Rares sont les migrants de Lampedusa qui devraient être accueillis en France selon Darmanin

Rares sont les migrants de Lampedusa qui devraient être accueillis en France selon Darmanin Parmi les milliers de migrants de Lampedusa, seuls les demandeurs d'asiles seront admis sur le territoire français. Mais selon le ministre Gérald Darmanin, la majorité des réfugiés de Lampedusa ne peut pas prétendre à l'asile.

"Ils n'auront pas l'asile en Europe". Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin n'en démord pas et martèle sur le plateau de BFMTV ce jeudi 21 septembre, soit une dizaine de jours après l'arrivée de milliers de migrants à Lampedusa, que ces personnes ne seront pas accueillies en France. Il ouvre toutefois une brèche et indique que les "les réfugiés politiques, c'est-à-dire les gens qui sont persécutés" pourront trouver asile dans l'Hexagone.

Mais pour "l'essentiel" des migrants qui ont débarqués sur l'île italienne, les profils ne correspondent pas aux critères des demandeurs d'asile selon le ministre. D'après lui, les réfugiés arrivent du Cameroun, du Sénégal ou de la Tunisie, donc de pays "où il n'y a pas de dictatures, de persécutions ni politiques ni religieuses". Et Gérald Darmanin de continuer sa description des migrants comme "des personnes qui sont irrégulières, qui, pour des raisons économiques - que nous comprenons très bien, nous ne leur jetons pas la pierre -, détournent la façon dont on doit arriver en Europe".

Reste que majorité ne veut pas dire totalité et que des demandeurs d'asile peuvent se trouver parmi ces migrants. Dans ce cas, la France prendra sa "part du fardeau" a concédé le ministre. Si le gouvernement français refuse d'ouvrir ses frontières aux migrants de Lampedusa, il assure apporter son aide à l'Italie pour "reconduire ces personnes dans les pays avec lesquels nous avons de bonnes relations diplomatiques", car sur ce point l'homme insiste : "Si les personnes n'ont pas l'asile, elles doivent être renvoyées immédiatement". Reste que l'évaluation de la situation de chacun de ces plus de 10 000 migrants pourrait être longue, malgré la règle européenne qui règle européenne prévoit un enregistrement des migrants dès leur arrivée aux frontières de l'Union européenne et l'évaluation de leur asile sous 15 jours.

La droite et l'extrême droite se font entendre

Après l'arrivée de plus de 10 000 migrants à Lampedusa, faut-il craindre une "vague submersive colossale" à la frontière française ? C'est terme employé par Marine Le Pen et l'extrême droite. Et le scénario est déjà en train de se produire selon le président des Alpes-Maritimes, Charles-Ange Ginesy (LR). Dans le département frontalier de l'Italie "les choses montent en puissance" selon le Républicain, invité de BFMTV mardi 19 septembre, et la récente vague migratoire à Lampedusa ne va pas arranger la situation. "Nous en sommes aujourd'hui à un chiffre en augmentation de 53% par rapport à l'année dernière", a-t-il encore ajouté.

Cette augmentation justifierait la fermeté affichée du ministre de l'Intérieur face à l'accueil des réfugiés. Gérald Darmanin l'avait déjà affirmé lors de son passage à Rome le 18 septembre : la France n'accueillera pas un seul des migrants arrivés à Lampedusa, à l'exception d'éventuels demandeurs d'asile "qui sont éligibles [car] persécutés pour des raisons politiques". Une décision qui permet au ministre d'apporter son aide à Rome sans trop ouvrir les frontières.

Conformément aux craintes du ministre et du président du département, le préfet des Alpes-Maritimes a indiqué lundi soir lors d'une conférence de presse que la ville de Menton, frontalière de l'Italie n'allait pas réquisitionner de terrain pour installer un camp de migrants. En revanche, des installations doivent être aménagées près des locaux de la police aux frontières pour faire face aux nombres grandissant de réfugiés qui se présentent et placer les "personnes interpellées dans un environnement matériel qui soit plus adapté".

Aucun accueil de migrants à la frontière française

Le ministre de l'Intérieur a renforcé la présence des forces de l'ordre sur le secteur de Menton, dans les Alpes-Maritimes, frontalier de l'Italie. Sur place, plus de 200 personnes souhaitant entrer en France sont quotidiennement repoussées à la frontière. Au moins 250 policiers et gendarmes équipés de drones et 120 militaires sont mobilisés. 

