La "préférence nationale" est-elle actée dans la loi immigration ?

La "préférence nationale" est-elle actée dans la loi immigration ? C'est la mesure de la loi immigration qui suscite le plus de réactions : elle instaure une distinction entre Français et étrangers pour toucher des prestations sociales. La Première ministre considère que ce n'est pas de la "préférence nationale".

La loi immigration adoptée par le Parlement le 19 décembre, continue de générer des remous. Le texte est considéré par la gauche comme le franchissement d'une ligne rouge, en introduisant dans la loi des dispositions que défend depuis des années le Rassemblement national et avant lui le Front national.

La mesure la plus controversée et qui cristallise l'essentiel des indignations est celle qui instaure des délais de carence pour les étrangers afin d'accéder aux prestations sociales, comme les allocations familiales : 5 ans pour les étrangers ne travaillant pas et trente mois pour les étrangers en emploi. Pour les APL, il faudra 5 ans de résidence sur le territoire français pour les étrangers sans emploi, 3 mois pour les autres.

Est-ce donc de la préférence nationale ? Elisabeth Borne, ce mercredi 20 décembre, a considéré que non, à l'antenne de France Inter : "On distingue les gens non pas parce qu'ils sont français ou étrangers, mais parce qu'ils viennent étudier chez nous, parce qu'ils viennent travailler chez nous ou qu'ils ne travaillent pas. Ça correspond à ce qu'on porte, l'intégration par le travail, c'est ça qui est porté dans le texte", assure-t-elle. La Première ministre avance d'ailleurs qu'elle n'a pas davantage créé de distingo entre étrangers et Français que lorsque François Hollande a instauré un délai de 5 pour les étrangers en mettant en place la prime d'activité. Elisabeth a aussi fait le parallèle avec Michel Rocard et le RMI qui distingue aussi l'accès à ces prestations selon que l'on soit Français ou non, avec des délais différents.

Peut-on donc considérer que les délais de carence instaurés par la loi immigration relèvent simplement d'ajustements techniques ? Ces modalités sont forcément considérées à l'aune de certains principes, dont le principe d'égalité devant la loi. "Il s'agit d'une préférence nationale déguisée. L'objectif, ou les effets recherchés, de la préférence nationale, c'est d'exclure les étrangers du seul fait d'être étrangers. Cette fois-ci, vous atteignez presque la même chose si vous édictez une condition de plus en plus difficile à remplir pour les personnes étrangères", estime par exemple Antoine Math, chercheur à l'Institut de recherches économiques et sociales, auprès de Mediapart.

Le Rassemblement national, de son côté, s'enorgueillit d'une "victoire idéologique" de son camp, considérant très clairement que le principe de préférence nationale est inscrit dans ce texte. En 2022, Marine Le Pen avait cette proposition dans son programme : réserver les allocations familiales "exclusivement aux Français" et conditionner les autres prestations, comme les APL ou l'allocation adulte handicapé, à cinq ans de travail pour les étrangers. Ce qu'elle appelait "la priorité nationale".

Pour le défenseur des Droits, organisme indépendant ayant pour mission de lutter contre les discriminations, le constat est simple : "En prévoyant, pour ces mêmes étrangers, de différer dans le temps l'accès à un certain nombre de prestations sociales, le texte [...] remet en cause des droits fondamentaux et porte une atteinte grave aux principes d'égalité et de non-discrimination, socle de notre République".

La cheffe du gouvernement a également indiqué sur France Inter que l'aide médicale d'Etat (AME) pour les étrangers sans papiers ne serait "pas supprimée", après s'être engagée à mener une réforme début 2024 sur ce texte, auprès de LR.