Giorgia Meloni : Mussolini, immigration, UE... Quelles sont ses idées ?
MELONI. Victorieuse des élections législatives ce 26 septembre 2022, Giorgia Meloni est appelée à devenir la future Première ministre d'Italie. Quelles sont les positions politiques de la femme d'extrême droite ?
[Mise à jour le 26 septembre 2022 à 22h24] Les élections législatives italiennes ont débouché sur une victoire historique de l'extrême droite, dimanche 25 septembre. En tête ? Le parti post-fasciste Fratelli d'Italia de Giorgia Meloni, avec plus de 26% des voix. Une grande première depuis… 1945. C'est même une véritable prouesse alors que quatre ans plus tôt, le parti n'enregistrait que 4,3% des suffrages. La coalition des droites, à laquelle le parti appartient, enregistre, elle, plus de 44% des votes. Que ce soit à la Chambre des députés ou au Sénat, l'alliance des droites s'est donc offerte une majorité claire. Exultation à l'extrême droite de la classe politique française, vent de panique à gauche. En France, la victoire électorale du parti Fratelli d'Italia de Giorgia Meloni a suscité des réactions pour le moins mitigées lundi 26 septembre. Au plus haut sommet de l'État, le président Macron s'est contenté de faire savoir que Paris respectait le "choix démocratique et souverain" du peuple italien, sans grand enthousiasme.
"Nous gouvernerons pour tous les Italiens", a quant à elle assuré Giorgia Meloni qui revendique la tête du gouvernement. Sauf surprise, l'exécutif italien devrait bien se transformer dans les prochaines semaines et revêtir les couleurs de l'extrême droite après la victoire du parti néo-fasciste Fratelli d'Italia, allié à La Ligue de Matteo Salvini et à Forza Italia de Silvio Berlusconi. Mais avec des scores inférieurs à la barre des 10%, les partis alliés de Giorgia Meloni ne peuvent pas s'imposer face à la future Première ministre italienne. Reste que la leader politique doit attendre entre quatre et douze semaines avant d'être nommée à la tête du gouvernement.
Quels rapports avec la France ?
"Le peuple italien a fait un choix démocratique et souverain. Nous le respectons", a solennellement déclaré Emmanuel Macron, lundi 26 septembre, en réaction à la victoire du parti de droite nationaliste Fratelli d'Italia de Giorgia Meloni aux élections législatives italiennes, a fait savoir l'Élysée. Le chef de l'État français a par ailleurs estimé qu'"en tant que pays voisins et amis, nous devons continuer à œuvrer ensemble". Et d'ajouter : "C'est en Européens que nous réussirons à relever nos défis communs." Sa Première ministre s'est, quant à elle, montrée plus réticente. "Bien évidemment, on sera attentif, [avec] la présidente de la Commission européenne [Ursula von der Leyen ndlr.], à ce que ces valeurs sur les droits de l'Homme, sur le respect des uns et des autres, notamment le respect du droit à l'avortement, soient respectées par tous", a averti Élisabeth Borne, avant de rappeler qu'il ne "fallait pas brûler les étapes" et qu'il "appartient désormais au président de la République [Sergio Mattarella ndlr.] de désigner la présidente ou le président du Conseil".
À l'extrême droite de l'échiquier politique français, l'enthousiasme était palpable lundi. "Toutes mes félicitations à Giorgia Meloni et au peuple italien ! Comment ne pas regarder cette victoire comme la preuve que oui, arriver au pouvoir est possible ?", s'est exalté Éric Zemmour, tandis que Marine Le Pen a salué la décision du "peuple italien" qui "a décidé de reprendre son destin en main en élisant un gouvernement patriote et souverainiste". Et de féliciter sur Twitter : "Bravo à Giorgia Meloni et à Matteo Salvini pour avoir résisté aux menaces d'une Union européenne anti-démocratique et arrogante en obtenant cette grande victoire !" Pour Jordan Bardella, "les Italiens ont offert une leçon d'humilité à l'Union européenne qui, par la voix de Mme Von der Leyen, prétendait leur dicter leur vote. Aucune menace d'aucune sorte ne peut arrêter la démocratie : les peuples d'Europe relèvent la tête et reprennent leur destin en main !", a-t-il déclaré sur Twitter également.
