Essence : que va-t-il se passer après les réquisitions des raffineries ?
[Mis à jour le 12 octobre à 15h24] Face à la grève des raffineries et la pénurie d'essence dans les stations qui se poursuivent, le gouvernement a décidé de réquisitionner une première raffinerie ce mercredi 12 octobre. L'établissement d'Esso-ExxonMobil en Seine-Maritime est visé et la procédure doit prendre effet dans la journée, selon le ministère de la Transition énergétique, malgré la mobilisation et la désapprobation des syndicats. La raffinerie normande est l'une des six à être touchées par la grève mais la seule dont la remise en route est forcée, pourtant l'exécutif n'exclut pas de "recourir à des réquisitions" supplémentaires dans les mêmes conditions qu'à Gravenchon-Port-Jérôme comme l'a déclaré Olivier Véran après le Conseil des ministres ce mercredi. Le porte-parole du gouvernement a soutenu les biens faits de la mesure en évoquant un effet rapide notamment une "amélioration très sensible" dans les stations grâce à la reprise des livraisons de carburant dans "les prochains jours". Car oui, la réquisition de la raffinerie et sa mise en route au service minimum ne permettra pas un retour à la normale dans les stations essence du jour au lendemain. Olivier Véran a ajouté que plus tard le redémarrage de la production des raffineries sera permis grâce à la libération des espaces de stockage, mais pour que la production reprenne encore faut-il que la grève cesse.
Les syndicats n'ont pas l'air décidés à mettre fin à la grève dans les raffineries. Beaucoup ne voient pas non plus d'un bon œil les réquisitions décidées par le gouvernement, certains considèrent même que c'est une atteinte à leur droit de grève. Pourtant, l'exécutif est dans son bon droit, celui permis par l'article L2215-1 du Code général des collectivités territoriales selon lequel "lorsque l'atteinte constatée ou prévisible au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publiques l'exige [...] le préfet peut, par arrêté motivé, [...] réquisitionner tout bien ou service, requérir toute personne nécessaire au fonctionnement de ce service ou à l'usage de ce bien et prescrire toute mesure utile jusqu'à ce que l'atteinte à l'ordre public ait pris fin ou que les conditions de son maintien soient assurées." La pénurie d'essence qui touche 30% des stations françaises est selon le gouvernement un trouble à l'ordre public suffisant pour justifier cette mesure.
Les réquisitions suffisantes pour mettre fin à la pénurie d'essence ?
La pénurie d'essence dans les stations-service est une conséquence directe de la grève des raffineries mais il ne suffit pas de refaire tourner les établissements pour que le problème soit instantanément réglé. La réquisition de la raffinerie normande d'Esso-ExxonMobil ne sera pas la solution miracle aux difficultés des automobilistes mais la reprise de la distribution du carburant pourra soulager la pression qui pèse sur les stations essence d'ici quelques jours, le temps que l'essence et le gazole soient livrés et que le réapprovisionnement soit plus régulier. Mais si elle est remise en route, la raffinerie ne tournera pas à plein régime, seule l'activité de distribution reprendra. Or pour constater un vrai retour à la normale il faudrait que toutes les raffineries (elles sont huit en France dont sept en métropole) redémarrent et même là les automobilistes devraient patienter une dizaine de jours pour ne plus avoir de difficultés à faire le plein.
Qui va être réquisitionné dans les raffineries d'essence ?
La raffinerie Esso de Seine-Maritime, la seule à être concernée par la mesure, ne tournera pas à plein régime même une fois la réquisition des personnels "indispensables au fonctionnement" actée. D'abord parce que seulement une poignée de salariés est visée par la mesure. Comme précisé, seul le personnel assigné aux missions nécessaires pour résoudre les problèmes d'approvisionnement vont être appelés à travailler, il s'agit donc de quelques personnes, deux à trois par site selon TF1 Info et toujours moins de dix selon BFMTV. Ensuite le faible nombre de salariés mobilisés s'explique parce que ce n'est pas toute l'activité de la raffinerie qui va être relancée mais seulement "le déblocage des dépôts de carburant à l'intérieur des raffineries" note la direction d'Esso à l'AFP. Les unités de production resteront à l'arrêt et les salariés œuvreront simplement à l'envoi de l'essence dans les stations.
Quant à la sélection des salariés réquisitionnés elle est nominative et se fait toujours selon le critère de nécessité, des informations que la préfecture obtient directement auprès de l'entreprise. Pour ces personnes, l'arrêté préfectoral rend le travail obligatoire au moins pour les missions et prestations précisées dans le texte. En cas de "refus d'exécuter les mesures prescrites par l'autorité requérante", les salariés s'exposent à une sanction pouvant aller jusqu'à "six mois d'emprisonnement et de 10 000 euros d'amende" selon l'article du Code général des collectivités territoriales. La durée de la réquisition peut être indiquée mais la mesure tient jusqu'à ce que l'atteinte à l'ordre public soit résorbée. Pour ce qui est de la date à laquelle le personnel réquisitionné doit commencer à travailler cela peut aller très vite et intervenir seulement quelques heures après la publication de l'arrêté.