Marine Le Pen innocente ? Même au RN, on admet que c'est difficile à dire... Un changement de stratégie pour 2026 ?

Marine Le Pen innocente ? Même au RN, on admet que c'est difficile à dire... Un changement de stratégie pour 2026 ? Si en public le RN fustige la condamnation de Marine Le Pen pour détournement de fonds, en coulisses la décision de justice n'est pas une surprise. Le parti pourrait d'ailleurs adopter une nouvelle défense en appel pour alléger la peine.

"Il s'agit d'une décision politique", d'une "chasse à l'homme politique". Marine Le Pen a continué à dénoncer sa condamnation pour détournements de fonds publics durant le meeting donné sur la place Vauban à Paris, le dimanche 6 avril. Les membres du Rassemblement national (RN) et leur cheffe de file n'ont pas dévié de la ligne de défense qu'ils tiennent depuis des mois et ont à nouveau nié tout "préjudice à l'égard du Parlement européen", comme l'a répété Louis Aliot, vice-président du parti.

Mais ce discours martelé publiquement par les élus d'extrême droite ne serait pas celui que tiendraient les mêmes membres du parti à la flamme en coulisses. Ils seraient plusieurs à reconnaître le bien-fondé de la condamnation de Marine Le Pen et des 24 autres membres du parti selon les indiscrétions du journaliste Yoann Uzaï sur CNews : "Tout le monde s'accorde à dire que les règles n'ont pas été respectées, même au sein du RN on reconnaît en off que la condamnation était attendue et qu'elle est logique". Reste qu'en public comme en privé, la prononciation d'une peine d'inéligibilité avec exécution provisoire est vivement critiquée.

La possibilité pour que Marine Le Pen soit empêchée de se présenter à l'élection présidentielle de 2027 à cause d'une inéligibilité non-suspensive a toujours été, depuis le début du procès sur les assistants parlementaires du Front national (FN, ancien nom du RN), la crainte du parti. C'est d'ailleurs pour éviter un tel scénario que la consigne a été donnée à tous les mis en cause de nier en bloc les accusations de détournements d'argent, en vain. Cet échec pousserait le RN à revoir sa copie et surtout la ligne de défense à adopter en vue du procès en appel et de la décision qui en découlera à l'été 2026. Les chances pour que la cour d'appel revienne sur la condamnation prononcée en première instance sont infimes, mais celles pour la cour d'appel allège les peines, notamment celle concernant l'inéligibilité de Marine Le Pen, sont légèrement plus envisageables.

C'est avec cet objectif en tête que la présidente du groupe RN à l'Assemblée nationale envisagerait selon le JDD "d'infléchir sa ligne de défense jusqu'ici fondée sur une négation pure et simple des faits reprochés". Concrètement, l'élue du Pas-de-Calais pourrait reconnaître certains faits pour obtenir des juges une peine plus clémente : une condamnation sans inéligibilité ou avec une inéligibilité suspensive, une relaxe semblant hors de portée.

Si cette stratégie offre à Marine Le Pen une porte de sortie et rend théoriquement possible sa candidature à la présidentielle de 2027, elle n'est pas sans conséquence pour le parti. Revenir sur le discours d'innocence assumé depuis le début du procès en reconnaissant finalement des faits condamnables coûterait beaucoup au parti d'extrême droite. Le RN et ses membres, dont la cheffe de file, perdraient en crédibilité à l'approche du scrutin tant convoité. Un risque à prendre sans être sûr qu'il aboutisse à l'issue escomptée : la cour d'appel pourrait tout de même confirmer la condamnation en première instance, voire l'alourdir avec une peine d'inéligibilité passant de 5 à 10 ans. Auquel cas un pourvoi en Cassation serait possible avec une décision possible à l'horizon de janvier 2027, mais le délai serait top court pour prétendre à une candidature à la présidentielle normalement prévue entre mars et avril.

Le changement de stratégie aurait des conséquences sur l'ensemble de la formation politique et non uniquement sur Marine Le Pen. Là où une peine d'inéligibilité pénalise uniquement une personne, en l'occurrence la députée du Pas-de-Calais et candidate désignée du parti pour le scrutin de 2027, le désaveu qu'entraînerait la nouvelle défense affecterait l'ensemble du parti et des possibles candidats remplaçants à Marine Le Pen, Jordan Bardella en tête.