
Des effondrements de sol se multiplient, les agriculteurs sont les premiers touchés
Des effondrements de sols ont eu lieu dans différentes régions du monde et les agriculteurs sont les premiers touchés. Un désastre écologique.
Au milieu de leurs champs de blés, les agriculteurs sont de plus en plus nombreux à découvrir des trous béants dans leur plantation. Ce phénomène, autrefois naturel, a tendance à se généraliser et à s'amplifier. En temps normal, ces effondrements, aussi appelés "dolines", sont causés par une infiltration de l'eau de pluie, dont le potentiel hydrogène (pH) est naturellement acide, dans les sols. Ce liquide "érode la rouche sous-jacente, créant ainsi des détériorations sous la surface", indique National Geographic. Pourtant, depuis quelques années, ces cratères sont devenus si récurrents qu'il n'est plus exact de parler "d'origine naturelle". Ces nouvelles dolines sont désormais dues au pompage excessif des nappes souterraines pour l'irrigation.
Si, en France, le phénomène reste rare, il faut être très vigilants sur les causes à l'origine. Il faut regarder surtout du côté de l'Anatolie, en Turquie, où les champs de la région de Konya Karapınar ont connu des effondrements massifs. Et ce pour une seule et même raison : l'agriculture intensive. Selon le Centre de recherche sur les dolines de l'université technique de Konya, leur nombre est passé de 299 en 2017 à 2 550 en 2021.
Cette progression fulgurante s'explique par l'intensification des pratiques agricoles. En 2019, le pays représentait à lui seul plus de 10,5 % des exportations totales de fruits et légumes, un gain d'environ 15 milliards d'euros net d'après le ministère de l'agriculture française.

Dans le magazine Futura Sciences, le professeur Fetullah Arik, directeur du département d'ingénierie géologique de l'université de Konya, déplore les conséquences de cette situation. Selon lui, elle se traduit par une "baisse annuelle du niveau des nappes phréatiques de 1 à 2 mètres après les années 2000" et par une "chute de plus de 20 mètres par an dans certains puits d'observation ces dernières années". Ces chiffres préoccupants mettent en évidence l'épuisement accéléré des ressources en eau souterraine, principal moteur de la formation des dolines.
La Turquie paye le prix de sa transition vers une agriculture intensive, héritée des années 1960. À cette époque, les agriculteurs ont été contraints de creuser des puits toujours plus profonds pour irriguer leurs cultures les plus gourmandes en eau, comme le maïs, la betterave à sucre et le luzerne. Selon les chiffres de Futura Sciences, à Konya Karapınar, "près de 90 % de l'eau est utilisée à des fins agricoles, dont la moitié provient des nappes souterraines". Pour cause, le déficit de précipitation à empêcher l'irrigation de cultures comme le blé et l'orge par l'eau de pluie, accentuant encore un peu plus la pression sur les ressources hydriques souterraines.
En septembre 2024, de nombreux agriculteurs se sont mobilisés pour lutter contre les négociants de l'agro-industrie qui les obligent à vendre toujours moins cher leurs produits. Face à cette demande croissante, ils sont contraints de trouver des solutions délictuelles : dans la région de Konya Karapınar, les estimations évoquent plus de 100 000 puits illégaux, contre 35 000 puits autorisés. C'est une véritable urgence climatique et sociale. Et elle n'est pas seulement propre à la Turquie. Pour cause, des dolines similaires ont été observées en Australie, en Israël et au États-Unis, du côté de la Floride.