Quel accueil pour les migrants de l'Ocean Viking une fois en France ?

Quel accueil pour les migrants de l'Ocean Viking une fois en France ? OCEAN VIKING. Le navire de SOS Méditerranée accostera au port de Toulon ce vendredi 11 novembre. Une fois sur terre sa posera la question de l'accueil des migrants dont certains devraient être envoyés dans des pays voisins.

L'Ocean Viking a trouvé un port pour s'amarrer après vingt jour passer en mer. C'est à Toulon que le bateau humanitaire de SOS Méditerranée accostera ce vendredi 11 novembre 2022, conformément aux annonces faites par le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin à la mi-journée ce jeudi. Mais si le navire a trouvé où mouiller l'ancre, la question de l'accueil des 234 migrants présents à son bord se pose. Le ministre a rapidement énoncé la politique prévue pour que la France ne porte pas seule la responsabilité d'accueillir les réfugiés et c'est selon la règle de la répartition par tiers que les rescapés vont être accueillis sur le sol européen. La France qui accueille sur ses côtes l'Ocean Viking est d'office responsable des réfugiés malades, toutes les personnes présentant un état de santé critique seront hospitalisées dans des établissements français. Un œil particulier sera aussi porté aux enfants qui ont survécu au voyage dont certains sont en très bas-âge d'après Gérald Darmanin. Le décompte de SOS Méditerranée indique que 57 enfants et qu'une vingtaine de malades sont actuellement sur le point du navire. A noter que dans la matinée du jeudi 10 novembre, trois migrants et une accompagnatrice ont été évacués du bateau par hélicoptère pour rejoindre l'hôpital de Bastia et assurer la prise en charge des trois réfugiés qui se trouvaient dans un état critique. 

Après la prise en charge des malades et les vérifications sur l'état de santé des enfants, les migrants de l'Ocean Viking seront répartis pour rejoindre d'autres Etats européens notamment l'Allemagne qui accueillera un tiers des réfugiés, soit autour de 80 personnes. Gérald Darmanin a indiqué que des discussions avec d'autres gouvernements sont en cours notamment avec la Norvège pour assurer l'accueil d'un autre tiers de migrants. Ses discussions se tiennent aussi avec l'Italie qui était selon le droit européen chargée de trouver une place au bateau dans un de ses ports. Le ministre a profité de sa prise de parole pour indiquer que la stratégie d'accueil présentée est la même que celle qui était normalement prévu epour soulager et accompagner l'Italie dans l'accueil des réfugiés. De quoi qualifier une nouvelle fois d'"inacceptable" l'attitude du gouvernement de Giorgia Meloni. Reste qu'en France l'accueil des migrants, même d'une seule partie, n'est pas du goût de tous. Marine Le Pen, leader de l'opposition d'extrême droite s'est fendue d'un tweet pour dénoncer un "signal dramatique de laxisme" :  Avec cette décision, [Emmanuel Macron] ne peut plus faire croire à personne qu'il souhaite mettre fin à l'immigration massive et anarchique."

Des migrants de l'Ocean Viking évacués

Peu avant la décision du gouvernement français d'autoriser l'Ocean Viking à accoster dans le port de Toulon le 11 novembre, l'armée de l'air française a procédé grâce à l'un de ses hélicoptères à l'évacuation de trois migrants et d'une accompagnatrice pour permettre l'hospitalisation des réfugiés dont l'état de santé critique avait été signalé par l'association humanitaire.  "L'un des patients est instable et ne réagit pas aux soins prodigués à bord depuis le 27 octobre. Les deux autres ont subi des blessures en Libye qui, en raison du long délai de traitement, risquent maintenant d'avoir des conséquences négatives à long terme", avait indiqué un porte-parole de SOS Méditerranée. Le petit groupe a été accueilli à l'hôpital de Bastia (Haute-Corse) où une cellule d'urgence médico-psychologique (CUMP) a été déclenchée selon les informations de France Télévisions. La santé très affaiblie des migrants qui ont d'abord survécu sur des embarcations de fortune avant d'être secourus par l'Ocean Viking traduit la "calvaire" subi durant les vingt jour de mer selon la directrice de l'ONG, Sophie Beau, auprès de l'AFP. 

Attendu à Toulon, quelle est la position de l'Ocean Viking ?

