IVG dans la Constitution : que change la promesse de Macron ?

IVG dans la Constitution : que change la promesse de Macron ? IVG CONSTITUTION. Emmanuel Macron a annoncé un projet de loi pour permettre de graver le droit à l'IVG dans la Constitution. Quelques subtilités pourraient toutefois compliquer l'inscription de l'avortement dans le marbre.

Un nouveau pas vers l'inscription de l'interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution. Plusieurs indices avaient été glissés et le 8 mars 2023, Emmanuel Macron a annoncé un projet de loi pour constitutionnaliser le recours des femmes à l'IVG, "dans les prochains mois". La nouvelle, faite durant l'hommage national à la militante Gisèle Halimi qui avait fait du droit à l'IVG un de ses principaux combats, a été saluée par les associations féministes. "C'est un grand pas vers la sécurisation du droit à l'avortement en France et une avancée exemplaire pour le reste du monde", a réagi Sylvie Pierre-Brossolette selon des propos rapportés par Le Monde. Claudine Monteil, historienne et amie proche de Simone de Beauvoir et Gisèle Halimi a salué un "jour historique" auprès de Franceinfo : "Ce projet pour la Constitution avec l'accord du président de la République dépasse nos propres rêves", a-t-elle lancé au nom de ses amies militantes.

C'est sans compter sur le revers de la médaille qui a contrarié ces mêmes instances féministes. Emmanuel Macron avait deux options pour défendre l'entrée du droit à l'IVG dans la Constitution et il a choisi le chemin plus difficilement praticable : le projet de loi sera compris dans une révision constitutionnelle d'ensemble plutôt que par un texte spécifique. Le consensus sera de fait plus difficile à trouver entre les parlementaires selon les mesures qui accompagneront l'inscription de l'IVG dans la Constitution. Si c'est une avancée importante après les votes de l'Assemblée nationale et du Sénat, il reste encore du chemin à parcourir avant de voir ce droit gravé dans le marbre.

Nouveau vote pour inscrire l'IVG dans la Constitution

Déjà votée par le Parlement - le 24 novembre 2022 par l'Assemblée nationale et le le 1er février 2023 par le Sénat -, l'inscription de l'IVG dans la Constitution se prépare pour un nouveau parcours parlementaire. La proposition des parlementaires va devenir un projet de loi de révision constitutionnelle porté par le gouvernement et soumis au vote du Parlement, ou plutôt une mesure parmi un ensemble de propositions. "Dans les prochains mois", selon la temporalité donnée par le chef de l'Etat, un projet de loi sera soumis aux deux chambres et devra être voté à la majorité des trois cinquièmes pour être adopté.

Cette nouvelle séquence de vote ne devrait pas poser problème pour l'inscription de l'IVG à la Constitution, mais la présence d'autres mesures dans le projet de loi de révision constitutionnelle dont certaines ne feraient pas consensus - à l'instar de la réduction du nombre de parlementaire ou du retour au septennat - mettraient la constitutionnalisation de l'avortement en péril. C'est la crainte de plusieurs politiques défenseurs des droits des femmes comme la présidente du groupe LFI à l'Assemblée, Matilde Panot : "Une avancée que l'on doit à la mobilisation des associations féministes qui le réclament depuis des années. Macron souhaite le faire dans une révision constitutionnelle globale. Nous lui demandons un projet de loi spécifique sur le sujet pour qu'il aboutisse !" Et d'autres comme le député insoumis Damien Maudet d'enchérir : "Inscrire [cette mesure] dans une révision globale ne serait qu'une instrumentalisation honteuse : il concentrerait le débat sur ce sujet afin de nous faire oublier tout le reste", rapporte le Huffpost. L'Elysée se défend de ces accusations et a assuré auprès du même média que "le projet de loi constitutionnel d'ensemble [sera] élaboré dans une recherche de consensus à l'image de celui existant déjà sur la question de l'IVG."

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De "droit à l'IVG" à "liberté", que sera-t-il inscrit dans la Constitution ?

