Jours fériés supprimés : le gouvernement prêt à revenir sur sa proposition
Le 15 juillet dernier, François Bayrou annonçait la suppression de deux jours fériés dès l'an prochain dans le cadre de son projet de budget 2026. En clair, les salariés seraient amenés à travailler sur deux jours fériés, actuellement chômés mais rémunérés, sans toucher le moindre centime supplémentaire. Une mesure qui pousserait les Français à travailler plus sans gagner plus, selon une remarque des élus Les Républicains, assumée par la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet "ce qu'on va demander aux Français, c'est pour deux jours fériés, d'aller travailler", sans être payés "parce qu'ils le sont déjà" a-t-elle déclaré sur TF1. Les richesses et la production générées ces jours-là permettront aux entreprises de "s'acquitter d'une contribution", a-t-elle ajouté. De quoi remplir les caisses de l'Etat, grâce à la production engendrée évaluée à plus de 4 milliards d'euros selon Matignon.
Cette idée de suppression de deux jours fériés est massivement rejetée par les Français. Selon un sondage Odoxa pour Le Parisien, 84 % y sont opposés. 66% "ne voient pas le rapport entre le fait de travailler plus et l'amélioration de la dette et des déficits de la France". De plus, la majorité estime qu'il n'y a pas trop de jours fériés en France (80 %) et que l'on travaille déjà suffisamment, "voire trop" (74 %). Dans ce contexte tendu, François Bayrou a tenté de rassurer tout son monde, le samedi 23 août dernier auprès de l'AFP. "Les mesures peuvent toutes être discutées. C'est d'ailleurs la fonction du débat parlementaire comme des négociations sociales. J'ai dit que j'étais prêt à entendre d'autres propositions ; sur les jours fériés, par exemple, peut-être d'autres dates sont-elles possibles", a-t-il tempéré. Alors, son idée de départ est-elle totalement remise en cause ? Peut-il plier mais ne pas rompre en sélectionnant un seul jour férié et non deux, et trouver des économies ailleurs ?
Justement, le locataire de Matignon doit tenir un discours au sujet du budget 2026 et des appels citoyens, et politiques, à la mobilisation du 10 septembre, lors d'une conférence de presse ce lundi 25 août à partir de 16 heures. Il défendra les mesures du budget 2026 dont le but est d'économiser 43,8 milliards d'euros. Déjà présentées à la mi-juillet, certaines mesures sont vivement critiquées depuis : la suppression de deux jours fériés en cheffe de file. L'objectif de François Bayrou est aussi d'éviter la censure avancée par l'opposition.
Des modalités d'application floues
À ceux qui seraient tentés de faire la comparaison entre les suppressions de jours fériés et la journée de solidarité instaurée pour les lundis de Pentecôte depuis 2004, la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet, a souligné une nuance : alors que la contribution demandée aux entreprises pour la journée de solidarité est équivalente à 0,3% de la masse salariale, celle prévue pour les deux autres jours fériés supprimés pourraient être plus importante. Ces recettes versées à l'Etat ne seraient pas non plus obligatoirement orientées vers la Sécurité sociale. Des détails qui concernent plus les entreprises que les salariés.
Actuellement, le lundi de Pentecôte peut être travaillé sans être payé, mais une entreprise peut tout à fait éviter de priver les travailleurs d'un jour chômé ou d'une récupération du temps de travail (RTT) en fractionnant les heures à effectuer au nom de la solidarité au cours de l'année. C'est peut-être cette formule qui sera priorisée par les patrons, si un voire deux jours supplémentaires venaient à être supprimés par le gouvernement Bayrou. Une chose est sûre, le flou demeure à ce stade. Ce pas de côté de la part des entreprise rendrait plutôt indolore la réforme mais pourrait limiter l'objectif numéro un d'une telle réforme : doper l'activité économique. Le flou demeure également sur les modalités de la contribution des employeurs, l'assiette ou encore le taux. Ils sont toujours à définir.
Une mesure contestée jusque dans son propre camp
La perspective de réduire le nombre de jours fériés a rapidement suscité l'opposition des syndicats. "C'est une fausse bonne réponse", estime Thomas Vacheron, secrétaire confédéral de la CGT, sur France Info. "Cela a des conséquences catastrophiques sur la majorité de la population et jamais on prend sur les 200 milliards d'aides publiques aux entreprises privées ni sur les cadeaux fiscaux qui sont faits au plus fortunés". "Je suis pourtant du MoDem mais je pense que là-dessus, François Bayrou doit revoir la copie", estimait dimanche 24 août sur France Info, Richard Ramos, député MoDem du Loiret. "Je ne suis pas pour qu'on pique deux jours aux travailleurs. Ces quatre milliards, il faut les prendre ailleurs, il faut les prendre aux très riches et à ceux qui ne se lèvent pas le matin pour aller travailler alors qu'ils pourraient le faire", explique-t-il. Avec cette proposition, François Bayrou a donc ouvert un front avec certains membres de son propre camp politique.
À l'inverse, certains économistes jugent la mesure pertinente sur le plan budgétaire. "Ça peut avoir un impact mécanique sur les recettes", explique Sylvain Bersinger, chef économiste du cabinet Asterès, sur RMC. "C'est assez mécanique : il y a plus de croissance, plus d'argent qui rentre dans les caisses de l'État, donc il y a moins de déficit public". La ministre déléguée chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, indique elle soutenir "par principe le projet de François Bayrou", sur Europe 1, dimanche 24 août. "Augmenter le temps de travail dans notre pays est une bonne chose et même une nécessité", dit-elle. De plus, elle condamne "la tentative éhontée de récupération politique manifeste de la part de La France insoumise et cette volonté du blocage. Je ne crois pas que les Français veulent tout bloquer", en référence au blocage du pays annoncé le 10 septembre prochain, et l'appel à la "grève générale", de Jean-Luc Mélenchon et LFI.
