Ces 3 mesures explosives imposées à la France par le traité UE - Mercosur
"La France ne signera pas en l'état ce traité Mercosur", a affirmé Emmanuel Macron face à la presse, dimanche 17 novembre, sur le tarmac avant de s'envoler pour Rio de Janeiro, où se tient le G20, de lundi à mardi. Ce traité, pour lequel de nombreux agriculteurs manifestent dans toute la France, est un projet d'accord commercial de libre-échange entre l'Union européenne et les pays du "Mercado Comun del Sur" (Mercosur), un bloc commercial regroupant le Brésil, l'Argentine, le Paraguay, l'Uruguay et la Bolivie. S'il est conclu, il deviendrait le plus important accord de libre-échange de l'UE avec ses 800 millions de personnes concernées et ses 40 et 45 milliards d'euros d'importations et d'exportations.
Cet accord devrait permettre aux entreprises françaises et européennes d'exporter davantage de produits industriels et de services dans les pays du Mercosur. En retour, les producteurs sud-américains pourront exporter plus de produits alimentaires et agricoles vers l'UE. Il est souvent présenté, schématiquement, comme un accord "viandes contre voitures".
Tout d'abord, ce projet suscite, depuis des années, de fortes inquiétudes en raison de l'arrivée massive de denrées alimentaires sud-américaines sur le marché français. La première mesure explosive de cet accord est la suppression des droits de douane sur l'importation de plusieurs produits : sur 45 000 tonnes de miel, 60 000 tonnes de riz ou encore 180 000 tonnes de sucre.
Bien que la France soit la plus véhémente dans son opposition, de nombreux pays européens se sont mobilisés pour faire entendre leurs désaccords. Les conditions de concurrence sont ainsi jugées déloyales au vu de la manière dont sont produites les denrées alimentaires sur le territoire sud-américain. En effet, leurs produits agricoles ne correspondent pas aux normes environnementales, sanitaires et sociales européennes, créant pour certains observateurs des conditions d'exportation inégalitaires entre les deux associés : "Avec cet accord, notre viande va nous rester sur les bras… Et l'élevage sera déjà complètement mort !", prévoit la présidente de la Coordination rurale, Véronique le Floc'h dans Le Figaro.
Un "impact désastreux" pour l'agriculture française
C'est d'ailleurs la deuxième mesure choc de l'accord avec le Mercosur : il prévoit des quotas de 99 000 tonnes de viande de bœuf latino-américaine, taxées à 7,5%, des quotas de 60 000 tonnes de viande bovine et des quotas de 180 000 tonnes de volaille exemptées de droit de douane. Cette importante réduction des barrières tarifaires inquiète toute la filière agricole européenne, à qui on exige des standards de qualité plus élevés et dont les charges de production sont supérieures.
En dépit des gains économiques pour l'UE, dus à l'exportation massive de produits industriels et de services en Amérique du Sud, comme le vin, les voitures ou l'huile d'olives, de nombreux pays craignent des effets négatifs sur l'environnement et la santé. C'est la troisième mesure choc ce cet accord : l'accroissement des importations de la viande, l'éthanol et le soja rendent la monoculture agricole comme le présupposé le plus rentable. La monoculture est pourtant l'un des moteurs importants de la déforestation en Amazonie et dans le Cerrado.
Par ailleurs, les "conditionnalités" sur les secteurs concernés ne sont pas pas garanties. "En théorie, la viande traitée par exemple aux antibiotiques et hormones de croissance ne peut entrer, mais en pratique la traçabilité est imparfaite. Il y a des audits d'abattoirs organisés avec la Commission, mais on ne suit pas facilement le bétail avant cette étape. Le traçage de la naissance à l'abattage, dans le Mercosur, cela n'existe qu'en Uruguay", explique ainsi l'économiste Stefan Ambec au Figaro.
En 2020, Stefan Ambec soulignait déjà dans un rapport que les gains économiques de l'accord ne compenserait pas ses coûts environnementaux en raison de l'accroissement des émissions de gaz à effet de serre et de la déforestation causés par la hausse des exportations sud-américaines.
Le premier ministre Michel Barnier, qui dénonce "l'impact désastreux" du traité Mercosur-UE "sur des filières entières de l'agriculture et de l'élevage", refuse que le pays l'accepte "dans les conditions actuelles". Malgré tout, la France, si elle est seule, est incapable de bloquer la ratification de cet accord. En revanche elle peut réussir à convaincre d'autres pays : si elle en réunit au moins quatre, elle pourra empêcher son adoption par l'Union européenne.