Fusillade à Paris : la communauté kurde visée ? Ce que l'on sait du suspect

Fusillade à Paris : la communauté kurde visée ? Ce que l'on sait du suspect Un suspect interpellé, trois morts, de violents heurts, la communauté kurde indignée... Ce vendredi 23 décembre, un homme a ouvert le feu près d'un centre culturel kurde, dans le Xᵉ arrondissement de Paris. Depuis, la tension est vive alors que les motivations du tireur n'ont pas encore été officiellement déterminées.

[Mis à jour le 23 décembre 2022 à 23h55] Vendredi 23 décembre en fin de matinée, un homme a ouvert le feu à proximité d'un centre culturel kurde, dans le Xᵉ arrondissement de Paris. Blessé par les forces de l'ordre, il a été interpellé et placé en garde à vue. La procureure de la République de Paris, Laure Beccuau, a confirmé en début d'après-midi le décès de trois personnes, ainsi qu'un blessé en urgence absolue - vendredi peu avant minuit, son pronostic vital n'était toutefois plus engagé - et deux autres en urgence relative. D'après BFM TV, les blessés seraient tous des hommes, âgés de 31, 32 et 46 ans. Les deux plus âgés auraient la nationalité turque, mais feraient partie de la communauté kurde, tandis que le plus jeune serait Français.

Les faits se sont déroulés au 16 rue d'Enghien. "Les fusillades sont intervenues dans le centre communautaire kurde […] ainsi que dans un restaurant juste en face du centre communautaire et chez un coiffeur", a expliqué la maire du Xᵉ arrondissement, Alexandra Cordebard, selon des propos rapportés par RTL. Le quartier a rapidement été complètement bouclé. Blessé et en urgence relative, le suspect "a été conduit à l'hôpital et sera ensuite interrogé par la police", a précisé la maire.

Une enquête a été ouverte pour chefs "d'assassinat, homicides volontaires et violences aggravées". "Les investigations ont été pour l'heure confiées au deuxième district de la police judiciaire (DPJ)", a spécifié le parquet. Arrivé sur place dans l'après-midi, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a d'abord eu un mot pour la communauté kurde. Il a ensuite remercié les pompiers et les policiers, "qui sont intervenus en moins de quinze minutes". Le suspect, qui a "manifestement agi seul", a été hospitalisé, vendredi dans l'après-midi. Il sera auditionné dans les prochaines heures, a précisé Gérald Darmanin. 

Pendant la prise de parole du ministre de l'Intérieur, des heurts ont éclaté dans le quartier de la fusillade. Des jets de projectile ont visé les forces de l'ordre, rapportait franceinfo. "Poubelles brûlées", "jets de pierre", "gaz lacrymogènes", évoquait de son côté le journaliste de BFM TV Anthony Lebbos. Des policiers ont rapidement été appelés en renfort sur place.

Vendredi soir, l'enquête se poursuivait toujours. Une perquisition au domicile du principal suspect était en cours en début de soirée. Les motivations exactes du suspect n'étaient cependant pas encore officiellement déterminées, bien que la communauté kurde dénonçait déjà de son côté "une attaque terroriste et politique". Une cellule psychologique avait, quant à elle, été ouverte à la mairie du Xe arrondissement de la capitale. "Elle sera bien entendu ouverte tout le week-end pour accueillir les personnes qui ont été soit témoins, soit choquées par ce drame", a fait savoir au micro de BFM TV la maire Alexandra Cordebard.

Selon des informations du Parisien, le suspect serait un retraité, ancien conducteur de la SNCF. Lors de son interpellation, les forces de l'ordre ont saisi l'arme qui lui a servi à tirer, un Colt 45, croit savoir le JDD. L'homme, un certain William M., né le 30 mars 1953 à Montreuil, en Seine-Saint-Denis, et qui habiterait non loin des lieux du drame, était connu pour deux tentatives d'homicide. Ainsi, rapporte RTL, en 2016, il avait été victime d'un cambriolage et s'en était pris violemment à son cambrioleur en lui donnant des coups de couteau. En 2021, il s'en était pris à un centre de migrants du XIIe arrondissement avec un sabre. L'homme venait d'ailleurs tout juste de sortir de prison, le 12 décembre 2022. Placé sous contrôle judiciaire, il avait pour interdiction de détenir une arme. 

Au micro de M6, le père du suspect n'a pas mâché ses mots vendredi. "Il est cinglé, c'est un abruti", a-t-il confié, sans filtre. Alors que l'homme suspecté d'être l'auteur de la fusillade était sorti de prison 11 jours plus tôt, il était, depuis, hébergé chez ses parents. Toujours auprès de M6, le père de l'individu est revenu sur la soirée plutôt banale qu'il aurait passée avec eux la veille du drame. "Hier soir, il a joué au Scrabble avec sa mère, ça s'est bien passé. Elle était contente, lui aussi. On se disait : 'Il va se remettre sur les rails'."

La nouvelle de la fusillade à Paris a, sans surprise, été un véritable coup de massue pour la mère du principal suspect. En apprenant les faits, elle se serait mise à trembler et aurait alors hurlé : "Oh non ! Il n'a pas recommencé !" Puis, elle serait partie se coucher. Pour le père du suspect, son fils ne "vivait pas comme tout le monde", a-t-il encore fait savoir à M6, confiant au passage son incompréhension : "Mon fils est un fou, il avait fait de la prison pendant un an, sa mère s'était occupée de le remettre sur rails. II venait de sortir de prison et ce vendredi, il remet cela, je ne comprends pas." Vendredi 23 décembre, en début de soirée, une perquisition était en cours au domicile du suspect, situé dans un immeuble du 2e arrondissement de Paris.

