euros par mois, intéressements et participation compris, en moyenne sur l'année 2022. Des chiffres contestés par les syndicalistes CGT TotalEnergies : auprès de BFMTV, ceux-ci avancent des niveaux de salaires autour de 2100 euros brut "à l'embauche". Sur cette question sensible, Germinal Lancelin, secrétaire général CGT ExxonMobil Chimie, a donné des éléments de précision sur BFMTV : "Le salaire d'embauche d'un opérateur est de 2120 euros brut. A cela peuvent s'ajouter des primes si la personne fait des "quarts". 4300 ou 4500 euros, c'est le salaire d'un chef de service en fin de carrière ou d'un chef de quarts avec 20 ans d'ancienneté".

TotalEnergies indique aussi que si les bénéfices du groupe ont été importants ces derniers mois, les salariés ont été rétribués pour leur contribution. "Ces mêmes salariés ont bénéficié en 2022 d'un intéressement-participation moyen aux résultats de l'entreprise de 9108 euros, avec un montant minimum de 7250 euros" peut-on lire dans le communiqué de TotalEnergies.