Chez Les Républicains, les avis étaient plus divisés. Plusieurs soutiens d'Éric Ciotti et Bruno Retailleau n'ont pas caché leur joie à l'annonce des résultats des élections législatives italiennes. De son côté, Éric Ciotti a jugé que "la victoire de Giorgia Meloni en Italie est la conséquence des échecs de ses prédécesseurs notamment en matière migratoire". Dénonçant les bilans de François Hollande et Emmanuel Macron, celui qui est candidat à la présidence des Républicains a estimé qu'"après 10 années de politique […] qui ont abîmé la France, il faut sereinement en analyser les causes pour l'avenir de notre pays". Si Bruno Retailleau ne s'est, lui, pas exprimé, Aurélien Pradié, également en lice pour la présidence du parti de droite, a réagi sur le réseau social à l'oiseau bleu, affirmant : "En regardant l'Italie, certains se disent que le seul avenir de la droite française est de devenir sous-fifre des agités. C'est la fascination morbide de ceux qui, chez nous, n'y croient plus. Ils ont perdu l'exigence du gaullisme. Moi j'y crois. Tout rebâtir ne m'effraie pas."
Sans surprise, la gauche française a déploré une "terrible victoire post-fasciste en Italie", selon les mots de l'écologiste Yannick Jadot qui a regretté sur Twitter : "Pologne, Hongrie, Suède et maintenant l'Italie… La démocratie n'est jamais acquise, les pulsions de haine jamais terrassées ! À nous de convaincre qu'un autre projet de civilisation est possible." Le député Nupes Louis Boyard a lui fait part de sa "solidarité avec le peuple italien qui subit le retour des fascistes au pouvoir". Et l'écologiste Sandrine Rousseau de s'alarmer : "Les loups sont entrés en Italie. Cessez de rire charmante Elvire, les loups sont entrés en Italie", pendant que l'Insoumise Clémentine Autain évoquait une tragédie, affirmant que "les héritiers de Mussolini prennent le pouvoir en Italie". Comme Yannick Jadot, elle a appelé à un sursaut en France. "Ici, nous avons tenu bon. Maintenant gagnons la course de vitesse face au RN. Ce soir, solidarité avec tous les progressistes italiens." Enfin, le patron des communistes Fabien Roussel a dénoncé une véritable "catastrophe", tirant également la sonnette d'alarme : "Urgent de reconstruire une force populaire et progressiste !"
Pour sa part, Giorgia Meloni n'est pas tendre quand il s'agit de la France. Ces dernières années, elle a souvent pointé du doigt et accusé la France de jouer un rôle dans l'immigration massive en Europe et notamment en Italie, un sujet sur lequel la candidate victorieuse des législatives entend se battre avec fermeté. L'Italienne attaque aussi la France qu'elle juge encore responsable de coloniser les pays d'Afrique. "Il faut libérer l'Afrique de certains pays européens qui profitent d'elle. Donc la libérer de la France, ennemi numéro 1 en Italie", avait-elle déclaré en janvier 2019. En Afrique, c'est plus particulièrement la Libye qui, en 2014, a cristallisé les mauvaises relations entre la France et Giorgia Meloni. La politique avait alors accusé la France d'avoir bombardé la Lybie car cela "gênait" la France "que l'Italie ait un rapport privilégié dans le secteur énergétique avec Kadhafi, en nous exposant au chaos migratoire dans lequel nous nous trouvons."
La leader de Fratelli d'Italia ne semble pas non plus avoir d'accroches avec l'extrême droite française. Pourtant entre 2013 et 2015 alors qu'elle prenait la tête de son parti, Giorgia Meloni échangeait avec Marine Le Pen jusqu'à ce que les relations s'étiolent progressivement. En 2017, l'Italienne avait défendu la candidate du Rassemblement national à l'élection présidentielle mais en 2022 aucun candidat de l'extrême droite, Marine Le Pen ou Eric Zemmour, n'a trouvé grâce à ces yeux. Même chose au Parlement européen ou le groupe présidé par Giorgia Meloni ne s'est pas rapproché du RN.
Cependant, son allié de la coalition de droite et d'extrême dans ces élections générales de 2022, Matteo Salvini (La Ligue), a déjà revendiqué à maintes reprises son attachement au Rassemblement national. Mais il est connu que Matteo Salivi et Giorgia Meloni ne s'apprécient guère et cultivent de grandes différences programmatiques. Autre divergence entre Giorgia Meloni et le RN, la première soutient l'OTAN et les sanctions de l'Union Européenne contre l'Ukraine tandis que le Rassemblement National estime que ce sont les Européens et notamment les Italiens qui souffrent de ces sanctions, payant le gaz au prix fort.