Toujours dans l'optique de renforcer la police aux frontières (PAF) à Menton, le préfet des Alpes-Maritimes a indiqué dans la soirée du 18 septembre que des installations temporaires comme des algecos ou des tentes seront mises en place pour étendre les locaux de la PAF et permettre de répondre au nombre grandissant d'interpellations de migrants. Entre 150 et 200 personnes pourront être interpellées et placées en lieu sûr grâce à ces installations supplémentaires. Si la protection civile a bien été contactée par les autorités pour accompagner la PAF, "il n'est pas question de créer un camp de migrants, c'est seulement pour pouvoir être plus opérationnels dans le cadre des procédures de non-admission des personnes interpellées et pouvoir les remettre aux autorités italiennes dans les meilleurs délais", a fait savoir le préfet.

Le président des Alpes-Maritimes n'est pas non plus d'avis d'accueillir les migrants dans son département qui a vu arriver 5 000 enfants en 2022, soit "plus du tiers de l'immigration nationale". Il demande à ce qu'un centre d'admission et d'orientation des mineurs soit créé pour que les enfants réfugiés soient répartis à l'échelle nationale. Il exige surtout que l'Europe et ses États membres gèrent la crise migratoire et ne laissent pas un "département à lui seul, confronté a cette vague qui ne peut être maîtrisée".

Comment se déroule l'accueil de cet afflux massif de migrants ?

Ils seraient 8 500 selon la Croix-Rouge italienne, 11 000 d'après le gouvernement italien. Le centre d'accueil de l'île, connue comme la première porte d'entrée en Europe, ne dispose que de 400 places et a été débordé par l'afflux de personnes. Encore 1 300 migrants se trouvaient sur l'île de Lampedusa dans la matinée du lundi 18 septembre, selon l'agence de presse Ansa. Les milliers d'autres ont été conduits, et à nouveau entassés par centaines, dans des centres d'accueil en Sicile comme à Porto Empedocle.

Mais ces transferts entre îles italiennes ne sont pas une solution sur le long terme et le gouvernement souhaite qu'une partie des migrants soit accueillie dans d'autres pays européens. Du côté de l'Europe, l'aide apportée est pour l'heure surtout financière : 14 millions d'euros ont ont été transférés selon une porte-parole de la Commission européenne. Ces moyens permettent de fournir une assistance humanitaire aux migrants, cela comprend la fourniture d'eau, de nourriture, de soins médicaux ou encore de vêtements.

Des réponses contradictoires de l'UE

Si la Commission européenne a appelé chaque État membre à se mobiliser pour soutenir l'Italie face à l'arrivée de milliers de migrants la mobilisation des membres de l'UE se fait attendre. La France joue l'ambivalence et dit vouloir aider sans accueillir d'autres migrants que les demandeurs d'asile, mais en voulant "renforcer fortement la prévention des départs de migrants et la lutte contre les passeurs". L'Allemagne, elle, s'est ouvertement opposée à l'accueil des migrants de Lampedusa et a prévenu ne revenir sur sa décision que "si l'Italie remplit son obligation de reprendre les réfugiés conformément aux règles de Dublin", selon un porte-parole du gouvernement auprès de l'AFP.

Pourtant, la cheffe de la Commission européenne Ursula Von der Leyen a présenté un plan d'urgence en 10 étapes pour répondre à cette arrivée massive de migrants et prévenir les prochaines. Ce plan prévoit un renforcement de l'assistance de l'Agence de l'Union européenne pour l'asile et de l'agence de garde-côtes et de gardes-frontières de l'UE, Frontex, portée à l'Italie, pour accueillir les migrants et surveiller leurs arrivées en mer, mais aussi une facilité de transferts des migrants vers d'autres pays européens. Encore faut-il que ceux-là coopèrent. Le plan d'urgence proposé par l'UE mise aussi sur plus de fermeté et l'augmentation du nombre de retour dans les pays d'origine pour les migrants qui ne remplissent pas les conditions d'asile.

Pourquoi une telle hausse des arrivées de migrants à Lampedusa ?

Le passage de la tempête Daniel en Méditerranée pourrait expliquer cette hausse soudaine d'arrivée à Lampedusa. Les traversées de migrants depuis l'Afrique du Nord vers l'Europe partent en majorité de Libye et de Tunisien. Les réseaux de passeurs dans ces deux pays ont été suspendus temporairement face aux conditions climatiques meurtrières. Après le départ de la tempête vers les côtes israéliennes, les routes migratoires ont été de nouveau accessibles et l'arrivée de 6 000 migrants pourrait être un effet de rattrapage de ces départs retardés.

La Méditerranée centrale est la route migratoire maritime la plus mortelle au monde depuis 2014, selon SOS Méditerranée. Les dernières 24 heures à Lampedusa n'ont pas échappé à ce triste bilan puisqu'une enfant de cinq mois est décédée après une chute dans l'eau, selon Filippo Mannino, maire de cette île italienne.