Laurent Pietraszewski : les explications sur sa rémunération par Auchan
Le contexte a sûrement aidé, mais Laurent Pietraszewski a fait une entrée remarquée au poste de haut-commissaire aux retraites. D'abord parce que sa nomination est le fruit de la démission rocambolesque de Jean-Paul Delevoye, après des révélations d'"oublis" sur sa déclaration à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Mais aussi, et surtout, parce que quelques minutes après son investiture ce mercredi 18 décembre, et un discours lors de la passation de pouvoir ayant bien tu les raisons de sa présence au gouvernement, son long passé auprès du groupe Auchan a refait surface... et sa déclaration d'intérêts et d'activités aussi.
Si pour René Dosière, ancien député PS et spécialiste des finances publiques, le document "n'est pas clair à 100%", c'est surtout un chiffre qui a interpellé nombre de membres de l'opposition : 71 872 euros. Versée par Auchan, cette somme correspond, sur ce qu'il est possible de savoir grâce à ladite déclaration, à une gratification datant de août à septembre 2019. Soit une période lors de laquelle Laurent Pietraszewski était déjà député - il l'est depuis 2017 - et avait déjà quitté le groupe nordiste depuis bien longtemps. Si beaucoup ont cru à une mission parallèle à ses activités parlementaires - qui aurait d'ailleurs été légale -, il s'agit en réalité de ses indemnités de licenciement, révèle Le Parisien.
Car oui, le nouveau M. Retraites du gouvernement a bien été licencié en 2019 par Auchan, après avoir quitté le groupe en 2017... mais pour un congé sabbatique, probablement pour avoir l'assurance de retrouver son poste à l'issue de son mandat. Deux ans plus tard, cette fois selon le chef du service politique de France Inter Yaël Goosz, Auchan aurait décidé d'une réorganisation des services et Laurent Pietraszewski aurait refusé de rejoindre une "nouvelle entité". D'où le licenciement - et les indemnités - qui ne son intervenus qu'en août 2019. "Tout est d'une grande transparence. Nous n'avons plus aucun contact avec lui depuis 2017, il ne travaille plus chez nous", a confié ce mercredi la direction d'Auchan au Parisien, jurant qu'une quelconque mission datant de l'été dernier n'avait jamais existé.
En savoir plus sur Laurent Pietraszewski
Qui est Laurent Pietraszewski ?
Diplômé d'économie, Laurent Pietraszewski a travaillé au sein du groupe Auchan comme cadre spécialiste des ressources humaines de 1990 à 2017, date à laquelle il entre à l'Assemblée nationale et entame une carrière politique. A l'Assemblée, l'homme âgé de 53 ans était membre de la commission des Affaires sociales, au sein de laquelle il était rapporteur depuis 2018. Le journal L'Opinion l'avait considéré avant sa nomination comme un des "poids lourds du groupe LREM" à l'Assemblée nationale. Investi dans le projet de réforme du code du travail, il fut le rapporteur de ce projet de réforme par ordonnance.
De par son expérience professionnelle et ses missions à l'Assemblée, Laurent Pietraszewski présentait donc de solides atouts en matière d'affaires sociales et d'emploi, ainsi qu'une position d'importance au sein du groupe LREM, qui ont pu jouer en sa faveur pour cette nomination au poste de Haut commissaire aux retraites, à la succession de Jean-Paul Delevoye. Mais ce n'est pas tout, puisqu'il était également membre du Conseil d'orientation des retraites, dont il coordonnait l'action des 38 parlementaires investis dans la réforme des retraites, ainsi que la communication autour de leur travail.
Laurent Pietraszewski, une longue carrière chez Auchan
Avant de s'engager en politique, dès la création d'En marche en 2016 puis plus concrètement comme député à partir de 2017, Laurent Pietraszewski a passé de longues années dans le groupe Auchan France. C'est en 1990 que cet homme né en 1966 fait ses premiers pas dans la grande distribution, d'abord en management opérationnel pendant dix ans, puis dans les ressources humaines. Laurent Pietraszewski a dirigé ce secteur dans deux hypermarchés Auchan du nord de la France notamment, à Béthune et à Roncq.
L'Obs est allé interroger ceux qui l'ont fréquenté à cette époque et leurs témoignages ne sont pas vraiment en faveur du nouveau haut-commissaire aux retraites. "Le premier contact avec lui, il avait fait très fort ", se souvient Guy Laplatine, délégué syndical CFDT pour le groupe Auchan Retail France. Et de détailler : "Il avait fait mettre en garde à vue une déléguée syndicale qu'il soupçonnait d'avoir donné un petit pain à une employée de la galerie marchande, comme si elle l'avait volé. C'était complètement disproportionné. Il n'a jamais pu prouver que c'était vrai et, de fait, ça ne l'était pas". Un autre délégué syndical, 37 ans de groupe Auchan, se souvient quant à lui d'un "cadeau empoisonné" à l'arrivée de Laurent Pietraszewski, évoquant un homme "hypocrite et méchant".