Giorgia Meloni, une femme de droite très conservatrice
Qui est donc Giorgia Meloni ? Quelles sont ses idées politiques ? Giorgia Meloni née à Rome en 1977, a commencé la politique dès 15 ans. Elle a intégré le MSI (Mouvement Social Italien), parti politique néofasciste dans les années 1990. En 1995, la jeune femme a pris la tête de l'action étudiante de l'Alliance Nationale, nouveau nom du parti qui s'était alors complètement transformé. A 29 ans, elle s'est fait élire députée, et à 31 ans, Giorgia Meloni a rejoint le gouvernement de Silvio Berlusconi en tant que ministre de la Jeunesse. En 2014, la journaliste de formation a pris la tête de son jeune parti politique d'extrême droite, les Frères d'Italie (Fratelli d'Italia). L'appellation du parti politique n'est pas choisie au hasard, il s'agit du nom de l'hymne national italien. Giorgia Meloni est également à la tête du parti Conservateurs et réformistes européens au Parlement européen.
Interrogée par le Washington Post en septembre 2022, elle définissait son parti politique de "conservateur", préférant ce terme à celui d'extrême droite, qu'elle sait péjorativement connoté. Il faut dire que depuis des années, son parti politique s'efforce à se détacher de son image de droite radicale et nationaliste, au profit d'un profil plus modéré. Elle déclarait toutefois au média américain que parmi les thèmes qui préoccupent les Frères d'Italie, il y a "la protection des frontières contre l'immigration incontrôlée", "la défense de l'identité nationale italienne". Dans cette même interview, elle ajoutait avoir un "ennemi principal" : la gauche. Le programme des Frères d'Italie présente une politique très sévère sur les migrants. Le parti est hostile au droit du sol et souhaite lutter contre les ONG qui favorisent 'l'immigration illégale" en bloquant les "débarquements" des navires de migrants, et multiplier les centres de contrôles.
Les efforts effectués par Giorgia Meloni pour dédiaboliser sa formation politique se sont heurtés à des révélations très embarrassantes ces dernières semaines. Le quotidien La Repubblica a révélé début septembre que Calogero Pisano, secrétaire provincial du parti politique de la candidate, avait en 2014, fait l'éloge d'Adolf Hitler sur les réseaux sociaux en le qualifiant comme de "grand homme d'État". Suite aux révélations du quotidien, les Frères d'Italie ont suspendu avec effet immédiat le membre du parti.
Giorgia Meloni et Benito Mussolini
Récemment, une vieille vidéo de la candidate à refait surface sur les réseaux sociaux. Interrogée par France 3 en 1996, elle y déclarait ceci : "Je crois que Mussolini, c'était un bon politicien. Tout ce qu'il a fait, il l'a fait pour l'Italie", déclare-t-elle en français. Des qualités que, selon elle, l'on "ne trouve pas" chez les hommes politiques depuis sa mort.
A la tête de Fratelli d'Italia, parti considéré comme post-fasciste fondé en 2012, Giorgia Meloni est présentée comme la leader politique d'extrême droite et descendante de la pensée de l'ancien Premier ministre italien Benito Mussolini. La quarantenaire s'est déjà à plusieurs reprises exprimée sur la politique du fasciste le décrivant un homme qui a "beaucoup accompli" pour l'Italie. Un discours dans lequel se retrouve son électorat radical mais qu'il faut nuancer pour appâter les électeurs de droite plus modérés. Aussi Giorgia Meloni dit ne pas oublier ou "exonérer" Mussolini de ses erreurs comme la promulgation des lois anti-juifs ou l'entrée en guerre qui plus est aux côtés des nazis entre 1939 et 1945.
Si Giorgia Meloni semble en substance apprécier certains accomplissements politiques de Benito Mussolini, elle refuse de se considérer comme son héritière ou comme fasciste. "Si j'étais fasciste, je dirais que je suis fasciste", a-t-elle ainsi assurée dans un récent entretien au Spectator. De même, elle refuse que son parti abrite "les nostalgiques du fascisme, ni pour le racisme et l'antisémitisme". Dans une vidéo publiée en anglais, français, et espagnol sur la chaine YouTube du parti il y a quelques semaines, la candidate y a indiqué qu'"il y a plusieurs décennies que la droite italienne a relégué le fascisme à l'Histoire, en condamnant sans ambiguïté la privation de démocratie et les infâmes lois anti-juives".
