Après Sciences Po et la Sorbonne, une mobilisation étudiante propalestinienne dans toute la France ?
Après Sciences Po la semaine dernière, la Sorbonne a été bloquée par des militants pro-Palestine ce lundi 29 avril. Comme pour Sciences Po, les forces de l'ordre sont intervenues. Une évacuation demandée par le Premier ministre, Gabriel Attal, qui n'aurait duré que quelques minutes, selon la préfecture de police de Paris, et se serait faite "dans le calme, sans incident".
Des propos toutefois contredits par l'un des manifestants dont France 24 se fait l'écho. "Nous étions une cinquantaine de personnes quand les forces de l'ordre sont arrivées en courant à l'intérieur de la cour", a expliqué le jeune homme de 20 ans, ajoutant que "l'évacuation a été assez brutale avec une dizaine de personnes traînées au sol", mais qu'"il n'y a pas eu d'interpellations".
Plusieurs tentes avaient été installées dans la cour de l'établissement et environ 300 personnes se seraient réunies dans l'après-midi devant la Sorbonne. Certains étudiants affirmaient avoir répondu à l'appel "des étudiants de Harvard et Columbia".
60 ans après la mobilisation étudiante pour le Vietnam, un nouveau soulèvement ?
Soutenu par les insoumis, particulièrement redouté par l'exécutif alors que les Jeux olympiques se profilent, le soulèvement étudiant va-t-il se répandre comme une traînée de poudre ? Le Monde l'affirme, d'autres opérations sont déjà en cours ou se préparent en coulisses. Interrogée par le quotidien du soir, une étudiante y voit "une action concrète qui montre que les étudiants sont solidaires". Expliquant que les manifestants réclament la libération de "tous les otages" ainsi que "la paix pour tous", celle qui étudie à la Sorbonne ajoute : "Il y a des années de cela, la Sorbonne a été bloquée contre la guerre du Vietnam. Aujourd'hui, c'est la même chose."
Ce week-end, plusieurs syndicats étudiants et lycéens avaient appelé à la mobilisation dès ce lundi. "Soulevons-nous contre le génocide en Palestine", indiquait l'Union syndicale lycéenne sur X, tandis que l'Unef invitait à "intensifier" la mobilisation cette semaine. Un avis loin d'être partagé par le chef du gouvernement, mais aussi certaines oppositions. À l'occasion d'un déplacement à Pirou, dans la Manche, le Premier ministre avait déclaré samedi qu'il n'y aurait "jamais de droit au blocage, jamais de tolérance avec l'action d'une minorité agissante et dangereuse qui cherche à imposer ses règles à nos étudiants et nos enseignants".
Lundi, la présidente de la région Île-de-France, Valérie Pécresse, a elle annoncé sur X la suspension des financements de la région à destination de Sciences Po, et ce, "tant que la sérénité et la sécurité ne seront pas rétablies", estimant qu'"une minorité de radicalisés [...] ne peuvent pas dicter leur loi à l'ensemble de la communauté éducative". Très vite, la gauche a cependant dénoncé un deux poids deux mesures alors que la région a maintenu ses financements à l'école Stanislas, pourtant accusée de propos homophobes.
LFI "soutiendra" d'éventuels nouveaux blocages
Vendredi 26 avril, lors du blocage à Sciences Po, Rima Hassan avait encouragé le Comité Inter Sciences Po - qui réunit tous les Instituts d'études politiques de France et toutes les universités de France - à se mobiliser. Dans le même temps, le campus de Reims, avait lui aussi été bloqué. De plus, l'Union étudiante n'avait pas tardé à appeler, dès le lendemain, samedi, "à Sciences Po comme partout en France, à se soulever contre la répression et pour la paix à Gaza".
