Droits de douane américains : ce dernier espoir pour éviter la taxe de 15% sur le vin français
Douche froide pour l'Union européenne (UE) et la France. Les vins et spiritueux seront bien taxés à 15 % à leur entrée aux Etats-Unis. "Malheureusement nous n'avons pas réussi à ce que ce secteur" soit inclus dans les exemptions, a déclaré le commissaire européen au Commerce Maros Sefcovic lors d'une conférence de presse en présentant les détails de l'accord commercial entre Bruxelles et Washington. Si les portes ne sont "pas fermées pour toujours", comme il l'a rappelé, c'est un véritable coup dur pour les filières concernées.
Concrètement, ces nouveaux droits de douane entreront en vigueur quand l'UE aura introduit un texte de loi pour réduire ses propres taxes douanières, selon le texte commun. "Nous travaillons avec détermination pour lancer le processus législatif" rapidement, précise le commissaire européen. Si la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, salue un texte qui offre "prévisibilité pour nos entreprises et nos consommateurs", la pilule a du mal à passer en France, que ce soit chez les professionnels du secteur ou pour les syndicats. Dans les rangs de l'exécutif, en revanche, un espoir demeure.
Des exemptions additionnelles ?
Dans la soirée du jeudi 21 août, les réactions françaises ne se sont pas fait attendre. "La situation ne peut pas en rester là. Ce point n'est d'ailleurs pas clos (...) Je déplore le résultat de la négociation entre l'UE et les États-Unis sur le commerce des produits agricoles. Cet accord, déséquilibré, porte atteinte aux intérêts français et européens en matière agricole", dénonce la ministre de l'Agriculture, Annie Genevard, sur X. Pour le ministre délégué au commerce extérieur, Laurent Saint-Martin, "la défense de nos secteurs à l'export reste notre priorité. L'accord laisse ouverte la possibilité d'exemptions additionnelles, l'histoire n'est pas finie", tenait-il à tempérer.
Alors, l'espoir demeure-t-il quant à une future exemption des vins et spiritueux français de la surtaxe douanière américaine de 15 % ? Il est trop tôt pour le dire, mais l'espoir demeure encore - du moins pour le gouvernement français - que ce soit dans les mots d'Annie Genevard ou de Laurent Saint-Martin, malgré la gravité de la situation. La France n'entend pas lâcher l'affaire, c'est ce que tente de faire comprendre l'exécutif à une filière prise à la gorge.
Pour Gabriel Picard, président de la Fédération des exportateurs de vins et spiritueux (FEVS) français, l'annonce des 15 % de droits de douane est une "immense déception", confie-t-il auprès de l'AFP. "Nous avons la certitude que cela entraînera de grosses difficultés pour la filière des vins et spiritueux". Un point de vue partagé par Christophe Chateau, du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB) : "C'est une mauvaise nouvelle parce que c'est un frein supplémentaire au commerce et à l'exportation des vins de Bordeaux aux Etats-Unis". Dans les colonnes de Libération, Jean-Marie Cardebat, professeur d'économie à l'Université de Bordeaux, parle lui de "douche froide".
Du côté de la filière Champagne, l'accord est également vécu comme un véritable coup dur. "La sanction est tombée, maintenant on va réfléchir à la réaction - au niveau individuel, pas au niveau collectif : c'est-à-dire une négociation entre les entreprises et les distributeurs et importateurs américains", a réagi Maxime Toubart, coprésident du Comité Champagne auprès du Parisien. Selon lui, le marché américain représentait pas moins de 10 % des exportations pour le Champagne, preuve de la difficulté pour la filière de réorienter cette part vers d'autres régions économiquement intéressantes.
Une discussion ouverte et un espoir à "moyen terme"
Les syndicats, eux aussi, font grise mine depuis ce jeudi. "C'est une nouvelle épreuve", déplore Jérôme Despey, premier vice-président de la FNSEA. Il redoute "des pertes de parts de marché qui seront difficiles à regagner". En Provence, peut-être plus qu'ailleurs, la nouvelle ne passe pas : "On n'a aucune marge de négociation. On est des otages", fustige le président du Comité interprofessionnel des Vins de Provence, Éric Pastorino. En effet, la région exporte près de 40 % de sa production outre-Atlantique, notamment du rosé. Il redoute des "baisses de chiffre d'affaires", des propos relayés dans les colonnes du quotidien Le Parisien.
Pour l'économiste Jean-Marie Cardebat, cette nouvelle taxe sur les vins et spiritueux à l'export n'est qu'une partie du problème. "Les droits de douane ont aussi un effet récessif et inflationniste pour l'économie américaine et mondiale". Autrement dit, "des ménages américains vont être moins riches demain. Ils vont donc moins acheter de vins de façon générale", explique-t-il dans Libération. Alors, existe-t-il une solution à court terme ?
Les grandes maisons pourront "mettre en place des stratégies alternatives à l'export et aller vers des pays qu'elles exploraient peu jusque-là", fait-il remarquer. Auprès de l'AFP, Gabriel Picard saluait, lui, l'engagement de la Commission européenne et de la France auprès de la filière, et mettait le doigt sur "un fil de discussion" encore "ouvert". "Ça ne va pas changer le très court terme, mais on espère que ça pourra changer le moyen terme", espère-t-il.