Pourquoi l'écrivain Boualem Sansal a-t-il été arrêté en Algérie ? Le sort du franco-algérien inquiète
Il n'avait plus donné signe de vie depuis six jours. Boualem Sansal, écrivain Franco-algérien a été "arrêté par la police et emprisonné par le régime" algérien, selon les informations de Marianne. Une donnée que confirme RFI, ajoutant que l'homme de 75 ans a été interpellé à Dar El Beida, à l'est de la capitale algérienne, "quelques minutes après avoir quitté l'aéroport international Houari Boumédiène, le samedi 16 novembre 2024". Le média précise que l'auteur devrait être présenté au procureur de la République d'Alger ou de Boumerdès.
Dans le collimateur des autorités algériennes
Ecrivain à succès, Boualem Sansal est connu pour sa posture critique vis-à-vis du régime algérien et de l'islamisme. Plusieurs de ses livres ont même été censurés en Algérie, mais sont par exemple publiés en France. En 2015, il est lauréat du grand prix du roman de l'Académie française pour son roman 2084 : la fin du monde, aux éditions Gallimard. Malgré les menaces, il n'a jamais accepté de se coucher sous les pressions d'Alger et revenait même "régulièrement" dans son pays, précise Marianne.
Pour l'heure, les raisons de l'arrestation de Boualem Sansal n'ont pas été officialisées par les autorités algériennes. D'après RFI, celui qui dispose désormais de la nationalité française - depuis 2024 - devrait son arrestation à ses propos tenus dans les colonnes du média français d'extrême droite, Frontières, le 15 décembre 2023 : "Quand la France a colonisé l'Algérie, toute la partie ouest de l'Algérie faisait partie du Maroc : Tlemcem, Oran et même jusqu'à Mascara. Toute cette région faisait partie du royaume", avait-il déclaré. Un sujet hautement inflammable en Algérie, et repris par les médias marocains.
Dès 2003, Boualem Sansal était dans le viseur des autorités algériennes. Son livre Dis-moi le paradis - dressant un constat critique de l'Algérie post coloniale - lui avait coûté son poste de Directeur général au ministère de l'Industrie. Et il n'est pas un cas isolé. Le dernier prix Goncourt, décerné à l'algérien Kamel Daoud pour son roman Houris, n'a pas été accueilli comme une victoire dans son pays. Deux plaintes ont été déposées contre lui, il est notamment accusé par une victime de la guerre civile d'avoir exploité son histoire.
Des relations tendues entre Paris et Alger, Macron "très inquiet"
Désormais, le sort du franco-algérien inquiète. En effet, son arrestation intervient dans un contexte pour le moins tendu entre la France et l'Algérie. Les autorités algériennes n'ont pas digéré l'appui d'Emmanuel Macron au plan d'autonomie marocain pour le territoire disputé du Sahara occidental, en juillet dernier. Ancienne enclave espagnole, cette zone est majoritairement contrôlée par le Maroc, mais revendiquée par les indépendantistes sahraouis du Front Polisario, soutenu par Alger. Depuis que le chef de l'Etat français a reconnu la souveraineté du Maroc sur ce territoire, la neutralité de Paris n'est plus et les relations avec Alger sont délicates.
Le sort de Boualem Sansal est pris au sérieux. Le locataire de l'Élysée s'est dit "très inquiet" par l'intermédiaire de son entourage auprès de l'AFP. "Le président de la République exprime son attachement indéfectible à la liberté d'un grand écrivain et intellectuel", a-t-on précisé. De son côté, le patron des députés Les Républicains, Laurent Wauquiez, affirme que "tous les moyens de pression sur l'Algérie doivent être activés pour obtenir la libération de notre compatriote". Dans une tribune accordée au Figaro, le vainqueur du prix Goncourt 2024, Kamel Daoud, "espère vivement que son ami Boualem Sansal reviendra parmi nous très bientôt". Selon RFI, Boualem Sansal pourrait être poursuivi pour "atteinte à l'unité nationale et à l'intégrité territoriale du pays" et "incitation à la division du pays", des chefs passibles de peines de prison en Algérie.