Légion d'honneur du prince d'Arabie Saoudite : les mails qui révèlent les dessous de l'affaire
[Mis à jour le 10 mars 2016 à 18h22] La polémique est loin d'être terminée… Le magazine Causette a pu mettre la main sur les mails échangés au sein de la diplomatie française avant que le prince héritier d'Arabie Saoudite, Mohammed ben Nayef, ne reçoive la Légion d'honneur des mains de François Hollande. Face à la polémique suscitée par cette cérémonie réalisée en toute discrétion, Jean-Marc Ayrault avait affirmé sur France Inter qu'il s'agissait simplement d'une "tradition diplomatique". Les mails consultés par Causette révèlent plutôt un "choix d'opportunité politique".
Dans le premier message écrit par l'ambassadeur de France en Arabie Saoudite, Bertrand Besancenot, on apprend tout d'abord que c'est le prince lui-même qui a demandé à être décoré par la France "à un moment où il souhaite renforcer sa stature internationale". Plusieurs arguments sont alors évoqués pour répondre favorablement à sa requête : "la pérennité de notre partenariat stratégique", la "reconnaissance du rôle personnel éminent du prince dans la lutte contre le terrorisme" ou encore "la dynamique de renforcement de notre coopération bilatérale pour conforter notre prospects civils et militaires".
"Il faut que ce soit discret vis-à-vis des médias"
Mais le mail le plus embarrassant pour le pouvoir est sûrement la réponse émanant de Jérôme Bonnafont, directeur de la section Afrique du Nord et Moyen-Orient du cabinet de Jean-Marc Ayrault, ministre des Affaires étrangères, qui ne voit "aucune raison de ne pas le faire". "Il faut que ce soit discret vis-à-vis des médias mais sans dissimulation", écrit-il. "Si on nous interroge, on répondra lutte contre Daech et partenariat économique et stratégique. Rajoutons, pour faire bonne mesure, des éléments 'droits de l'homme' dans les éléments de langage bien sûr".
Si les intentions de l'exécutif n'étaient pas assez claires, le chef du protocole de l'Elysée abonde dans un autre message : "Aucune objection (…). C'est un choix d'opportunité politique". Et c'est justement ce qui a été reproché au gouvernement lorsque l'affaire a été révélée. "C'est honteux, tout simplement. (...) Cela montre que nous sommes otages de nos relations commerciales avec l'Arabie saoudite, comme avec le Qatar", a réagi auprès de l'AFP Julien Bayou, porte-parole d'EELV. Au Front national aussi, la critique a été virulente. "Doit-on parler de légion du déshonneur ?", a demandé Florian Philippot sur Twitter. Sur les réseaux sociaux, les internautes n'ont pas manqué de critiquer le choix de François Hollande soulignant que l'Arabie saoudite n'était pas très regardante en termes de droits de l'homme. Depuis le début de l'année 2016, 70 personnes ont été exécutées par le régime de ce royaume qui applique une interprétation rigoriste de la loi islamique et où les femmes ne sont pas autorisées à conduire une voiture.
EN VIDEO - Choqués par la Légion d'honneur au prince saoudien, certains internautes préfèrent en rire :