Comment peut-on supprimer un jour férié ? Et lequel ?
À l'image du lundi de Pentecôte, ces nouvelles journées de travail bénévoles permettraient de dégager entre 2,5 et 3,5 milliards d'euros, soit le montant annoncé le 13 juillet par Emmanuel Macron pour renforcer les dépenses militaires en 2026. Bien que tout à fait réalisable - et permettant des économies substantielles - la suppression de deux jours fériés reste une affaire délicate et explosive. Entre symbole, religion et enjeu économique, certains pourraient faire plus parler que d'autres. François Bayrou a cité deux jours fériés pouvant être visés par sa mesure : le lundi de Pâques et le 8 mai, "dans un mois de mai devenu un véritable gruyère". Ce sont des "propositions", a-t-il assuré, se disant ouvert à la négociation pour d'autres jours.
Certains jours fériés pourraient être jugés comme "faciles à accepter" par les Français, comme le 15 août (Assomption). Beaucoup de travailleurs partent en congés à cette période-là de l'année, et ce jour fait donc régulièrement parties de périodes de vacances déjà posées. Il pourrait constituer une alternative plausible pour le gouvernement. À l'inverse, le jeudi de l'Ascension pourrait être accueilli avec beaucoup moins d'indulgence, notamment en raison du pont qu'il permet de réaliser. À l'inverse, économiquement parlant, il est extrêmement coûteux pour l'État. Ce dernier pourrait alors le choisir pour maximiser ses économies.
Et le 11-Novembre ? Sa haute symbolique pourrait en froisser plus d'un, à commencer par les anciens combattants. Difficile d'imaginer l'exécutif s'essayer à cet exercice. La Toussaint, elle, pourrait faire également figure d'alternative et faire partie des deux jours fériés supprimés par François Bayrou. Enfin, supprimer Noël et le 1er-Mai paraît aujourd'hui relativement délicat. Tradition, symboles des luttes sociales, manque de recettes pour le jour de Noël qui est déjà peu travaillé... Ces dernières options pourraient ne pas être retenues par l'exécutif.
La stratégie de Bayrou pour supprimer des jours fériés
Le Premier ministre va-t-il vraiment pouvoir faire adopter ces mesures ? Tout d'abord, le Premier ministre doit consulter les partenaires sociaux, comme l'impose la loi Larcher de 2007 pour tout projet gouvernemental de réformes lié au travail ou à l'emploi. Mais après le bras de fer sur les retraites, syndicats et patronat pourraient se montrer peu enclins à rouvrir le dialogue, surtout sur des sujets aussi sensibles. Il n'est pas exclu que François Bayrou joue sur une astuce : en proposant la suppression de deux jours fériés il met sur la table une mesure difficilement acceptable pour débuter une phase de négociations dans l'optique d'obtenir moins. C'est à dire, probablement, la suppression d'un seul jour férié. Ce qui lui permettrait tout de même de faire travailler davantage les Français, tout en ayant fait une concession aux partenaires sociaux.
Mais si le Premier ministre a une astuce, il est aussi confronté à un gros obstacle et c'est un sacré pépin : il faut que l'Assemblée et le Sénat adoptent le budget 2026 ou bien que l'utilisation d'un 49.3 pour éviter un vote ne soit pas contrée par une motion de censure. Dans les deux cas, il y aura suffisamment de députés pour déposer une motion de censure. Et à ce stade, tout laisse entendre qu'une majorité de députés la voteront : c'est ce qu'ont déclaré les cadres du RN, de LFI et du PS. Cela signifie que, sauf revirement majeur, François Bayrou et son gouvernement tomberont, censurés, avant l'adoption du budget 2026. Et donc que cette mesure de suppression des jours fériés ne sera pas appliquée.
12:59 - "Les mesures peuvent toutes êtres discutées", assure Bayrou
"La seule chose pour moi qui n'est pas possible, c'est qu'on renonce à la prise de conscience et à la volonté de sortir du piège infernal dans lequel nous sommes, celui du surendettement", a récemment insisté le Premier ministre François Bayrou, auprès de l'AFP. Il a répété que "toutes les mesures" pouvaient être discutées, dont celles "sur les jours fériés".
12:38 - "François Bayrou doit revoir la copie", estime un député MoDem
François Bayrou prêt à reculer sur les jours fériés ? Une chose est sûre, il est contesté jusque dans sa propre famille politique, le MoDem. "Je suis pourtant du MoDem mais je pense que là-dessus, François Bayrou doit revoir la copie", estimait dimanche 24 août sur France Info, Richard Ramos, député MoDem du Loiret. "Je ne suis pas pour qu'on pique deux jours aux travailleurs. Ces quatre milliards, il faut les prendre ailleurs, il faut les prendre aux très riches et à ceux qui ne se lèvent pas le matin pour aller travailler alors qu'ils pourraient le faire", explique-t-il. Le Premier ministre devrait s'expliquer sur le sujet à partir de 16 heures, ce lundi, lors d'une conférence de presse.