Les Républicains : l'étrange argumentaire de Sarkozy pour défendre son point de vue

Les Républicains : l'étrange argumentaire de Sarkozy pour défendre son point de vue Nicolas Sarkozy n'apprécie manifestement pas que le nom qu'il a choisi pour son nouveau parti, "Les Républicains", ne fasse pas l'unanimité dans son camp. Le patron de l'UMP défend sa trouvaille, quitte à user d'arguments très discutables.

Face aux critiques qui commencent à se faire entendre, Nicolas Sarkozy a décidé de pas lâcher, de ne pas reculer d'un centimètre : oui, le nom "Les Républicains" serait idéal pour rebaptiser l'UMP, selon lui. Et pour le faire savoir, il ironise sur les réactions de la gauche, qui l'accuse de monopoliser une appellation commune à tous ceux qui se reconnaissent dans les valeurs de la République. "Le mot république, j'ai vu que ça ne plaisait pas vraiment à la gauche... Eh ben du coup... (rires)" s'est-il amusé mercredi 22 avril en meeting à Nice, devant un parterre de militants hilares. "Ils n'aiment pas ça. Il va peut-être falloir qu'ils s'habituent ! On verra le moment venu, mais ils vont finir par me donner une idée... Quand ça fait mal, ils ne devraient pas crier si fort". Jolie astuce rhétorique du patron de l'UMP pour sous-entendre que la gauche aimerait moins la République que la droite.

""Les Républicains" : Sarkozy ironise sur les réactions de la gauche au nouveau nom de l'UMP"

En réalité, Nicolas Sarkozy sait que ceux qu'il doit avant tout convaincre figurent aujourd'hui dans son propre camp. A droite et au centre, "Les Républicains" ne plaît pas tellement. Une majorité de sympathisants préfère "l'UMP", selon un récent sondage. Jean-François Copé a demandé au président du parti de faire marche arrière. Bruno Le Maire considère que le nom n'est pas assez marqué à droite, que la référence à la "nation" est davantage dans leur ADN. Qu'à cela ne tienne. Nicolas Sarkozy a déjà son argumentaire. "La gauche, ils sont d'abord socialistes. Et ensuite républicains. Nous, nous sommes d'abord républicains et ensuite gaullistes ou libéraux" a-t-il assuré à Nice.

La droite plus "républicaine" que la gauche ?

Etrange vision de la dichotomie droite-gauche, pourraient rétorquer les historiens. Le premier parti des "Républicains"apparu dans les années 1870, était dans le camp de la gauche, dans le camp dit des radicaux. La naissance de la troisième République, celle qui instituera les valeurs laïques et sociales de la France contemporaine, a d'ailleurs cristallisé les tensions entre monarchistes et forces progressistes. Léon Gambetta et "les républicains" lutteront des années pour consolider le régime face aux légitimistes, orléanistes, et bonapartistes. Par ailleurs, si l'on se réfère plus singulièrement au socialisme, Jean Jaurès faisait de la "République politique" un axiome de la pensée socialiste, revendiquant une évolution de celle-ci vers une "République sociale".

L'actuel premier sécrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, a d'ailleurs répondu à l'argumentation du patron de l'UMP, de manière laconique, sur Twitter : "Nicolas Sarkozy ne connaît pas Jaurès. Le socialisme c'est la République jusqu'au bout".

Si Nicolas Sarkozy force autant le trait, c'est aussi pour éteindre le début d'incendie qui se déclare dans son camp. Les proches d'Alain Juppé, peut-être envoyés dans le médias comme émissaires, n'aiment pas la nouvelle appellation et le font savoir. "A l'UMP, nous sommes "des républicains", sans aucun doute. Mais je ne considère pas que nous soyons "les républicains". Il me semble qu'un grand nombre d'élus et d'électeurs d'autres partis le sont tout autant" a ainsi estimé Edouard Philippe, le député-maire UMP du Havre, dans Libération. Autre lieutenant d'Alain Juppé, l'ancien ministre Benoist Apparu a jugé, la semaine dernière sur France 2, que Nicolas Sarkozy souhaitait "avoir un parti à sa main". Et Alain Juppé lui-même a fait part de ses réserves sur Europe 1 : "Ça ne va pas être facile de dire : 'j'appartiens aux Républicains'. C'est un concept un peu englobant, il y a beaucoup de républicains partout en France". Et de terminer par un jugement définitif : "Nous n'avons pas vocation à monopoliser le mot de républicains". Le patron de l'UMP va devoir, à l'avenir, orienter son travail de pédagogie davantage en direction de son état-major qu'auprès des militants...

""Les Républicains" : le nouveau nom de l'UMP déjà critiqué"

"Les républicains", trop américain ?

A vrai dire, le terme "républicains" renvoie à de nombreuses acceptions et nuances politiques en fonction des pays. En fin de compte, ceux qui désignent leur mouvement ainsi n'ont souvent pas beaucoup de choses en commun sur le plan des idées. Qui a oublié "le parti républicain" créé en France en 1977 par Jean-Pierre Soisson, pour incarner une composante du centre-droit pro-européen ? D'aucuns associent plus aisément le terme aux républicains espagnols, qui dans les années 1930, défendaient leur idéal socialiste contre les nationalistes. Et que dire des "Republikaners" allemands, petite formation de droite radicale et anti-immigration, créée en 1983 ?

Enfin, comment ne pas penser aux républicains américains, dont la ligne conservatrice, ultra-libérale sur le plan politique et économique, n'est partagée ni par la gauche ni par la droite française ? D'ailleurs, "Sarkozy l'américain" ne sera pas épargné par les critiques surfant sur l'anti-américanisme latent en Hexagone. Marine Le pen, elle, s'engouffre déjà sur la pente, lorsqu'on l'interroge sur le nouveau nom de l'UMP : "Je ne comprends absolument pas, sauf s'il s'agit de répondre à une sorte de fascination puérile de M. Sarkozy qui, probablement, aime les Indiens, les cow-boys, les cheeseburgers et les Nike".