Le budget 2025 fustigé par l'opposition : l'ombre d'une censure et d'un 49.3 ?

Le budget 2025 fustigé par l'opposition : l'ombre d'une censure et d'un 49.3 ? Face au défi de faire adopter son budget de rigueur à l'Assemblée nationale, jugé "sombre" par LFI, Michel Barnier n'exclut pas d'utiliser l'article 49.3 de la Constitution.

Le gouvernement Barnier a dévoilé ce jeudi 10 octobre le projet de budget 2025. Au programme : "60 millions d'euros" d'économies pour soutenir les finances publiques. Le nouveau locataire de Matignon entend bien trancher dans le vif sur certains points. D'abord, il propose la plus grosse suppression de postes d'enseignants depuis 2017, le projet de budget retire 4 000 postes à l'Education nationale. Un pan du projet qui irrite déjà La France insoumise.

Parmi les autres mesures, celle d'un impôt exceptionnel sur 65 000 fortunes qui gagnent plus de 250 000 euros par an, celle d'une "participation exceptionnelle", pendant deux ans, des grandes entreprises sur les bénéfices qui "font un milliard de chiffre d'affaires ou plus" (440 groupes concernés), mais aussi une hausse de la fiscalité sur les transports polluants et une augmentation de la Taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE). Actuellement de 22,50€/MwH, son montant devrait avoisiner les 50€/MwH. Désormais, le projet de loi sera débattu à l'Assemblée nationale entre le 21 et le 25 octobre, suivi d'un vote le mardi 29, puis le Sénat entrera à son tour en piste.

"Une boucherie qui va continuer de faire cracher du sang aux Français"

Le Projet de loi de finances (PLF) pour l'année 2025 a suscité de vives réactions au sein de certaines oppositions. Le budget de l'Education nationale a notamment mis en rogne l'ex-patron des Insoumis, Jean-Luc Mélenchon : "Après avoir propagé la misère, voici l'organisation de l'ignorance", lance-t-il sur X au sujet de la suppression de 4 000 postes d'enseignants. Même son de cloche du côté d'Eric Coquerel, président de la commission des finances et député La France insoumise (LFI) de Seine-Saint-Denis. Il dénonce "un budget de super austérité", qui est "sombre pour les Français, particulièrement les classes moyennes et les classes défavorisées". Au soir de la présentation du budget, le député du Nord Aurélien le Coq définissait le projet de Michel Barnier comme un "budget de guerre sociale (...) une boucherie qui va continuer de faire cracher du sang aux Français", sur le plateau de France Info dans L'heure politique.

Du côté du Rassemblement national, l'hostilité au budget présenté par le gouvernement s'est également faite ressentir, comme en témoignent les propos du député RN de la Somme, Jean-Philippe Tanguy sur LCI :  "L'effort est très mal réparti. On identifie au moins sept milliards d'euros sur les classes moyennes et populaires et seulement deux milliards d'euros sur les plus privilégiés. Et ça, pour nous, c'est inacceptable", estime-t-il. La politique de "rupture" espérée par l'extrême droite de la part de Michel Barnier n'est visiblement pas à la hauteur des attentes du parti à la flamme. 

Une éventuelle motion de censure de la gauche vouée à l'échec ?

De quoi faire planer le doute d'une motion de censure au dessus du gouvernement Barnier. Pour rappel la motion de censure est un outil parlementaire majeur. Son objectif : aboutir, si elle est adoptée, à la démission du Premier ministre ainsi que de son gouvernement. Dans le cadre de l'utilisation de l'article 49.3 de la Constitution, elle peut être déposée par des députés. Ils doivent être au minimum 58, soit un dixième de l'Assemblée nationale. Pour être adoptée, elle doit recueillir 289 voix "pour", soit la majorité absolue de l'hémicycle. Dans l'hypothèse d'une majorité relative (une majorité de "pour" mais moins de 289), elle n'est pas adoptée.

Si le Rassemblement national, en la personne de Sébastien Chenu (vice-président du RN) avait déjà indiqué que le parti "ne votera pas", le Projet de loi de finances avant même la présentation du budget, la sortie de Jean-Philippe Tanguy jette aujourd'hui un vrai doute sur la position du Rassemblement national. Pour rappel, le parti lepéniste bénéfice d'un rôle d'arbitre dans cette Assemblée nationale fracturée depuis la dissolution par Emmanuel Macron. Jusqu'ici, le RN joue sa carte : il s'inscrit dans l'opposition, mais soutient ce gouvernement en refusant de le censurer. Le Premier ministre mise donc, sans doute, sur la neutralité bienveillante de l'extrême droite en cas de recours au 49.3.

Avec 143 députés, le RN et ses alliés pourraient très bien faire tomber le gouvernement en votant une motion de censure initiée par le Nouveau Front populaire (182 sièges). Les deux forces disposeraient alors d'une majorité absolue (289 voix nécessaires) pour renverser Michel Barnier et toute son équipe. Dans les faits, le Rassemblement national pourrait décider de s'abstenir sur le vote du budget, en revanche, il est probable que l'ensemble de la gauche vote contre, et qu'un certain nombre de députés du bloc central refusent de voter pour. Ce qui ne serait pas suffisant pour renverser le gouvernement Barnier. Pour l'heure, aucune motion de censure n'a été déposée contre le gouvernement Barnier après la présentation du PLF 2025. La hausse d'impôt pour les entreprises transgresse-t-elle les fameuses "lignes rouges", dictées par le RN quelques semaines plus tôt ? Réponses dans les prochains jours.

Michel Barnier : "si on n'y arrive pas, on utilisera le 49.3"

Sans majorité absolue à l'Assemblée, et ne disposant même que d'une base parlementaire de 220 élus ayant manifesté leurs mécontentements sur divers points - dont la hausse des impôts -,  Michel Barnier semble tout de même dans l'impasse. Le Premier ministre se retrouve confronté à un défi historique pour faire adopter le budget 2025 avant le 31 décembre. Dans ce contexte, il n'avait pas hésité, le 3 octobre dernier sur le plateau de France 2, à brandir la menace de l'article 49.3 de la Constitution pour adopter le budget 2025. "Il n'y a pas de majorité donc on va voir. Je souhaiterais qu'il puisse être adopté par l'Assemblée nationale. Ce sera un budget difficile, sérieux et responsable. Mais si on n'y arrive pas, on utilisera le 49.3, qui est un outil de la Constitution", déclarait le locataire de Matignon. Un levier qui, s'il venait à être actionné, déclencherait quasi automatiquement le dépôt d'une motion de censure du Nouveau front populaire.

L'alinéa 3 de l'article 49 de la Constitution, figure au titre V de la Constitution. Ce dispositif légal sert à réguler les "rapports entre le gouvernement et le Parlement". Le Premier ministre est la personne qui peut en faire usage après délibération du Conseil des ministres. Il est alors possible de suspendre l'examen d'un projet de loi particulièrement controversé au sein de l'Assemblée nationale, et donc de toutes les tractations qui l'accompagnent. Cela permettrait au camp présidentiel de faire passer un texte en force, donc sans vote, malgré les oppositions, et d'accélérer la procédure législative. En revanche, le Premier ministre prend le risque de devoir démissionner si une motion de censure déposée par l'opposition, dans les 24 heures, est votée. La loi dispose que dans le cas d'un rejet de cette motion de censure, "le projet ou la proposition est considéré comme adopté." En revanche, si elle est adoptée, "le texte est rejeté et le Gouvernement est renversé".