Copé-Fillon : les perles du débat sur France 2
Le débat n'a pas vraiment eu lieu entre les deux hommes. Jeudi soir, sur France 2, Jean-François Copé et François Fillon étaient attendus pour un duel télévisé, à quelques semaines du vote des militants qui déterminera qui sera le prochain président de l'UMP. Premier constat : les deux candidats ont refusé la confrontation, écartant avec une gène manifeste toute question et tout sujet qui auraient pu mettre mal à l'aise leur adversaire. Passer pour belliqueux à quelques jours du "rassemblement" du 18 novembre aurait été du plus mauvais effet, une joue tendue à de nombreuses critiques. Cependant, l'exercice auquel les deux hommes se sont livrés n'a pas été inintéressant. Que faut-il retenir ?
D'abord, François Fillon et Jean-François Copé se sont clairement différenciés sur leur "style", leur attitude. L'ancien Premier ministre a endossé le costume du "rassembleur" - c'est d'ailleurs comme cela que les journalistes l'ont présenté - tentant de prendre de la hauteur sur tous les sujets abordés. Rappelant qu'il a été pendant 5 ans "aux côtés de Nicolas Sarkozy", François Fillon a loué l'action de son gouvernement face à la crise, appelé François Hollande (dont il a fustigé "l'amateurisme") à prendre la mesure de sa fonction. Jean-François Copé a gardé quant à lui sa ligne de supporter zelé de l'ancien chef de l'Etat. Mais le député-maire de Meaux, désigné par les journalistes comme un "fonceur", a préféré évoquer des faits concrets ("le pain au chocolat", son action à Meaux) pour démontrer sa légitimité politique.
Les hypocrisies
Sur les sujets sociétaux, principal point de friction entre les deux hommes, François Fillon en a appelé aux valeurs de la République : "Il y a des communautés qui mettent leurs traditions avant celles de la République". Il s'est aussi appuyé sur des arguments historiques ("ce que l'église a accepté doit être accepté par l'islam. S'intégrer à la République n'est pas une option") et des principes idéologiques, appelant notamment à un retour de "l'assimilation" : "L'intégration a perdu son sens [...] Cela ne fonctionne plus, ou beaucoup moins bien, pour une raison de nombre". Une façon pour lui de répondre à la "droite décomplexée" de Jean-François Copé et de ne pas se faire doubler sur sa droite tout en évitant de critiquer son rival.
Jean-François Copé a, lui, joué la carte du pragmatisme, insistant sur son profil de "militant de terrain", au fait des soucis quotidiens des français. Une façon de se positionner en "homme du peuple". Comprendre : "contrairement au 'baron' Fillon, ancien élu de la Sarthe qui a préféré les beaux quartiers de Paris aux dernières législatives". Là où son adversaire se montrait plus allusif, lui, répondait sans détour ("A titre personnel, je ne célèbrerai pas les mariages homosexuels") et envisageait clairement de faire de l'UMP "un parti de résistance" contre le gouvernement qui "affaisse la France".
Les piques
Les deux hommes, qui ont prudemment tenu à ne pas établir de différences manifestes entre eux, ont malgré tout glissé quelques piques à destination de leur concurrent. Langue de bois oblige, Jean-François Copé n'a pas clairement désigné l'ancien Premier ministre comme le défenseur d'un "rassemblement à l'eau tiède", ni comme le "Hollande de droite" qu'il a récemment dépeint dans la presse comme le pire profil pour un patron de la droite. Lui-même critiqué par les lieutenants de François Fillon (les journalistes ont cité une attaque de François Baroin), il a jugé qu'il existait "une droite complexée, qui a une fausse pudeur". Et, toujours à demi-mots, il a dépeint son adversaire comme un élu parisien, loin de son profil de militant, d'homme de terrain, en permanence moqué par "Saint-Germain-des-Prés", en référence au mandat de député de Paris de son concurrent.
De son côté, François Fillon a rappelé que Nicolas Sarkozy, modèle du maire de Meaux, était lui-même ancien maire de Neuilly... L'ancien chef du gouvernement a aussi critiqué, en creux, son concurrent : "Je n'ai pas de complexe, j'ai des valeurs", ajoutant sur "le racisme anti-blanc" avancé par Copé : "Chacun s'exprime comme il l'entend. Moi, je ne l'aurai pas dit comme ça". Enfin, François Fillon a été l'auteur du moment le plus marquant - s'il en fut - de cette soirée. Lors d'un échange évoquant un éventuel retour de Nicolas Sarkozy, Jean-Francois Copé a affirmé qu'il serait "à ses côtés". L'ancien Premier ministre a quant à lui fait savoir qu'il soutiendrait le mieux placé : "Si c'est Nicolas Sarkozy, je serai avec lui. Si c'est Jean-François, je serai avec lui, comme j'espère qu'il sera avec moi si je suis le mieux placé..." Une manière de juger sa "loyauté" et d'obliger son adversaire d'approuver. "Zéro problème avec ça, François", a répondu Jean-François Copé tout sourire.
Les gaffes
L'émission, en direct, a révélé un certain nombre de maladresses. Face à un Jean-François Copé droit dans ses bottes, rappelant sa position "ni-ni" lors d'un éventuel scrutin entre le FN et le PS, François Fillon a peiné à exposer sa position et a cherché ses mots, hésitant : "Je ne mets pas le PS et le FN sur le même plan, mais je n'appellerai jamais à voter pour le PS. [...] J'ai voté une seule fois pour le front républicain. En 2002, c'était pour Jacques Chirac". Incompréhension et silence dans le studio. L'ancien premier Ministre, qui a peut-être cherché à faire de l'esprit, a vécu à cet instant un petit moment de solitude...
Jean-François Copé a, lui, un peu glissé dans la caricature, tombant un peu dans le piège des journalistes qui l'accusaient avec provocation de vouloir sans cesse "chercher des ennemis". Dans un échange tendu, il a fustigé le "parisianisme des médias", mais aussi la bien-pensance de gauche qui a inventé, selon lui, le terme de "droitisation" pour rendre illégitime les positions de la droite "décomplexée". Avec cette posture, probablement délibérée, Jean-François Copé, né à Boulogne-Billancourt, ayant fait toutes ses études à Paris, diplômé de Sciences Po et de l'ENA, ancien haut-fonctionnaire à la Caisse des dépôts et ancien prof de finances à Paris VIII, a sans doute montré une pointe de nervosité.
EN VIDEO : L'ancien secrétaire général de l'UMP Xavier Bertrand a annoncé le 26 octobre sur RTL qu'il avait l'intention de voter pour François Fillon