Bruno Retailleau : fin de vie, retraites... Les conditions qu'il a posées pour rester au gouvernement
Pas de changement à Beauvau. Comme attendu, Bruno Retailleau a été reconduit au poste de ministre de l'Intérieur par François Bayrou. Il faut dire que cela ne faisait que peu de doutes. "Il a obtenu la garantie de pouvoir continuer son travail de lutte contre l'immigration illégale et de maîtrise de l'immigration légale", avait glissé un proche du ministre à BFMTV, en fin de semaine dernière, tandis que le Premier ministre avait vanté, sur France 2, "des orientations qui répond[ent] à une partie de l'opinion."
Pour poursuivre sa mission, Bruno Retailleau a rappelé à François Bayrou son souhait de mettre en place un délit de séjour irrégulier, une réforme concernant l'aide médicale d'Etat, un durcissement sur le regroupement familial et sur les règles de droit du sol à Mayotte, et enfin, une conditionnalité à propos des aides au séjour régulier.
Au total, "j'ai listé une demi-douzaine de mesures avec François Bayrou, qui m'a donné son accord" a expliqué le patron des flics dans une interview au JDD, notamment sur les cours d'éducation sexuelle à l'école, une question qui ne verra pas le jour. "Il m'a plutôt rassuré sur ces questions et sur le fait de ne pas introduire l'enseignement de la théorie du genre à l'école", précise-t-il. Il a également dressé une ligne rouge concernant un texte sur la fin de vie, un sujet sur lequel le gouvernement ne devra pas présenter de texte, selon ses désidérata. Enfin, un report de la réforme des retraites serait "un drame pour le système des retraites par répartition (…) Nous le paierons cher", conclut-il.
Retailleau, le virage à droite de Bayrou ?
Si la gauche a brandi la menace de la censure en cas de maintien de Bruno Retailleau à l'Intérieur, le ministre incarne une ligne très à droite depuis sa nomination au gouvernement de Michel Barnier le 21 septembre dernier. Et en seulement trois mois, le ministre est devenu une figure de premier plan au sein du gouvernement. Il répond également aux atteintes des Français selon François Bayrou. "Je ne cèderai jamais rien, je ne laisserai passer et je ne tolérerai aucune atteinte, aucune offense. Honte à ceux qui distillent dans leurs discours la haine vis-à-vis de nos forces de l'ordre, c'est indigne et je ne laisserai jamais faire. [...] Nous devons avoir le courage de la fermeté, les Français veulent plus d'ordre, d'ordre dans la rue, d'ordre aux frontières", déclarait Bruno Retailleau lors de sa passation de pouvoir.
Outre l'immigration, les positions du sénateur sur la sécurité ou la famille en font le représentant d'une droite dure au sein de LR. De quoi transformer sa nomination en virage à droite du gouvernement. Si une droitisation du pouvoir a été reprochée à Emmanuel Macron, notamment par la gauche, le président de la République ne partage pas, en revanche, certaines positions de l'ex-sénateur de droite.
Né le 20 novembre 1960 à Cholet, ce sénateur de la Vendée et président du groupe Les Républicains (LR) au Sénat s'est imposé comme une voix influente au sein de son parti ces dernières années. Bruno Retailleau fait ses premiers pas en politique dans les années 1980. Après des études en philosophie, il s'engage aux côtés de Philippe de Villiers, fondateur du Mouvement pour la France (MPF), parti souverainiste et conservateur. Il devient rapidement son bras droit, notamment en Vendée, département où Philippe de Villiers jouit d'une influence considérable. Bruno Retailleau sera élu conseiller général de Vendée en 1988, marquant le début de sa carrière politique à l'échelle locale.
Sa proximité avec Philippe de Villiers le conduit à devenir vice-président du Conseil général de Vendée en 1988, puis président du Conseil régional des Pays de la Loire en 2015. Toutefois, les relations entre les deux hommes se détériorent progressivement. En 2010, il prend ses distances avec le MPF pour rejoindre l'UMP, le parti de Nicolas Sarkozy, marquant un tournant dans sa carrière.
Une figure de la droite sénatoriale
Le Sénat devient rapidement le théâtre principal des ambitions politiques de Bruno Retailleau. En 2004, il est élu sénateur de Vendée et commence à se forger une réputation d'homme de terrain, attaché aux valeurs de la droite traditionnelle et. Ses prises de position sont souvent conservatrices sur les sujets sociétaux, mais il adopte une ligne plus libérale en matière économique.
En 2014, après la débâcle électorale de l'UMP aux municipales, Retailleau est élu président du groupe UMP (devenu Les Républicains en 2015) au Sénat. C'est dans ce rôle qu'il se fait véritablement connaître des Français. Il se positionne comme une figure de consensus au sein de son parti, capable de parler à toutes les sensibilités de la droite. Sous sa présidence, le groupe LR au Sénat fait évoluer certaines réformes du gouvernement de gauche, sous la présidence de François Hollande, notamment sur la loi Travail.
La campagne présidentielle ratée de 2017
Proche de François Fillon, Bruno Retailleau devient le coordinateur de sa campagne pour la présidentielle 2027 après la victoire de ce dernier à la primaire de la droite et du centre en 2016. Retailleau partage avec Fillon une vision conservatrice sur les questions sociétales et un libéralisme assumé sur les questions économiques.
Cependant, l'affaire des emplois fictifs qui éclabousse François Fillon compromet la campagne. Bruno Retailleau maintient son soutien jusqu'au bout, mais la défaite de Fillon au premier tour de la présidentielle marque un coup d'arrêt dans sa carrière. Cet épisode ne l'empêche pas de continuer à peser au Sénat, où il devient une figure d'opposition à la présidence d'Emmanuel Macron, tout en défendant un projet de droite fermement ancré sur les questions de sécurité et d'immigration.
Les ambitions nationales et la gestion de LR
Après l'élection présidentielle, Bruno Retailleau demeure une voix influente au sein de la droite, notamment face à la montée en puissance d'Emmanuel Macron et de La République En Marche. En 2020, il se présente à la présidence du parti Les Républicains, mais se retire finalement pour soutenir Christian Jacob, dans un geste de rassemblement. Bruno Retailleau incarne la droite sénatoriale, plus conservatrice et moins encline aux compromis que les autres élus de LR. Il a toujours plaidé pour une ligne dure sur les sujets régaliens.