François Bayrou lutte depuis toujours contre un lourd problème d'élocution, il lui a valu bien des moqueries

François Bayrou lutte depuis toujours contre un lourd problème d'élocution, il lui a valu bien des moqueries Nommé Premier ministre par Emmanuel Macron, François Bayrou verra ses premières prises de parole scrutées dans les prochaines semaines. Avec peut être plus d'attention encore que les autres...

François Bayrou a fini par avoir sa place à Matignon. Oublié en 2017, puis en 2022 par Emmanuel Macron, refusant de suivre la ligne Attal début 2024, puis ratant encore son tour en septembre dernier, quand Michel Barnier a été choisi, le patron du MoDem a enfin été nommé Premier ministre par Emmanuel Macron ce vendredi 13 décembre. Il aura ainsi vaincu un de ces bégaiements dont l'histoire politique a le secret, parvenant à contourner le mur contre lequel il a buté toutes ces années.

Le triple candidat à la présidentielle, ancien ministre de l'Education (sous Chirac) et de la Justice (sous Macron), entre autres, va donc avoir la lourde tâche de diriger un gouvernement, menacé dès son premier jour par le couperet de la censure. Outre le choix des ministres qui vont l'entourer, ses premières prises de parole, et notamment son discours de politique générale, seront scrutés. Peut-être un peu plus encore d'ailleurs que pour ceux qui l'ont précédé. Car François Bayrou lutte depuis toujours contre un défaut d'élocution que peu connaissent.

François Bayrou, "un petit garçon très malin, mais qui bégayait très très fortement"

Ce dernier n'a été vraiment mentionné qu'à partir de la campagne présidentielle de 2007, quand le Béarnais est venu jouer les trouble-fête entre Nicolas Sarkoy et Ségolène Royal : François Bayrou a vaincu un bégaiement tenace qui l'a perturbé pendant toute sa jeunesse. "Les garçons l'appelaient Shakes... car il n'arrivait pas à dire Shakespeare", a raconté il y a bien longtemps une ancienne camarade d'école au Parisien, quand une enseignante décrivait "un petit garçon très malin, mais qui bégayait très très fortement".

Au lycée, ce bégaiement de François Bayrou s'accroche et attire "moqueries et sarcasmes". Mais d'aucuns évoquent le courage avec lequel il l'affrontait. "Un jour, il nous a bluffés en osant quand même prendre la parole en public devant un auditoire, malgré le risque de trébucher. Ce fut une de ses premières victoires", rapporte un camarade, toujours dans le Parisien.

C'est à force de travail que le nouveau Premier ministre, littéraire dans l'âme (il est à l'origine prof de Lettres), va s'en sortir. Aidé par un prof de français et par son épouse, morpho-psychologue et docteur en psychologie clinique, il va travailler chaque premier samedi du mois à se débarrasser de ce fléau. Des séances individuelles à domicile sont aussi ajoutées à son emploi du temps. Un travail de patience de tous les instants, quand les idées et les mots viennent se bousculer au portillon.

"Il a bossé comme un fou, a appris des dizaines de poèmes par coeur, en s'entraînant seul, jusqu'à ne plus trébucher. Il avait mis au point une gymnastique intellectuelle pour éviter de prononcer à l'avance les mots trop compliqués", détaille un député proche en 2007. Le cas Bayrou est une telle réussite qu'il a un temps servi d'exemple chez des professionnels, assurent plusieurs titres de presse. Des associations et même quelques études universitaires sur le sujet mentionnent aussi la victoire de l'ancien député, eurodéputé, maire de Pau, contre ce trouble de la parole.

"Très souvent, dans mes discours..." Un bégaiement pas tout à fait éliminé

François Bayrou a même préfacé un ouvrage de sensibilisation et de témoignages, "Sois bègue et tais-toi", de William Chiflet, en 2014 (L'Archipel). "Ce qui était facile devient difficile, ce qui était aisé devient bloqué, et l'on voit le souci dans les yeux des parents. Bien des gens disent "ça va passer…" Et ça ne passe pas", a-t-il notamment expliqué au sujet de ses jeunes années. "Sans doute parce que ce ne sont pas les consonnes qui bloquent, ni les lèvres, ni le palais, mais l'enfant secret qui demeure en nous, et sans doute fut blessé, sans que l'on sache de quelle blessure."

Quand vous y prêtez attention, lors d'interventions télévisées ou à la fin d'harassants débats, vous remarquerez qu'il lui arrive encore de trébucher. "Très souvent, dans mes discours, sortent des avalanches de synonymes, des mots qui jouent les uns avec les autres. Ces jeux ne viennent pas d'une muse poétique, ni d'un amour inné pour la richesse du vocabulaire français et les habiletés de la rhétorique. Ils viennent du bégaiement qui oblige à passer dix mots dans son esprit pour pouvoir en dire un ou deux sans buter", a-t-il aussi eu l'occasion d'expliquer dans l'ouvrage. 

Pourtant, la politique est impitoyable et s'il a parfois été salué pour son parcours ("J'admire comment il a su dominer son problème d'élocution. Ca dénote une vraie force d'être", commentait François Mitterrand), François Bayrou n'a pas échappé à quelques sobriquets liés à son bégaiement. "Le bègue, je vais le crever !", aurait même osé un certain Nicolas Sarkozy en 2015, en pleine préparation des primaires de la droite pour la présidentielle l'année suivante, selon Le Canard Enchaîné. Les deux hommes sont irréconciliables depuis que François Bayrou a tenté un rapprochement avec Ségolène Royal en 2007 et surtout a appelé à voter François Hollande cinq ans plus tard.

Si les propos de l'ancien chef de l'Etat avaient été démentis à l'époque par l'entourage de Nicolas Sarkozy, le maire de Pau avait décidé de réagir : sur LCP, François Bayrou avait alors salué une tirade "d'une très grande élégance", pleine de "sympathie, distinction et finesse", assurant qu'elle "contribue à tirer vers le haut le débat politique français".