Depuis ce jeudi 10 novembre, l'Ocean Viking flotte dans les eaux françaises aux abords des côtes corses où il pensait accoster dans la journée. Mais le navire fait désormais route vers le port de Toulon toujours dans les eaux nationales et sa position peut être suivie par le service de géolocalisation proposé par vesselfinder. Avant d'arriver près du littoral français, l'Ocean Viking est longtemps resté dans les eaux italiennes où il devait initialement être accueilli comme les trois autres bateaux du convoi humanitaire avant d'être renvoyé plus loin des côtes dans le territoire international pendant que l'Italie et la France jouaient au bras de fer comme l'a souligné la directrice de l'ONG, Sophie Beau à l'AFP : "La situation de l'Ocean Viking montre qu'il est urgent que les Etats européens mettent en place un mécanisme de répartition pérenne".

Pourquoi l'Italie et la France s'opposent sur l'accueil de l'Ocean Viking ?

L'Ocean Viking fait partie des quatre bateaux dits "ambulances" de SOS Méditerrané utilisés pour recueillir plus de 1000 migrants naufragés en mer après avoir fui la Libye avec des embarcations de fortune. Situés dans les eaux internationales mais plus proches des côtes italiennes, c'est vers le pays présidé par Giorgia Meloni que l'association s'est tournée pour trouver un port. L'Italie a accepté d'accueillir les bateaux mais est revenue sur sa parole après avoir fait accoster les trois premiers navires, fermant ses ports à la venue de l'Ocean Viking. Une attitude jugée "inacceptable" par le porte-parole du gouvernement français Olivier Véran le 9 novembre au micro de Franceinfo selon qui le navire avait "vocation à être accueilli en Italie".

Le gouvernement français a insisté dans les discussions avec l'exécutif italien pour que l'accueil du bateau et des migrants ait bien lieu en Italie selon "la règle européenne" qui prévoit que "le bateau doit débarquer dans le port le plus proche, qui est un port italien" a précisé le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire sur France 2 le jeudi 10 novembre avant d'ajouter : "Si l'on commence à dévier à cette règle, il n'y a plus de solidarité possible, il n'y a plus de gestion efficace des flux migratoire". Mais l'urgence de la situation a poussé l'Etat français et le gouvernement à revoir ses plans. Ce qui ne l'a pas empêché de dénoncer l'Italie qui a manqué à son "devoir humanitaire".

Des sanctions françaises en réponse à l'Italie

Jugeant l'Italie irresponsable, le gouvernement français a dit prévoir des mesures punitives ou du moins pénalisantes à l'encontre du pays à la botte notamment en matière d'immigration. "Nous nous étions engagés avec l'Allemagne à relocaliser - 3500 d'ici l'été 2023 - des personnes qui arriveraient en Italie, notamment du fait du droit de la mer. Si nous accueillons ces 234 migrants, nous ne relocaliserons aucune des personnes que nous nous étions engagés à relocaliser pour les semaines, les mois à venir, tant que l'Italie gardera ce comportement contraire au droit international, à la solidarité et aux engagements du gouvernement italien avant l'arrivée de nouvelles autorités italiennes", a fait savoir Gérald Darmanin, note BFMTV. Le ministre a même évoqué l'idée d'exclure l'Italie du programme de solidarité européenne qui est censé permettre la répartition des migrants "pour ne pas que l'Italie puisse profiter de cette solidarité européenne, tout en étant égoïste".     

Que dit le droit international ?

Lors de la crise du navire Aquarius qui était resté coincé dans les eaux italiennes et de Malte en 2018, Niki Aloupi, professeur à l'Université Paris 2 Panthéon-Assas et Hélène Raspail, maître de conférences à l'Université du Mans, avaient rappelé les règles en matière d'accueil des rescapés. Interrogées par Dalloz, elles avaient souligné que "le lieu de débarquement n'est malheureusement pas identifié par les différentes règles de droit international". Le droit international prévoit le débarquement dans un "lieu sur" mais ne donne pas de précisions supplémentaires. Elles ont également déploré un manque de clarté sur ce sujet sensible car "le droit international laisse les États se renvoyer le fardeau de cette obligation". Peu d'évolutions ont donc été observées entre 2018 et 2022, car les crises humanitaires passent mais se ressemblent.