Nouveaux réacteurs nucléaires : où et quand ? Ce que veut Emmanuel Macron
Le début du renouvellement du socle nucléaire français ? Pendant son allocution du 9 novembre 2021, Emmanuel Macron a confirmé la construction de nouveaux réacteurs nucléaires électriques en France, dans l'optique de répondre aux ambitions climatiques et énergétiques du pays. "Nous allons, pour la première fois depuis des décennies, relancer la construction de réacteurs nucléaires dans notre pays et continuer de développer les énergies renouvelables", a-t-il alors affirmé, sans donner plus de détails à ce stade. Le but ? "Si nous voulons payer notre énergie à des tarifs raisonnables, il nous faut continuer d'économiser l'énergie et d'investir dans la production d'énergie décarbonée sur notre sol" et "garantir l'indépendance énergétique de la France, pour garantir l'approvisionnement électrique de notre pays et atteindre nos objectifs, en particulier la neutralité carbone en 2050". "Ces investissements nous permettront d'être à la hauteur de nos engagements au moment où va se clôturer la COP26 à Glasgow", a également ajouté le chef de l'exécutif.
Réjouie de cette annonce, le secteur nucléaire s'affirme "prêt" à relever ce défi. "Cela fait des années que la filière se met en ordre de marche pour répondre au lancement d'un nouveau programme nucléaire" rappelle aux Echos, Cécile Arbouille, déléguée générale du Groupement des Industriels Français de l'Energie Nucléaire. "Nous avons maintenant hâte de connaître les détails de cette annonce, tous les acteurs de la filière attendant l'engagement d'un véritable programme, avec une série de réacteurs EPR2". Pour rappel, le président de la République avait déjà annoncé, mi-octobre dernier, des investissements de milliards d'euros dans les petits réacteurs nucléaires (SMR).
.@EDFofficiel et la filière avec elle sont prêtes à répondre au défi de la #transitionénergétique par la construction de nvx réacteurs nucléaires et laccélération dans les renouvelables. Nous nous réjouissons de lannonce du Président de la République et serons au rendez-vous.
— Jean-Bernard Lévy (@J_B_Levy) November 10, 2021
Si Emmanuel Macron n'a pas donné plus de précisions sur ces réacteurs dont la construction est à venir, des indices ont été semés sur le fait que cette décision était à venir et ce, depuis plusieurs mois. Tant du côté de Bruno Le Maire, ministre de l'Economie que d'Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée à l'Industrie, qui défendent ardemment l'atome, dans un contexte où la crise du gaz a mis en lumière la dépendance de la France envers les énergies fossiles.
Si le chef de l'Etat refusait jusqu'ici de trancher sur l'avenir des nouvelles centrales nucléaires en France, le dernier rapport de RTE (le gestionnaire de réseau électrique "Réseau de Transport d'Electricité"), "Futurs énergétiques 20150" (dont les publications, datées d'il y a deux semaines, sont disponibles ici), semble avoir convaincu le gouvernement d'accélérer sur la voie du nucléaire. Bien qu'une feuille de route doive être annoncée dans les semaines à venir afin de préciser le nombre de nouveaux réacteurs prévus par le président, leur emplacement et leur date de construction, certains éléments répondent déjà, pour partie, à ces questions.
Combien et quel type de réacteur nucléaire ?
Les réacteurs construits seront des réacteurs pressurisés européens, dits EPR : ce type de réacteur nucléaire fait partie de la filière des réacteurs à eau pressurisée. Le rapport de RTE préconise entre 8 et 14 nouveaux réacteurs d'ici 2050, qui représenteraient entre 12% et 22% de la production énergétique française à terme – 14% serait produite par les anciennes centrales et entre 63 et 75% grâce au renouvelable.
Pour l'heure, la France compte seulement un réacteur nucléaire de nouvelle génération, l'EPR de Flamanville – dont le chantier, débuté en 2007, n'est toujours pas terminé. EDF, à qui appartient cet EPR, avait néanmoins remis au gouvernement un rapport sur la faisabilité de la construction de six nouveaux EPR, au printemps dernier. Défi industriel et financier, la Cour des comptes chiffrait le coût d'une telle construction à une facture de 46 milliards d'euros.
Quel calendrier et où seront-ils construits ?
Si la construction de nouveaux EPR se lance rapidement, le premier réacteur ne verra cependant pas le jour avant 2035. Le premier site choisi pour la construction d'un nouveau réacteur nucléaire a déjà été déterminé : il s'agit de Penly, en Seine-Maritime (Normandie). Ce site accueille déjà deux réacteurs classiques. L'endroit avait été sélectionné en 2008 pour la construction d'un nouvel EPR, mais le projet avait été gelé par François Hollande. Parmi les autres sites pressentis se trouvent Gravelines (Hauts-de-France) mais aussi Tricastin ou Bugey (Auvergne Rhône-Alpes).
Un choix contradictoire avec les dernières décisions en matière de nucléaire ?
L'annonce apparaît d'autant plus surprenante qu'en 2020, c'était la centrale nucléaire de Fessenheim qui, après 43 ans de service, était définitivement arrêtée. Par ailleurs, d'ici 2035, 14 des 56 réacteurs nucléaires français doivent être stoppés, dans l'objectif annoncé par François Hollande, et confirmé par son successeur, de faire baisser de 50% la part de nucléaire dans la production d'électricité de la France en 2035.
Une annonce décriée
Après l'annonce d'Emmanuel Macron, les réactions ne se sont pas fait attendre. Ainsi, Matthieu Orphelin, député écologiste, a dénoncé une annonce de la relance du nucléaire "certes prévisible, mais […] incroyable, et presque illégale sur la forme, un débat national étant nécessaire". De son côté, Nicolas Nace, de l'ONG Greenpeace, a critiqué le projet : "annoncer une relance du nucléaire et la construction de nouveaux réacteurs alors que l'industrie nucléaire enchaîne les fiascos est totalement déconnecté de la réalité", dénonçant un "déni démocratique."