Que sait-on des motivations du principal suspect de la fusillade à Paris ?

Selon les informations du Journal du dimanche, le principal suspect de la fusillade à Paris aurait affirmé aux premiers policiers intervenants sur place avoir agi par "racisme". Plus tôt dans la journée, lors de son allocution à la presse, le ministre de l'Intérieur a déclaré que "les motivations exactes du tueur" n'étaient pas connues. "Il n'est pas sûr que le tueur, qui a voulu assassiner ces personnes, l'ait fait spécifiquement pour les Kurdes. Il a voulu manifestement s'en prendre à des étrangers", a-t-il précisé. Connu des services de la justice, le tireur n'était en revanche pas connu des services de renseignement, ni fiché comme "quelqu'un d'ultradroite". À la suite de cette attaque, Gérald Darmanin a ajouté que "les lieux où se réunissent les membres de la communauté kurde" allaient être protégés.

Pourquoi la communauté kurde s'indigne ?

Après le choc de la fusillade, la colère. Des heurts ont donc éclaté à proximité des lieux du drame, vendredi 23 décembre, peu après la prise de parole de Gérald Darmanin en fin d'après-midi/début de soirée. Selon des sources policières qui se sont notamment confiées à BFM TV, il semble que plusieurs membres de la communauté kurde s'en sont pris aux forces de l'ordre. Des projectiles ont été en tout cas lancés en direction des policiers qui ont répliqué en envoyant des gaz lacrymogènes. Les images diffusées par les chaînes télévisées étaient particulièrement spectaculaires et violentes. Ces échauffourées ont conduit à l'interpellation d'une personne et ont fait cinq blessés chez les policiers.

Comment expliquer cette violence ? Des associations kurdes ont livré quelques éléments lors de leur conférence de presse organisée peu avant 19 heures. Dénonçant "une attaque terroriste et politique", en citant notamment "la situation politique en Turquie", le porte-parole du Conseil démocratique kurde en France (CDKF), Agit Polat, a déploré que le caractère terroriste n'ait pas encore été retenu par les autorités. "Nous sommes indignés face à cette situation", a-t-il déclaré.

Plusieurs politiques ont réagi en évoquant la communauté kurde, à commencer par le président de la République lui-même. "Les Kurdes de France ont été la cible d'une odieuse attaque au cœur de Paris. Pensées aux victimes, aux personnes qui luttent pour vivre, à leurs familles et proches. Reconnaissance à nos forces de l'ordre pour leur courage et leur sang-froid", a déclaré sur Twitter Emmanuel Macron.

De son côté, l'Insoumis Jean-Luc Mélenchon s'est rendu sur les lieux de la fusillade. "Sur place. Les responsables politiques kurdes avaient alerté il y a une quinzaine de jours. Les trois morts sont trois militants kurdes, dont la responsable des femmes kurdes de France", a-t-il rapporté, avant de commenter : "Pas de hasard crédible."

Dans un communiqué, le Conseil démocratique kurde en France appelle "à une grande manifestation [samedi] à 12 heures, place de la République". Des militants LFI ainsi qu'une délégation de députés insoumis devraient répondre à l'appel. En toute fin de soirée vendredi, la préfecture de police a indiqué qu'"à la demande du président et du ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, le préfet de police Laurent Nuñez recevra les responsables de la communauté kurde, [samedi 24 décembre] à 10 heures".

Pourquoi l'extrême droite est-elle mise en cause ?

Après la fusillade, plusieurs élus ont rapidement fustigé l'extrême droite, dénonçant une "attaque raciste". "Profonde tristesse et indignation face à l'attaque raciste à proximité du centre culturel kurde perpétré ce jour en plein cœur de la capitale. La sécurité de nos alliés kurdes doit être garantie. L'extrême droite raciste doit être neutralisée", a ainsi twitté la cheffe de file des Insoumis à l'Assemblée nationale, Mathilde Panot. Et l'écologiste Sandrine Rousseau de renchérir : "L'idéologie d'extrême droite est la haine de l'autre, son rejet. Il n'y a rien d'étonnant à ce que certains en passent aux actes. Aujourd'hui, c'était à Paris 10 et contre la communauté kurde, avant c'était un camp de migrants. Quelque chose en France bascule du côté sombre."

Déplorant un "effroyable attentat", l'Insoumise Clémentine Autain a estimé que "l'extrême droite semble avoir encore frappé. Mortellement". Et d'interroger : "Quand le sommet de l'État prendra-t-il au sérieux cette menace terroriste ?" De son côté, la maire de Paris, Anne Hidalgo, a également évoqué "un militant d'extrême droite" en parlant du principal suspect.

Des accusations qui font référence au passé judiciaire de l'individu. Celui-ci est poursuivi dans deux dossiers, dont l'un concerne une agression survenue dans un camp de migrants,  un an plus tôt, en décembre 2021. Vendredi matin, la procureure de Paris avait estimé que le "motif raciste" allait faire partie des investigations, néanmoins, à ce stade de l'enquête, les motivations du principal suspect ne semblaient pas encore officiellement actées. D'après BFM TV, le parquet national antiterroriste ne savait pas encore s'il allait se saisir ou non de l'affaire, préférant voir ce qu'il allait ressortir de la première audition du suspect.