Dans la sphère politique, les députés de La France insoumise se sont fait l'écho de l'Union étudiante. LFI "soutiendra" de nouveaux blocages pour la cheffe des députés LFI Mathilde Panot. Le coordinateur des Insoumis, Manuel Bompard, a souhaité ce lundi matin sur Public Sénat que les mobilisations pour Gaza "prennent de l'ampleur dans les université". Le message est donc unanime, encourager les blocages pour témoigner son soutien à Gaza.
Candidate eux élections européennes sur la liste de La France insoumise, Rima Hassan a de son côté dit assumer le terme de "soulèvement", lundi matin sur franceinfo, au sujet du blocage du campus de Sciences Po Paris. "Je fais référence à la définition du Larousse. C'est 'un mouvement collectif et massif'. J'invite les étudiants à se mobiliser", a-t-elle précisé.
Trois jours plus tôt, sur X (ex-Twitter), la militante franco-palestinienne avait invité les Français à se joindre aux étudiants de Sciences Po qui bloquaient le campus en soutien aux Palestiniens. "J'appelle à une mobilisation, non pas que dans les facs, dans toute la France", a-t-elle poursuivi, lundi matin, sur la chaîne du service public.
"Le débat oui. Le blocage, non"
Pour la ministre de l'Enseignement supérieur Sylvie Retailleau, Sciences Po souhaite "installer un débat" après "le spectacle désolant" de vendredi dernier. Peut-être fait-elle référence au souhait de l'Université d'organiser un "townhall". Autrement dit, un débat dans lequel toutes les questions peuvent être posées. Cette expression importée des États-Unis signifie également que des discussions concernant les revendications des étudiants pourront être menées. Justement, une réunion était prévue ce lundi 29 avril pour tenter de dessiner les contours d'une discussion constructive et apaisée.
"On va essayer de recréer avec de la controverse, un vrai débat universitaire", a déclaré la ministre. "Le débat oui. Le blocage, non, et surtout l'escalade, non", a-t-elle en revanche lâché. Une déclaration qui marche dans les pas de la dernière communication du gouvernement au sujet des débordements de vendredi dernier, assurant que "des lignes rouges avaient été franchies". Preuve que les discussions pourraient s'avérer être plus délicates que prévues, les dissensions se font sentir au sein même de la majorité. "Je suis extrêmement gênée face à ce qui s'apparente à une capitulation, à une soumission face à une minorité d'étudiants qui empêchent les autres d'apprendre", concédait vendredi soir la porte-parole du groupe Renaissance à l'Assemblée nationale et députée de la Macronie, Maud Brégeon. Si un embrasement universitaire au niveau national n'est pas à exclure, la classe politique apparaît plus divisée que jamais, et le sujet semble également poser problème dans les rangs de la majorité.
Un premier blocage de Sciences Po Paris
Pour rappel, dans la nuit du jeudi 25 au vendredi 26 avril, des étudiants avaient pris possession de Sciences Po Paris pour protester contre les bombardements à Gaza. La veille, un premier blocus de l'établissement avait pris fin après une intervention des forces de l'ordre sur demande de la direction. Ravitaillés à l'aide de sacs de courses hissés à bout de bras, les étudiants entendaient rester sur place jusqu'à obtenir gain de cause. Si une délégation d'étudiants mobilisés avait été reçue par la direction de l'école, ces derniers ne comptaient pas lever le bocage tant que celle-ci n'avait pas répondu sur plusieurs points. Parmi eux, l'abandon de possibles sanctions envers tous les étudiants impliqués dans la mobilisation.
Le mouvement, copié sur celui qui se déroule actuellement au sein des universités américaines comme à New York, Yale ou Columbia, avait pris une nouvelle tournure en milieu d'après-midi vendredi. Une cinquantaine de manifestants pro-Israël s'étaient en effet rassemblés, certains masqués, devant les locaux de la prestigieuse école parisienne, scandant plusieurs revendications, et notamment "Libérez Sciences Po" ou "Libérez Gaza du Hamas". Une arrivée mal vue par les étudiants pro-palestiniens déjà présents sur place, entraînant une bousculade entre les partisans de chaque camps.