Macron reçoit-il un islamiste à l'Élysée ? Qui est le président syrien ?
Président de la République arabe syrienne par intérim depuis le 29 janvier 2025, Ahmed al-Charaa, 42 ans, aussi connu sous son nom de guerre d'Abou Mohammed al-Joulani, sera reçu mercredi 7 mai à l'Élysée. Il s'agit de son tout premier déplacement en Europe. Mais la venue de l'ex-djihadiste qui a renversé le régime de Bachar al-Assad, qui plus est au palais présidentiel, reçoit depuis de vives critiques dans la classe politique. L'extrême droite en particulier ne cache pas son opposition. "Stupeur et consternation. Recevoir un djihadiste passé par Daech et Al-Qaïda, autoproclamé président de la Syrie, alors même que les milices islamistes qui ont semé la mort parmi nos compatriotes au cours d'attentats sanglants, massacrent les minorités, relève de la provocation et de l'irresponsabilité", a ainsi estimé Marine Le Pen sur X.
Et de renchérir : "Une fois encore, Emmanuel Macron abîme l'image de la France et discrédite son engagement, notamment auprès de ses alliés, dans la lutte contre l'islamisme." Au centre et à gauche, on tempère toutefois. "Qui n'a pas fait des exactions [en Syrie] ?" questionne le centriste du groupe Liot, Charles de Courson, relayé par franceinfo. Pour lui, "à un moment, il faut savoir se tourner vers l'avenir et voir comment on peut rétablir la paix civile". "La France doit être à la manœuvre diplomatique, et tant pis si Marine Le Pen préférait visiblement discuter avec le boucher de Damas", ajoute un député socialiste, interrogé par franceinfo.
Le président syrien Ahmed al-Charaa, un islamiste ?
Né en 1982 en Arabie saoudite, Ahmed al-Charaa arrive en Syrie et plus particulièrement à Damas, alors qu'il a 7 ans. Il grandit dans un quartier chic de la ville et suit en grandissant différentes études (médecine, communication, arabe littéraire). Il aurait commencé à se radicaliser lors de la seconde intifada, alors qu'il était âgé de 17-18 ans. Avec le début de la guerre en Irak en 2003, il quitte l'université pour prendre les armes. C'est là qu'il rallie le groupe islamiste Saraya al-Mujahideen, qui prêtera par la suite allégeance à Al-Qaïda en Irak. Prisonnier des Américains durant plusieurs années, Ahmed al-Charaa est finalement libéré. Il rejoint par la suite l'État islamique d'Irak.
Il retourne toutefois en Syrie après le début des manifestations, en 2011, contre le régime de Bachar al-Assad. Là, il forme le groupe de rebelles Front al-Nosra, ce qui lui vaut d'être désigné dès 2013 comme "terroriste mondial" par les États-Unis. En 2016, le Front al-Nosra rompt avec Al-Qaïda et devient le Front Fatah al-Cham qui fusionne en 2016 avec d'autres groupes pour former le fameux Hayat Tahrir al-Cham, un groupe rebelle islamiste de la guerre civile syrienne d'abord dirigé par Abou Jaber avant qu'Ahmed al-Charaa en prenne le commandement. À la tête d'une coalition de rebelles, c'est ce groupe qui parvient en novembre-décembre 2024 à renverser le régime de Bachar Al-Assad.
"Ne pas engager le dialogue [...] ce serait être irresponsable vis-à-vis des Français"
Au vu du passé d'Ahmed al-Charaa, Paris a déjà fait savoir qu'elle rappellera "ses exigences vis-à-vis du gouvernement syrien, au premier rang desquelles la stabilisation de la région et notamment du Liban, ainsi que la lutte contre le terrorisme". Et le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, de défendre ce mardi sur les ondes de RTL la position de l'Élysée : "Ne pas engager le dialogue avec ces autorités de transition […] ce serait être irresponsable vis-à-vis des Français et surtout ce serait tapis rouge pour Daech." Car "la lutte contre le terrorisme", tout comme "la maîtrise des flux migratoires et des trafics de drogue" se jouent "en Syrie". Et le Quai d'Orsay de renchérir, comme le relaie Le Figaro : "Il faut lui [Ahmed al-Charaa, ndlr.] donner une chance, son échec n'est pas une option."