Etat islamique en Bosnie : le danger est-il aux portes de l'Europe (comme le dit Morano) ?

Etat islamique en Bosnie : le danger est-il aux portes de l'Europe (comme le dit Morano) ? Nadine Morano a lancé l’alerte en France, après plusieurs articles de presse relatant l’installation d’un camp d’entrainement de l’Etat islamique dans un village de Bosnie. Daesh est-il en train de s’implanter "au cœur de l’Europe" ? Réponse en 5 points.

C’est l’information choc de la semaine pour tous ceux qui craignent la contagion de la menace terroriste en Europe. Selon le Mirror britannique, l’Etat islamique serait parvenu à créer un camp d’entrainement en Bosnie, dans un village reculé du pays. Une information à sensation qui fait dire aux plus inquiets que Daesh dispose déjà d’un "avant-poste aux portes de l’Europe". Nadine Morano, souvent en pointe quand il s’agit d’alerter contre la menace islamiste, a d’ores et déjà sonné le tocsin sur Twitter et dans les médias. "Alerte les Islamistes sont au coeur de l’Europe !", s’est affolée la députée européenne, appelant même à "exterminer" la menace. "On a toujours tendance à croire que Daesh est loin de nous mais c’est faux", a-t-elle assuré.

La menace est-elle donc "au cœur de l’Europe" comme l’indique l’élue LR ? Dans le Mirror, on apprend que le village dans lequel l’EI se serait installé est un "hameau dont les trois maisons arborent des drapeaux du groupe terroriste". Gornja Maoca, c’est son nom, est situé près d’un autre village prénommé Osve et d’où une douzaine d’habitants seraient déjà partis faire le jihad en Syrie. Plusieurs d’entre eux auraient récemment acheté des terrains sur un plateau difficile d’accès. Terrains d’où sont entendus depuis des tirs et où les curieux ne sont pas les bienvenus. Voici ce qu’on sait sur la menace sur place.

1 – Des sympathisants de l’EI, mais isolés. Si les drapeaux noirs de l’EI ont bel et bien été photographiés sur place par les journalistes du Mirror grâce à des appareils puissants, le village de Gornja Maoca est un village minuscule et très isolé. Seules trois maisons seraient à ce stade surplombées d’un drapeau de l’EI. Selon Loïc Trégourès, doctorant à l'Université Lille 2 et spécialiste des Balkans, interrogé dans Atlantico, les salafistes, s’ils existent dans la zone, sont "repliés et coupés du monde sur un très petit nombre de villages de ce type". Par ailleurs, l’hypothèse de l’existence d’un camp d’entrainement reste à vérifier, la mention de "tirs" ne constituant pas une preuve visuelle ou matérielle. Par ailleurs, ce regroupement de radicaux dans un périmètre restreint rend plus simple leur surveillance et leur contrôle. Et si des journalistes ont pu l’identifier et même s’en approcher, on peut imaginer qu’il en va de même pour les services de renseignement occidentaux.

2 – La Bosnie est un pays musulman, mais où l’islam tolérant est majoritaire. Depuis la guerre qui a frappé les Balkans dans les années 1990, la Bosnie est considérée comme un territoire où l’islam tolérant est majoritaire et où les salafistes sont largement minoritaires. Ceux qui sont attirés par la violence sont rejetés par la communauté musulmane qui dénonce un détournement de leur foi par les radicaux selon Loïc Trégourès.

3 - Une terre de jihad lors de la guerre contre la Serbie dans les années 90, mais pas de réel héritage. La guerre des musulmans de Bosnie contre la Serbie voisine dans les années 1990 avait provoqué un afflux de moudjahidines dans le pays en même temps qu’un afflux d’armes qui pourraient encore servir le jihad aujourd’hui. Mais beaucoup de ces "combattants de la foi" ont depuis quitté le territoire. Dans leur grande majorité, ils n’auraient pas trouvé en effet un islam suffisamment rigoriste sur place pour avoir envie d’y rester après la guerre. Pour cette raison comme pour les autres évoquées ci-dessus, la stratégie de l’EI sur le territoire semble donc à ce stade se limiter à une stratégie de communication plus que d’implantation.

4- La Bosnie se trouve sur la route des djihadistes pour aller combattre en Syrie, mais est loin de l’espace Schengen. Géographiquement, la Bosnie est proche de la Méditerranée. Elle est aussi, comme la Serbie, une des voies d’accès terrestres les plus simples pour gagner la Bulgarie voisine puis la Turquie, porte d’entrée vers le territoire contrôlé par l’Etat islamique. Des musulmans occidentaux et du Maghreb utiliseraient ainsi ce couloir pour partir faire le jihad, évitant l’avion où les contrôles sont devenus trop stricts. Mais beaucoup reviennent aussi, ce qui accrédite la thèse de la présence de nombreux jihadistes dans le pays. Outre la Méditerranée, l’axe Istanbul-Sarajevo est aussi reconnu comme une route d’immigration illégale vers l’Europe. Mais celle-ci est encore loin de brasser le même nombre de migrants que la Méditerranée. En outre, rappelons que si la Bulgarie pourrait bientôt être intégrée dans l’espace Schengen, ce n’est pas le cas de la Bosnie. Il en va de même pour l’adhésion à l’Union européenne. Si une procédure d’adhésion est en cours pour la Serbie, l’Albanie, la Macédoine, le Monténégro et la Turquie, la candidature de la Bosnie n’est que potentiel à ce stade.

5- Un nombre de jihadistes important, mais pas plus qu’en France. D’après un rapport intitulé "The Lure of the Syrian War : The Foreign Fighters", la Bosnie compterait 156 hommes et plus d’une trentaine de femmes partis en Syrie entre 2013 et 2014. Près d’une cinquantaine serait revenue sur le territoire début 2015. Une menace pour la région et pour l’Europe. Mais les chiffres sont loin de dépasser ceux de la France. En mai, l’Union européenne chiffrait à près de 1500 le nombre de Français partis en Syrie. Les services anti-terroristes estimaient qu’ils étaient 100 à y avoir perdu la vie. Selon Manuel Valls, ce sont une trentaine d’entre eux qui seraient aujourd’hui de retour sur le territoire français. En France comme en Bosnie, le risque se limite donc à l’action d’un ou d’une poignée d’individus radicalisés.