Les experts changent d'avis sur la vie intime de Shakespeare, après avoir lu une lettre
"Etre ou ne pas être, telle est la question", n'y a-t-il pas plus culte réplique que celle écrite par William Shakespeare dans Hamlet ? La renommée du dramaturge ayant vécu au XVIe siècle a traversé les époques. Il est considéré comme l'un des plus grands dramaturges de langue anglaise avec 39 pièces et 154 sonnets. Mais que sait-on de sa vie privée ? De nombreuses spéculations autour de sa sexualité ont longtemps circulé.
Le poète s'est marié avec Anne Hathaway alors qu'il n'avait que 18 ans. Le couple a eu par la suite trois enfants. Pourtant, certains lecteurs auraient détecté dans ses ouvrages la preuve de son amour pour une autre personne, qui serait un homme. C'est ainsi que se sont construites les hypothèses sur la soi-disant bisexualité de l'écrivain. Pour d'autres, il ne s'agissait que d'une très forte amitié. De plus, son mariage n'était pas réputé pour avoir été heureux : l'écrivain aurait quitté Stratford-upon-Avon, sa ville d'origine, pour s'installer seul à Londres et mener sa carrière, laissant sa famille derrière lui.
Une nouvelle analyse d'un fragment de lettre, publiée dans Shakespeare, la revue de la British Shakespeare Association, vient remettre en question cette théorie. Les spécialistes de l'Université de Bristol se sont penchés sur un écrit du XVIIème siècle qui est adressé à "la bonne Mme Shakspaire". Cette lettre n'avait pas été analysée de près puisque "personne n'a pu identifier les noms ou les lieux impliqués ou voir une raison de penser que le M. Shakespeare dans la lettre était nécessairement William plutôt que quelqu'un d'autre du même nom dans la période générale", a expliqué le professeur de littérature anglaise à l'Université de Bristol, Matthew Steggle, rapporte The Guardian.

Pourtant, il s'agirait bien d'une lettre à destination d'Anne Hathaway. Son contenu évoque l'argent que Shakespeare détenait en fiducie pour un orphelin, John Butts, et qu'il devait gérer jusqu'à sa majorité. L'expéditeur accuse le dramaturge de ne pas avoir rendu les sommes dues et demande des comptes à sa femme. "On ne lui demande pas d'intercéder auprès de son mari, mais bien d'effectuer le paiement elle-même", précise Matthew Steggle. Ce détail met en avant une possible indépendance financière de l'épouse de l'écrivain.
Au verso apparait une réponse probablement écrite de la main d'Anne Hathaway, dans laquelle elle refuse de payer. Cette lettre semble donc aussi montrer son implication dans les affaires de son mari. De plus, elle témoignerait aussi d'une vie commune à Londres, à Trinity Lane, lieu d'expédition de la lettre, au début des années 1600. Parmi les rares Shakespeare vivant dans la capitale anglaise, seuls l'écrivain et son épouse correspondaient en effet au profil financier pouvant vivre dans ce quartier. Si c'est bien Anne Hathaway qui a rédigé ces mots, cette lettre représenterait "la chose la plus proche de sa voix jamais connue".