Ces discours semblent avoir suffi à la politique pour convaincre l'électorat italien de faire le choix de Fratelli d'Italia et ce malgré la présence indéniable d'hommes politiques néo-fascistes des ces rangs.
Lors d'un meeting de la droite italienne en 2020, elle déclarait ceci : "Je suis Giorgia, je suis une femme, je suis une mère, je suis italienne, je suis une chrétienne et vous ne me le retirerez pas !" La candidate des Frères d'Italie a toujours été attachée aux valeurs chrétiennes. Elle a dénoncé à plusieurs reprises les "lobbies" LGBT et s'est opposée à l'adoption et aux unions pour les couples de même sexe. Défendant des valeurs "traditionnelles", le parti en tête des intentions de vote reste opposé au droit à l'avortement.
Homophobie, anti-IVG... Giorgia Meloni conservatrice sur la famille
Giorgia Meloni réfute être fasciste et préfère se présenter comme "conservatrice" plutôt que d'extrême droite, reste que son discours sur la famille reprend toutes les lignes des conservateurs radicaux. Depuis qu'elle est en politique, la future Première ministre italienne défend la famille traditionnelle et "naturelle" et lutte contre les "lobbys LGBT". Giorgia Meloni est fermement opposée au mariage homosexuel comme à l'adoption par un couple de même sexe et croit dur comme fer qu'"un papa, une maman, une stabilité" est le meilleur schéma à offrir aux enfants. Malgré ce discours et la politique qui devrait en découler, la femme politique assure ne pas être homophobe.
Outre la famille, la natalité une de ses priorités de Giorgia Meloni alors que l'Italie présente un des taux de natalité les plus faibles de l'Union européenne. Dans son programme, la leader de Fratelli d'Italia prévoit un large plan de soutien à la natalité qui doit passer par la gratuité des crèches, l'aménagement de crèches ou de ludothèques supplémentaires ou dans les entreprises mais aussi par la baisse de la TVA sur les produits et les services liés à la petite enfance. Défendant coûte que coûte la natalité, Giorgia Meloni est pourtant contre le droit à l'IVG, comme la plupart des membres de son parti. Si elle a plusieurs fois assuré ne pas revenir sur ce droit en accédant au pouvoir, le sujet continue d'inquiéter puisque partout où Fratelli d'Italia s'est implanté, l'accès à l'avortement a été rendu très compliqué pour les femmes.
Une opposante à l'Union Européenne
Si le parti de Giorgia Meloni a longtemps été associé à l'euroscepticisme, désormais le discours est tourné vers une refonte des priorités de l'Union Européenne. Elle a expliqué au Washington Post qu'elle s'oppose à la politique de l'Union Européenne. "Ce qui se passe ces dernières années, avec la pandémie et la guerre, montre combien de priorités européennes ont été mal placées." Il n'est plus question pour son parti de changer de monnaie nationale, ni que de quitter l'Union Européenne. Elle a d'ailleurs directement condamné l'invasion russe en Ukraine, se distinguant de certains partis d'extrême droite en Europe.
Son discours n'en reste pas moins critique envers Bruxelles. Lors d'une démonstration politique à la Piazza Duomo de Milan, cathédrale italienne, il y a quelques jours, elle avait déclaré : "Si je gagne, pour l'Europe, les plaisanteries sont finies ". En juin 2022 devant ses militants espagnols, elle scandait : "Oui à la souveraineté du peuple, non à la bureaucratie de Bruxelles !"
Giorgia Meloni, future Première ministre d'Italie
Les résultats de ces élections législatives anticipées en Italie devraient être rapidement consolidés, mais Giorgia Meloni est toute désignée pour prendre la tête du nouveau gouvernement italien. A l'issue du scrutin, le président de la République italienne, Sergio Matarella, devrait proposer dans les prochains jours à celle qui dirige le parti qui a gagné ces élections de former un gouvernement. Sans surprise, les principaux ministères devraient revenir à des politiques d'extrême droite membres de la coalition : Fratelli d'Italia mais aussi la Ligue et Forza Italia. Le nouveau gouvernement pourrait entrer en action d'ici à la fin du mois d'octobre.