Malgré la loi sur la fin de vie, ces personnes gravement malades n'auront pas droit à l'aide à mourir
Le débat sur la fin de vie est de retour à l'Assemblée nationale à compter du lundi 12 mai. Débattue depuis 2022, la mise en place d'une aide à mourir dans le système de santé français a été défendue par le Comité consultatif national d'éthique, puis par la Convention citoyenne sur la fin de vie avant d'être également approuvée par la majorité des députés en commission en avril 2025. Mais si des feux verts ont été donnés, c'est à condition que le droit à l'aide à mourir soit strictement encadré et accessible en fonction de plusieurs critères. "Ce n'est pas une légalisation de l'euthanasie", a insisté la ministre de la Santé, des Solidarités et des Familles, Catherine Vautrin, auprès du Parisien.
Le texte, inspiré du projet de loi du gouvernement examiné au printemps 2024 et porté parle député du MoDem Olivier Falorni, prévoit d'ouvrir l'accès à l'aide à mourir uniquement aux patients atteints d'affections graves et incurables en phase avancée ou terminale. Un dernier critère jugé initialement trop flou et depuis défini par la Haute Autorité de la santé (HAS) comme "l'entrée dans un processus irréversible marqué par l'aggravation de l'état de santé qui affecte la qualité de vie", a précisé Catherine Vautrin avant le retour de la proposition de loi à l'Assemblée. Un amendement ajoutant cette précision dans le texte doit être déposé. Ces patients ne deviennent toutefois éligibles que s'ils présentent des souffrances réfractaires, impossibles à soulager par des soins palliatifs, ou insupportables.
Certaines souffrances non prises en compte pour l'aide à mourir
Toutes ces conditions d'ordre médical rendent l'aide à mourir inaccessible aux personnes en souffrance, mais physiquement en bonne santé. Le dispositif de l'aide à mourir, tel qu'il est pensé dans l'actuelle proposition de loi, ne prend pas en compte la question du grand âge et des personnes qui éprouvent "une fatigue d'existence" comme expliqué par le professeur émérite en éthique médicale, Emmanuel Hirsch, sur France Info. Les effets de la vieillesse sur le corps, surtout quand ils sont importants et entraînent des pertes d'autonomie pour se déplacer ou simplement s'occuper de soi à un âge avancé peuvent pousser des individus à envisager la mort. Selon Emmanuel Hirsch, sur les 9 200 suicides recensés en 2022, 30% concernaient des personnes d'un grand âge. Mais ces personnes ne peuvent pas prétendre à une aide à mourir ou ne serait-ce à un accompagnement légal dans la mort.
Les souffrances psychologiques, liées à l'âge ou non, ne sont pas autant considérées que les souffrances physiques et ne permettent pas, à elles seules, d'accéder à l'aider à mourir. Ces cas ne sont pas évoqués dans le projet de loi, mais ils font débat et devraient être envisagés et étudiés selon Emmanuel Hirsch : "On est face à un vide [...] vis-à-vis de quelqu'un qui donne le sentiment de souffrir et de souffrir psychologiquement, de ne plus avoir sa place dans la société ou d'être allé au bout de sa vie".
L'aide à mourir refusée à certains patients en phase terminale
Si être gravement malade et en fin de vie sont les principaux critères pour prétendre à l'aide à mourir, cela ne serait pas toujours suffisant selon l'actuelle mouture de la proposition de loi. D'autres critères s'ajoutent à celui d'être atteint de maux incurables et de souffrances réfractaires : il faut être majeur, de nationalité française ou résider de manière régulière en France et être capable de manifester la volonté de mourir de façon libre et éclairée.
Des précisions qui excluent d'office tous les mineurs atteints de maladies graves et incurables, même s'ils souffrent autant ou davantage que des adultes dans des situations similaires. Une condition qui interroge, mais qu'il est "raisonnable de garder" selon les déclarations de la ministre de la Santé au Parisien. Ces conditions excluent également les patients qui, du fait de leur affection ou non, ne sont plus en mesure de s'exprimer, même si ces derniers ont laissé des directives anticipées quant au recours à l'aide à mourir. Un amendement de l'élue Danielle Simmonet demandant la prise en compte des directives anticipées a été rejeté en commission parlementaire.
La proposition de loi concernant la fin de vie et l'aide à mourir n'est pas gravée dans le marbre et peut encore évoluer avant d'être soumise au vote à l'Assemblée nationale. Des amendements concernant les conditions d'accès à l'aide à mourir risquent d'être déposés par les députés souhaitant aller plus loin et ceux, opposés au texte, souhaitant limiter l'aide à mourir au maximum. Tous appellent cependant à des règles bien définies, mais "il est difficile d'établir des règles très claires" fait remarquer Emmanuel Hirsch qui s'appuient sur les législations étrangères : "La plupart des pays qui nous ont précédés ont aujourd'hui des critères qui sont extrêmement flous et ils s'adaptent à une demande sociétale".