Pourquoi recourir au référendum est compliqué et dangereux pour Emmanuel Macron

Pourquoi recourir au référendum est compliqué et dangereux pour Emmanuel Macron Emmanuel Macron a annoncé aux Français qu'il leur demanderait de "trancher" sur certains sujets en 2025, mais il n'a pas dit comment. Si sa déclaration rend l'hypothèse d'un référendum possible, ce scénario n'est pas sans risque pour le chef de l'Etat.

Emmanuel Macron a promis aux Français qu'ils auront l'occasion de "trancher" sur des "sujets déterminants" en 2025. Une déclaration qui ouvre la voie à l'organisation d'un "référendum ou des conventions citoyennes" a confirmé l'entourage du chef de l'Etat à BFMTV sans donner de garantie, ni de précision. Il y a quand même de quoi douter de la mise en place de référendums... Le président de la République a régulièrement évoqué cet outil démocratique depuis son arrivée à l'Elysée en 2017 sans jamais aller jusqu'au vote, la faute à divers obstacles politiques dont certains subsistent.

Si un référendum est envisagé, il doit respecter l'article 11 de la Constitution qui encadre strictement les sujets sur lesquels l'avis des Français peut être sollicité : peut être soumis au référendum "tout projet de loi portant sur l'organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique ou sociale de la nation et aux services publics" ou visant "à autoriser la ratification d'un traité qui aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions". Des dispositions constitutionnelles qui empêchent en l'état de mener des référendums sur des sujets tels que l'immigration comme le demandent les forces politiques de droite et d'extrême droite.

Un obstacle qui peut être contourné avec l'article 89 de la Constitution, le seul autre texte à prévoir un recours au référendum. Il permet de réviser la Constitution - pour revoir le champ d'application des référendums ou plus directement pour amender le texte fondamental - en faisant voter un projet ou une proposition de révision en termes identiques à l'Assemblée nationale et au Sénat puis en soumettant ce texte au référendum. Dans ce cas, les Français peuvent être amenés à s'exprimer sur des sujets plus larges. Mais encore faut-il réussir à faire adopter un texte au Parlement, dont l'Assemblée toujours divisée en trois blocs distincts.

La composition de la chambre basse et surtout son absence de majorité risque d'être un autre obstacle pour Emmanuel Macron puisque le chef de l'Etat doit impérativement avoir l'aval du Parlement pour organiser un référendum. "Déjà qu'à l'Assemblée, il est impossible de faire adopter un budget, alors imaginez un projet de référendum", souligne la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina auprès du Parisien insistant sur la difficulté d'obtenir une majorité. Reste que les oppositions se montrent ouvertes à la tenue de futurs référendums, notamment sur l'immigration pour la moitié droite de l'échiquier politique ou sur la réforme des retraites pour la gauche. "Nous ne manquons pas d'idées à soumettre" au chef de l'Etat, a écrit Fabien Roussel sur X. 

Le risque d'un référendum pour ou contre Macron

Si certaines dispositions juridiques compliquent l'organisation d'un référendum, d'autres facteurs dissuadent Emmanuel Macron de solliciter l'avis des Français. Le président de la République, dont la côte de popularité est en berne selon le dernier baromètre politique réalisé par Elabe pour Les Echos et publié en décembre - seuls 21% des électeurs lui font confiance -, redoute qu'un référendum devienne un vote plébiscitaire pour ou contre lui, et donc pour ou contre son maintien à l'Elysée.

Recourir au référendum représente un "danger" pour Emmanuel Macron selon le politologue Benjamin Morel contacté par BFMTV. "Si on devait avoir un référendum raté aujourd'hui, ça augmenterait les appels à la démission d'Emmanuel Macron", fragiliserait la stature du chef de l'Etat et conforterait l'opposition. Ce scénario pourrait également renforcer l'hypothèse d'une démission d'Emmanuel Macron avec le précédent de 1969 quand le général De Gaulle avait démissionné après un "non" référendaire. "Le couloir est étroit pour Emmanuel Macron. Il doit trouver un sujet totalement dépersonnalisé afin de ne pas tomber dans le référendum pour ou contre Macron", confirme la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina au Parisien.

Des alternatives au référendum

S'il juge la voie du référendum trop risquée, Emmanuel Macron s'est réservé la possibilité de recourir à d'autres options pour consulter les Français : la convention citoyenne comme celles mises en place en 2019 sur le climat ou en 2022 sur la fin de vie. D'autant que le chef de l'Etat avait annoncé la tenue d'une troisième convention citoyenne avant la fin de son second mandat sur un sujet arrêté par le Conseil économique, social et environnemental (Cese). Cette méthode permet à des Français tirés au sort de travailler sur des sujets accompagnés de spécialistes pour dresser des propositions, mais elle n'est pas contraignante pour le président de la République.

Une autre option peut aussi être envisagée : une nouvelle dissolution qui ne sera possible qu'à partir du mois de juillet. Des élections législatives anticipées auraient à nouveau lieu et permettraient aux Français de "trancher" en se rendant aux urnes pour élire de nouveaux députés. Mais au regard des résultats des dernières législatives qui ont conduit à la composition tripartite de l'Assemblée nationale, rien ne dit qu'un nouveau scrutin réglera la crise politique.