Ministère de la culture : les témoignages glaçants de femmes victimes de perversion
Un ancien haut fonctionnaire a été mis en examen fin octobre 2019 pour les chefs d'"administration de substance nuisible, d'agression sexuelle par personne abusant de l'autorité conférée par sa fonction, d'atteinte à l'intimité de la vie privée par fixation d'image, de violence par une personne chargée de mission de service public et d'infractions à la législation sur les médicaments". L'ancien directeur régional adjoint de la Drac (Direction régionale des affaires culturelles) a été pris sur le fait alors qu'il photographiait l'intimité d'une sous-préfète par-dessous une table : l'affaire avait éclaté le 15 juin 2018.
Le haut fonctionnaire avait été suspendu de la fonction publique en octobre 2018, avant d'être révoqué. L'enquête a été ouverte par le parquet de Paris en janvier 2019, puis l'affaire avait été révélée par le Canard Enchaîné en mai 2019. Libération a recueilli de nombreux nouveaux témoignages des présumées victimes, toutes des femmes, dont le nombre est estimé à plus de 200.
L'homme soupçonné, du nom de Christian N., aurait administré à ses victimes des médicaments diurétiques pour les pousser à uriner, tout en les empêchant d'accéder à des toilettes. Ces actes d'intoxication avaient pour but de pousser ces femmes à perdre le contrôle et à uriner devant lui. Au moment de l'enquête, un fichier excel est découvert sur son ordinateur de travail, nommé "Expériences". Ce fichier comportait la liste des victimes de l'agresseur, ainsi que des photos, l'horaire de la prise du médicament et le lieu où se déclenchait le besoin d'uriner, accompagnés de commentaires sur les réactions des victimes.
"J'étais humiliée et honteuse"
Intoxiquée et prise au piège par cet homme, une victime a témoigné en ces termes : "J'ai uriné par terre, quasiment à ses pieds. J'étais humiliée et honteuse", rapporte Libération. Une de ces victimes a témoigné sur le média Konbini News, déclarant que "ce qui le fait jouir, c'est d'entendre les femmes uriner, voire même (...) de voir les femmes s'uriner dessus." Cette femme dit avoir été intoxiquée par Christian N. lors d'un entretien de fin de stage au ministère de la Culture ; l'homme aurait mis des diurétiques dans le café qu'il lui a offert. Cette femme concluait son témoignage en invitant d'autres victimes à dénoncer ces faits : "Ce que je cherche à travers ce témoignage, c'est que d'autres victimes de ce monsieur se reconnaissent, s'identifient et trouvent le courage, la force psychologique qu'elles n'ont pas forcément trouvé à l'époque pour dénoncer ces actes, se libérer et porter plainte contre lui."
Les déclarations de Christian N.
L'ancien au fonctionnaire a reconnu partiellement les faits, tout en minimisant la portée de ses actes. Contacté par Libération, il a déclaré : "J'aurais voulu qu'on m'arrête avant. C'était compulsif, mais il n'y avait pas chez moi une volonté d'empoisonner ces femmes. Je ne pensais pas que le diurétique pouvait causer des problèmes médicaux." Parmi les diverses fonctions que l'homme a exercé pour l'Etat français, il notamment siégé au Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes. De nombreuses victimes se posent la même question : "Comment a-t-il pu faire autant de victimes, sans jamais être découvert ?" Une des victimes, interrogée par Libération, a déclaré avoir alerté Fleur Pellerin puis Audrey Azoulay, qui se sont succédées au ministère de la Culture en 2016, sans suite. La médecine du travail également avait été alertée, sans plus de succès. Marlène Schiappa a réagi sur Twitter vendredi 8 novembre, alors que l'affaire a éclaté publiquement :
Je renouvelle comme dès la publication de la vidéo tout mon soutien chaleureux aux personnes victimes de ces agissements condamnables et indignes.
— MarleneSchiappa (@MarleneSchiappa) 8 novembre 2019