"Les avancées issues des débats parlementaires permettront je le souhaite, d'inscrire dans notre texte fondamental [la] liberté [de recourir à l'IVG, ndlr] dans le cadre du projet de loi portant révision de notre Constitution". Avec cette déclaration faite le 8 mars 2023, Emmanuel Macron a affiché sa préférence pour parler de "liberté" plutôt que de "droit à l'IVG". Le chef de l'Etat se range donc derrière le Sénat qui n'a adopté l'inscription de l'avortement dans la Constitution qu'après la modification substantielle du texte induite par l'amendement du sénateur LR Philippe Bas, un ancien collaborateur de Simone Veil.

Alors que les députés ont voté l'ajout d'un article 66-2 à la Constitution disposant que "la loi garantit l'effectivité et l'égal accès au droit à l'interruption volontaire de grossesse", les sénateurs ont préféré l'inscription de cette mention à l'article 34 du texte fondamental : "La loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse". Une formulation qui rend le droit plus acceptable selon Philippe Bas qui expliquait : "Il n'y a pas de droit absolu, il y a une liberté déjà reconnue et que nous pouvons écrire dans la Constitution, mais à la condition qu'il y ait une conciliation entre les droits de la femme enceinte de mettre fin à sa grossesse et la protection de l'enfant à naître après un certain délai".

La "liberté de recourir à l'IVG" fait-elle consensus ?

Les collectifs de gauche continuent de défendre l'inscription telle quelle du "droit à l'IVG" dans la Constitution, "condition indispensable pour sécuriser ce droit fondamental pour les années à venir", selon l'association Avortement en Europe, les femmes décident auprès du Monde. Mais, le sénateurs trouvent plusieurs avantages au terme de liberté notamment le fait qu'il laisse le champ libre à une modification de la loi Veil, comme cela avait été le cas pour l'allongement du délai pour recourir à l'avortement en avril 2020 ou pour sa prise en charge par l'Assurance maladie votée il y a quelques années. Des exemples choisis à dessein.

Malgré ces arguments, les politiques regrettent le remplacement de l'expression "droit à l'IVG" par liberté mais la sénatrice du PS Laurence Rossignol expliquait dans Le Parisien préférer retenir que "dès lors que la Constitution garantit que l'IVG est une liberté, elle est protégée". Des voix s'élèvent avec plus de sévérité sur l'amendement Bas, comme celle de la sénatrice Mélanie Vogel qui juge que le texte "n'est pas satisfaisant, car rien n'empêchera un jour le législateur de régresser sur le droit à l'IVG". Si sur la forme, la gauche trouve à redire, dans le fond, l'amendement de Philippe Bas reste une solution pour constitutionnaliser le droit à l'avortement, une situation que Mélanie Vogel résume en une question, rappelle le journal du soir : "Vaut-il mieux un pas insatisfaisant, mais un pas tout de même, ou pas de pas du tout ?"

L'entrée de l'IVG dans la Constitution soumise au référendum ?

Après le vote du Sénat sur l'adoption de l'inscription de droit à l'IVG dans la Constitution, l'organisation d'un référendum pour trancher sur cette question apparaissait inévitable. Toutes les propositions de loi qui induisent une modification du texte fondamental doivent être votées en termes identiques par les deux chambres du Parlement puis définitivement adoptées par la majorité des Français dans un référendum, selon l'article 89 de la Constitution. Mais le passage par le vote populaire peut être contourné à une condition : que le projet de loi de révision constitutionnelle soit d'origine gouvernementale, c'est-à-dire proposé par le Président de la République. Ce qui est précisément la cas pour la constitutionnalisation de l'IVG.

Le dernier mot sur l'entrée de l'IVG dans la Constitution ne reviendra pas aux Français, mais au Parlement réuni en Congrès. Le vote se fera donc par l'ensemble des parlementaires à la majorité des trois cinquièmes. Et le procédé rassure certaines politiques. Sylvie Pierre-Brossolette semble considérer dans les colonnes du Monde le recours au référendum sur la question de l'IVG comme une manœuvre risquée qui pourrait couper court aux espoirs des défenseurs des droits des femmes. Selon elle, peut importe que la mesure soit proposée seule ou dans un projet de révision d'ensemble, "l'essentiel est que ce soit assumé par le gouvernement et que ça puisse être adopté par voie parlementaire, sans passer par un référendum".