T411 : ça y est, c'est donc (déjà) le grand retour du site pirate ?

T411 : ça y est, c'est donc (déjà) le grand retour du site pirate ? T 411 - Un site Internet, T411.si, se présentant comme le nouveau T411, annonce avoir mis en ligne plus de 50 000 torrents...

[Mis à jour le 28 août 2017 à 12h05] Fermé quelques mois avant la résurrection ? Si tel était bien le cas, voici qui tendrait à montrer que les pouvoirs publics n'ont que des moyens limités pour lutter contre la diffusion sur la Toile de contenus protégés par le droit d'auteur. Pour les gendarmes du Web, c'est en tout cas une information qui ne peut laisser indifférent : depuis la mi-août, un site se targue de remplacer T411, le très populaire site de torrents fermé fin juin. T411.si a même créé un compte Twitter intitulé "T411 v2" avec cette présentation très explicite : "T411 vous avait manqué ? Le premier site de torrent francophone est de retour pour votre plus grand plaisir !". Les concepteurs du nouveau site expliquent par ailleurs leur démarche et donnent des précisions sur la manière dont ils ont travaillé : "Le site a été reconstruit en partant de zéro, et toutes les fonctionnalités secondaires ne sont pas encore implémentées, essayez d'être indulgent avec l'équipe qui travaille jour et nuit sur ce projet afin de refaire de t411 la plateforme incontournable de torrent francophone". Et d'ajouter : "T411 fonctionne désormais sans tracker. Nous ajoutons plusieurs trackers publics aux fichiers uploadés ce qui permet d'augmenter le débit et la disponibilité des torrents, mais cela permet surtout qu'aucun fichier ne soit inaccessible en cas d'éventuelle fermeture du site".

Se revendiquant comme le digne successeur du site original, T411.si annonce avoir déjà passé la barre des 150 000 comptes créés. Plus de 50 000 torrents auraient déjà été indexés par les utilisateurs. Si ces chiffres sont encore loin de ceux de l'ancien site, la plateforme a déjà fait l'objet de plusieurs mises à jour. Au début du mois d'août, T411.si s'est même offert un petit lifting. Une refonte complète de son design et de son interface a été réalisée, comme le souligne le site phonandroid.com.

Mais si les créateurs de T411.si affichent clairement leur volonté de développer la plateforme sur du long terme, il est reste difficile pour l'heure de savoir qui est à l'origine de la plateforme et de tous les sites se présentant comme une alternative à T411. Des questions sur posent sur les véritables intentions des concepteurs de ces sites, qui permettent de télécharger du contenu multimédia sans s'assurer que les droits d'auteurs sont respectés - ce qui, évidemment, ne l'est pas. Beaucoup ont en effet constaté, dès la fermeture de la plateforme, l'arrivée d'un petit nouveau : t411.as. Mais attention : le site ne serait qu'une pâle copie du véritable T411. L'adresse semble peu recommandable. Un autre site était par ailleurs fin juillet en train d'être créé. Présenté par ses créateurs sur Twitter comme un "T411 bis", c'est sous le nom de "YggTorrent" qu'il comptait se faire une place sur la toile. Inaccessible alors, il a désormais été mis en service. Une chose est sûre, le succès naissant de T411.si ne fait que confirmer ce que pensaient déjà de nombreux internautes, à savoir qu'un site comme T411 ne peut que renaître de ses cendres sur le Web. Attention : à toutes fins utiles, rappelons que télécharger du contenu multimédia mis à la disposition des internautes sans respect du droit d'auteur est totalement illégal et puni par la loi.

T411 : histoire d'une fermeture

Pourquoi T411, l'original, ne fonctionne-t-il plus ? Lancé en 2008, ce clone du BitTorrent québécois QuebecTorrent, fermé deux ans après sa création, était le 65e site web le plus visité de l'Hexagone le 16 juin dernier selon Alexa Internet. Inaccessible depuis le dimanche 25 juin, le site faisait l'objet de bien des spéculations chez ses milliers de fans. La piste d'une fermeture par la police était d'emblée la plus crédible. Et elle s'est confirmée le mardi 27 juin 2017.

Les polices française et suédoise ont procédé à une opération d'envergure, dans la banlieue de Stockholm, pour arrêter deux des supposés "cerveaux" du site, de nationalité ukrainiennes. À la mi-journée mardi, Le Monde a fait le point. En citant le quotidien suédois Dagens Nyheter, le journal a confirmé qu'une "descente" de police avait eu lieu en Suède, indiquant également à son tour que les policiers suédois avaient "saisi plusieurs serveurs utilisés par le site". Les ukrainiens arrêtés devaient être mises en examen "pour violation de la loi sur le droit d'auteur et blanchiment d'argent" et extradés vers la France. En Suède, le procureur en charge de l'enquête a quant à lui bel et bien évoqué une "collaboration avec la police française". Le Monde a précisé un peu plus tard que T411 était visé par des plaintes de la Sacem et de l'association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (ALPA). L'enquête était menée "depuis plusieurs mois" par une juridiction inter-régionale spécialisée et la section de recherche de Rennes.

