Islamiste radicalisé ou malade psychiatrique ? Qui est Armand Rajabpour-Miyandoab, l'auteur de l'attentat à Paris ?
Il était déjà connu des services de renseignement pour sa radicalisation islamiste et les autorités connaissaient ses troubles psychiatriques, mais il a réussi à mener une attaque présumée terroriste. Armand Rajabpour-Miyandoab est l'assaillant de l'attaque au couteau et au marteau perpétrée dans le 15ème arrondissement de Paris, entre le quai de Grenelle et le pont Bir-Hakeim, dans la soirée du samedi 2 décembre. Une attaque qui a fait un mort et deux blessés et avant laquelle l'auteur âgé de 26 ans a prêté allégeance à l'Etat islamique dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux. Fiché S et déjà condamné pour association de malfaiteurs dans un précédent projet d'attaque en 2016, qui est Armand Rajabpour-Miyandoab et comment a-t-il pu passer à l'acte sans être repéré ?
Une radicalisation islamiste dissimulée ?
Français né en 1997 de parents iraniens athées, Armand Rajabpour-Miyandoab se convertit à l'islam et se rapproche de la mouvance radicale jusqu'à participer à un projet d'attaque dans le quartier parisien de La Défense en 2016. Interpellé et condamné à cinq ans de prison dont un avec sursis, mise à l'épreuve et sous surveillance pour cette tentative d'attentat, le Franco-Iranien est libéré en 2020. Quelque mois plus tard, lors de l'assassinat de Samuel Paty, en octobre 2020, Armand Rajabpour-Miyandoab, se rend au poste de police pour indiquer qu'il a été en contact avec l'auteur de l'assassinat du professeur sur X (ancien Twitter). Il explique alors aux policiers avoir une "haine contre les islamistes qui appellent ouvertement ou non à la violence" et s'être "éloigné de la religion" pendant l'année d'isolement qu'il a vécu en prison, comme le rapporte Le Parisien. Et d'ajouter : "Je sais maintenant comment se passe l'enrôlement et je ne me laisserai plus influencer, et je suis bien entouré de psychologues, éducateurs, médiateurs…"
La famille d'Armand Rajabpour-Miyandoab dit être témoin du changement chez le jeune homme après sa libération. "Il a pris le bon chemin. Il a mûri depuis sa détention, il est plus affectueux qu'avant. Il se sent surtout à 100 % français, il en est sorti avec un amour pour la France. [...] Il a la haine de cette idéologie islamiste, il a souffert de sa détention", déclare-t-elle dans une audition à la DGSI consultée par le journal francilien. Pourtant, en octobre 2023, la mère du jeune homme signale le comportement de son fils qui "se replie sur lui-même" puis estime qu'il va mieux seulement quelques jours plus tard a fait savoir le procureur antiterroriste Jean-François Ricard, lors d'une conférence de presse dimanche soir.
Quant aux spécialistes du dispositif Pairs-Paris qui étaient chargés de suivre Armand Rajabpour-Miyandoab dans son processus de désengagement idéologique, ils sont plusieurs à indiquer dans Médiapart : "Nous ne croyions pas à la déradicalisation de Rajabpour. Il était certes très poli, mais très fermé, mutique. Et d'autres d'ajouter : "Il ne me paraissait pas être dans une rupture par rapport à son engagement djihadiste, complète un second. Il ne nous inspirait pas un sentiment de sécurité quand on était avec lui… "
Des troubles psychiatriques non soignés ?
Avec la radicalisation du suspect, ce sont aussi ses troubles psychiatriques qui ont été mis en avant. L'homme de 26 ans a développé des troubles durant son incarcération selon le profil dressé par les enquêteurs. Armand Rajabpour-Miyandoab a bien eu un traitement médicamenteux qui s'est poursuivi après sa libération, jusqu'à ce qu'il arrête de le prendre en accord avec son médecin en 2022. Le parquet national antiterroriste avait alors requis une nouvelle expertise psychiatrique qui avait conclu en août 2022 au suivi nécessaire et à une injonction de soins. Mais le médecin coordinateur n'était pas de cet avis et selon le dernier rapport remis en avril 2023 aucune dangerosité psychiatrique n'avait été identifiée.
Après le signalement de la mère du suspect en octobre dernier, cette dernière avait refusé d'hospitaliser son fils de force. La prise en charge médicale de l'assaillant aurait-elle permis d'éviter l'attaque ? C'est une hypothèse envisagée par le ministre de l'Intérieur qui a dénoncé un "ratage psychiatrique" sur BFMTV-RMC le 4 décembre. Mais malgré le diagnostic sur des troubles mentaux, la radicalisation islamiste du suspect est survenue avant le développement des problèmes psychiatriques et n'est pas une conséquence de ces troubles. Les membres du dispositif Pairs-Paris estiment d'ailleurs que l'individu "n'est pas fou" et n'est "absolument pas en décompensation".
Des liens avec plusieurs djihadistes
Armand Rajabpour-Miyandoab a été en contact avec d'autres individus radicalisés, dont certains connus en tant que djihadistes. L'homme a échangé avec Abdoullakh Anzorov, le tueur de Samuel Paty, en octobre 2020 après la publication d'une vidéo du terroriste tchétchène sur X et seulement quelques jours avant l'attentat dans le collège des Yvelines. Lors de cet échange, les deux hommes auraient débattu sur l'idéologie islamiste, le suspect assurant s'en être détourné et n'ayant pas cédé au prosélytisme du Tchétchène, selon les déclarations d'Armand Rajabpour-Miyandoab à la police lors de son audition.
Mais le suspect avait eu des contacts avec d'autres individus radicalisés avant sa participation à un projet d'attentat en 2016. L'homme a d'abord rencontré Maximilien Thibaut, parti avec sa femme et ses enfants rejoindre l'Etat islamique en 2015, à peine quelques mois avant le départ du djihadiste. Le père de famille aurait alors poussé le suspect à commettre un acte terroriste rappelle Médiapart. Peu de temps après, Armand Rajabpour-Miyandoab a commencé à fréquenter des groupes djihadistes en ligne. Le suspect a d'ailleurs échangé avec Larossi Abballa, le tueur du couple de policiers tué à Magnanville en 2016, et avec Adel Kermiche, un des terroristes responsables de la mort du père Hamel à Saint-Étienne-du-Rouvray en 2016. C'est d'ailleurs à cause de ses contacts avec Adel Kermiche que l'homme a été condamné pour association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme.