"Je ne comprends pas pourquoi il dément" : les mensonges de Bayrou sur une institution accusée de viols étonnent

"Je ne comprends pas pourquoi il dément" : les mensonges de Bayrou sur une institution accusée de viols étonnent Une enquête publiée ce mercredi 5 janvier 2025 dévoile que François Bayrou "ne pouvait pas ne pas savoir", au sujet des accusations, plaintes et témoignages pour des affaires de violences sexuelles à Notre-Dame de Bétharram.

François Bayrou était-il au courant du scandale pédophile de Notre-Dame de Bétharram, un établissement privé catholique situé dans la campagne béarnaise proche de Pau, ville dont l'actuel Premier ministre est maire depuis 2014 ? Lui, soutient toujours que non. Entre 1950 et 2010, plusieurs cas de violences physiques et sexuelles ainsi que des viols auraient été perpétrés sur des enfants âgés de 8 à 13 ans. À ce jour, 112 plaintes ont été déposées contre l'institut religieux situé dans la commune de Lestelle-Bétharram.

Ce mercredi 5 février, Mediapart publie une enquête dans laquelle le média affirme que l'ex-ministre de l'Education nationale - qui avait lui-même scolarisé plusieurs de ses six enfants dans cet établissement - ne pouvait pas ne pas savoir. Récemment, François Bayrou a été interrogé sur son niveau de connaissance concernant le scandale de Bétharram. "C'est vrai que la rumeur, il y a 25 ans, laissait entendre qu'il y avait eu des claques à l'internat. Mais de risques sexuels, je n'avais jamais entendu parler", assurait-il au Parisien en mars 2024. Une "explication mensongère", affirme Mediapart dans son enquête.

"Jamais personne ne m'a alerté sur le sujet", assure-t-il en 1966

Dès 1966, Notre-Dame-de-Bétharram connaît sa première affaire judiciaire. Un surveillant est condamné pour avoir frappé un élève. Malgré une affaire ultra médiatisée à l'époque, l'actuel locataire de Matignon indique aujourd'hui que "seule l'une" de ses filles "se souvient d'une affaire de claques données par un surveillant", dans les colonnes de La République des Pyrénées, en mars dernier. "Impossible", affirme le père du jeune garçon. "Mon fils était dans la même classe que le sien, Clixte Bayrou", rappelle-t-il. "À l'époque, j'étais furieux contre son absence de réponse", poursuit-il pour Mediapart.

"Jamais personne ne m'a alerté sur ce sujet, du moins dans mon souvenir (...) Vous imaginez bien que si quelqu'un m'avait indiqué des faits de cet ordre, jamais mes enfants n'y auraient été scolarisés", affirme-t-il dans Le Point. Pourtant, à l'époque, un mois après le dépôt de la plainte, François Bayrou alors ministre de l'Education s'était rendu sur place pour apporter son soutien à l'établissement, rappelle Sud-Ouest. Le surveillant mis en cause a finalement été condamné, donnant tort au maire de Pau.

Selon Alain Esquerre, le lanceur d'alerte ayant permis que l'affaire Bétharram soit dévoilée, c'est un "sujet tabou" pour François Bayrou. Tabou, "car pour lui, cela le touche profondément dans sa foi, ses valeurs. Il est sidéré, il n'y croit pas. Il a été plusieurs fois alerté, mais dit qu'il n'a pas vu… Ou il n'a pas voulu voir. Son déni, aujourd'hui, est inquiétant, et son attitude est intenable", explique-t-il dans une interview accordée à 20Minutes.

"Jamais je n'ai entendu parler des accusations de viol"

Bis repetita en 1998, l'ex-directeur de Notre-Dame-de-Bétharram, le père Carricart, est mis en examen, accusé d'avoir violé un enfant. Quelques semaines plus tard, après avoir été libéré de sa détention, il se suicidera. "Là encore, si François Bayrou jure qu'il ignorait tout, plusieurs témoins de l'époque le contredisent", assure Mediapart. Le média ajoute même que la femme de François Bayrou, Elisabeth, "s'était rendue aux obsèques du père Carricart". Quelques années plus tard, en 2009, la journaliste Dominique Conil révélait que "des parents avaient écrit à François Bayrou, sans obtenir de réponse, pas même cette lettre type vous enjoignant de laisser faire la justice". 

Dans cette affaire, François Bayrou est allé voir en personne le juge Christian Mirande pour lui "parler toute une après-midi", révèle Le Monde. "Je sentais qu'il ne fallait pas que je m'attarde sur ce dossier", a même déclaré le magistrat dans les colonnes de La République des Pyrénées. Encore une fois, l'actuel chef du gouvernement dément : "Je ne connaissais pas le père Carricart, si ce n'est peut-être de vue (...) jamais je n'ai entendu parler des accusations de viol", confie-t-il au Monde. Pourtant, ce n'est pas exactement le même discours que tient le juge Mirande dans l'enquête de Mediapart : "Je ne comprends pas pourquoi il dément aujourd'hui. On se connaît, on a même été voisins (...) Notre rencontre de l'époque, c'était spécifiquement sur ce dossier", affirme-t-il. Alors que trois autres témoignages visent aujourd'hui le père Carricart, François Bayrou n'a pas bougé d'un iota quant à sa position.

Aujourd'hui, plusieurs violences sexuelles ont été reconnues par l'Eglise catholiques dans l'enceinte de Bétharram. Une des victimes, Jean-Marie Delbos a même été indemnisée en 2023 par la Commission reconnaissance et répartition (CRR) pour des viols subis dans les années 1950. "En 1957 est arrivé un jeune prêtre qui, la nuit, profitait qu'on soit endormis. Il était soutane ouverte, il venait sous les draps, masturber et faire une fellation. Comme on était terrorisés, on ne bougeait pas", expliquait-il auprès de France Bleu en 2024. Malgré tout, le déni du Premier ministre persiste sur ces différentes affaires.