Une saga médiévale populaire mal interprétée suite à l'erreur d'un scribe, des chercheurs dévoilent enfin la vraie histoire
En Europe, il n'y avait pas que la légende arthurienne qui circulait au Moyen Âge, une autre épopée était souvent racontée et faisait partie de la culture populaire. Il s'agit du chant de Wade, qui a été oublié depuis le XVIIIème siècle, époque où plus personne ne semblait le connaitre. Cette histoire, dont l'origine remonte au XIIème siècle, semblait raconter le combat d'un héros face à des monstres. Seul un sermon latin citant un extrait de la saga a été retrouvé en 1896 alors que le texte dans son intégralité reste un mystère. Il contenait notamment le mot "ylues" qui signifiait "elfe" et le terme "sprite" désignant un "lutin", ramenant donc à un récit dans un univers surnaturel.
Cette interprétation vient d'être contredite par des chercheurs de l'Université de Cambridge qui ont publié une étude dans The Review of English Studies. Ils estiment qu'une erreur s'est glissée dans le récit. La transcription du sermon par un scribe ne serait pas la bonne : les lettres "y" et "w" ont été confondues. Ainsi, il n'était pas question d'elfes mais de "loups", utilisés comme allégorie pour les hommes dangereux, ni de lutins mais de serpents de mer.
L'extrait "certains sont des elfes, d'autres des vipères ; d'autres encore sont des lutins qui vivent près des eaux : il n'y a d'homme que Hildebrand" serait en réalité traduit par "certains sont des loups, d'autres des vipères ; d'autres encore sont des serpents marins qui vivent au bord de l'eau. Il n'y a d'homme qu'Hildebrand". Ce personnage est le père du héros.

C'est notamment en recontextualisant le sermon où est mentionné l'extrait que les chercheurs ont compris qu'il avait été mal interprété. Ce dernier portait sur l'humilité et mettait en garde contre ceux "qui sont des loups, tels de puissants tyrans". Avec la nouvelle interprétation, la phrase se prête mieux au message du sermon. Cela montre aussi que lors de ce dernier, le prédicateur a utilisé une référence populaire pour capter son auditoire. "C'est une expérience créative à un moment crucial où les prédicateurs cherchaient à rendre leurs sermons accessibles et captivants", a commenté Seb Falk, co-auteur de l'étude dans un communiqué.
Cette nouvelle analyse éloigne surtout le texte médiéval du monde surnaturel. Le héros serait alors face à des dangers réels, terrestres. "Il ressemblait davantage à un héros de roman chevaleresque (un genre littéraire célébrant les chevaliers, les codes d'honneur et l'amour romantique) comme Sir Lancelot ou Sir Gauvain", a déclaré Seb Falk à CNN. Ce constat rend, de surcroit, plus cohérent l'évocation du Chant de Wade par Geoffrey Chaucer, auteur d'œuvres chevaleresques comme Le Conte du Marchand où il fait allusion au bateau de Wade.