Puis en milieu d'après-midi, les informations se sont révélées un peu plus précises encore. Selon Marc Rees, rédacteur en chef de Next INpact, c'est une "opération d'ampleur, visant plus que la Suède et la France" qui a été menée. D'après le journaliste, six personnes ont été interpellées en France et en Suède et 700 000 liens "torrent" vers des copies illégales de films, séries et albums audio identifiés. De "nombreux matériels informatiques" ont été saisis pour exploitation. L'information a d'ailleurs été confirmée et précisée par le parquet de Rennes : "Dans le cadre de cette opération judiciaire, de nombreux matériels informatiques devaient être saisis pour exploitation, ainsi que des biens mobiliers et immobiliers produits des infractions commises".

La section de recherches Rennes était effectivement à la manœuvre, mais elle a été épaulée par celles d'Angers, Lyon, Montpellier et Strasbourg, ainsi que par le groupement des Côtes-d'Armor, selon Marc Rees. Le Monde assure également que des modérateurs ont été arrêtés en France. "Leur rôle était de regarder les contenus mis à disposition sur le site, d'enlever les faux contenus et de modérer les forums", explique le secrétaire général de la Sacem David El-Sayegh au journal. 

T411 : Vers une poursuite des utilisateurs ?

Interrogé par Le Monde, le secrétaire général de la SACEM, la société à l'origine de la plainte déposée en 2014 pour contrefaçon et bande organisée, est revenu sur le profil des personnes qui ont été arrêtées en France. "Ce sont des 'supermodérateurs'. Leur rôle était de regarder les contenus mis à disposition sur le site, d'enlever les faux contenus et de modérer les forums", explique David El-Sayegh qui estime qu'il y a bien "une bande organisée" derrière tout ça. Administrateurs, codeurs, modérateurs… "Il y a toute une architecture humaine mise à disposition pour en faire un site ultraperformant", détaille-t-il. Et d'ajouter : "On estime les gains réalisés par les administrateurs du site à hauteur de 6 millions d'euros".

La SACEM, la Société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique, est à l'origine de la plainte déposée en 2014. Interrogé par Le Monde plus récemment, le secrétaire général de la société de gestion des droits d'auteur, David El-Sayegh, affirme qu'il "n'est pas exclu" de porter plainte contre les utilisateurs du site. "La question reste en suspend", estime-t-il. Mais à en croire ses paroles, seuls les "utilisateurs qui mettaient à disposition une grande quantité de contenus" pourraient être visés dans le cas où, bien sûr, les autorités mettraient la main sur des informations les concernant.

T411 déjà visé par les autorités par le passé

Comme le souligne le site Next Inpact, une plainte avait été déposée depuis plusieurs années, en 2014 très précisément. Mais ce n'est que trois ans plus tard que l'enquête semble enfin avancer. Pourquoi ? "Il y a plusieurs explications dont l'une est liée au contexte terroriste. De tels dossiers ne sont pas une priorité stratégique pour la gendarmerie. C'est le genre de dossier que l'on traite lorsque d'autres ont pu être traités", explique la gendarmerie de Rennes, interrogée par Next Inpact qui souligne également que la coopération judiciaire due au contexte international de l'affaire a également ralenti la procédure. Analyse du matériel informatique et téléphonique, poursuite des investigations financières, mais également des gardes à vue, doivent suivre ce genre d'opération. Et dans le viseur des enquêteurs, les régies publicitaires sont au premier plan. Ces derniers devront déterminer s'il s'agit d'un fournisseur de moyen "innocent" ou activement complice. "Dans des affaires, on a vu des régies publicitaires gérées par les administrateurs eux-mêmes…", remarque la gendarmerie.

Le jeu du chat et de la souris avec les autorités est bien connu : en 2014, T411 avait été visé par plusieurs dispositifs de blocages (lire ici). En avril l'année suivante, le site faisait l'objet d'une procédure lancée par la SCPP pour infraction au droit d'auteur. Plusieurs opérateurs avaient déjà bloqué divers noms de domaines du site... et provoqué son déménagement vers une nouvelle URL. Plusieurs sites spécialisés, comme PhonAndroid, rappellent qu'en mai 2017, T411 avait aussi changé son nom de domaine, passant de t411.ai à t411.al. Le tout avait été accompagné de quelques perturbations techniques, sans aucune communication du site.Créé en 2006 et hébergé jusqu'à présent en Suède avec un nom de domaine albanais, T411 a ainsi échappé plusieurs fois aux blocages pour continuer d'offrir à ses utilisateurs la possibilité d’échanger films, séries, musique ou jeux vidéo sans héberger lui-même les fichiers. Et il n'est pas le premier à subir les saisies de la police ou de la gendarmerie et à rechercher un pays où l'herbe est plus verte.