Provocateur et chaotique, ce film présenté à Cannes nous a fait fortement réagir
Pour les cinéphiles, le Festival de Cannes est le temple de la découverte. On peut y voir de tout, de la comédie au drame, du blockbuster hollywoodien rempli d'adrénaline avec Tom Cruise (Mission Impossible : The Final Reckoning) au documentaire sur une photographe palestinienne (Put Your Soul on Your Hand and Walk). Autant dire que, souvent, le public peut avoir des surprises, et que bon nombre de propositions cinématographiques divisent.
C'est le cas d'Eddington, néo-western d'Ari Aster (Midsommar, Hérédité, Beau is Afraid) en compétition pour la Palme d'or. En pleine pandémie liée au coronavirus, on y suit un shérif (Joaquin Phoenix), dont l'affrontement avec le maire (Pedro Pascal) va venir exacerber les tensions déjà palpables de la communauté d'une ville au Nouveau-Mexique. Le long-métrage a divisé la presse internationale (60% d'avis positifs sur Rotten Tomatoes), mais globalement séduit les médias français. On peut vous affirmer que le film nous a beaucoup fait réagir et réfléchir.

"Tout est chaos", chantait Mylène Farmer, et ces paroles iconiques pourraient résumer Eddington en trois mots. Devant la caméra d'Ari Aster, l'Amérique est malade, elle ne s'écoute plus et ne cherche plus à se comprendre. La violence et la folie sont la seule issue. Résultat, le film est bordélique, chaotique, hystérique et provocateur, souvent pour le meilleur, parfois pour le pire.
Cette satire chaotique moque tous ses personnages : le maire progressiste mais hypocrite, le policier pétri de bêtise, sa belle-mère qui s'abreuve aux fakes news et aux théories complotistes, le gourou d'une secte, des jeunes anti-racistes perdus entre la conscience de leurs propres privilèges et les idéaux d'égalité et de justice qu'ils défendent.
Eddington fait (trop) monter la sauce et tire parfois sur la longueur en première partie, pour exploser dans un spectacle de violence jouissif dans sa seconde partie. Si l'excellent Joaquin Phoenix est de tous les plans, on regrette que des acteurs aussi talentueux que Pedro Pascal, Emma Stone ou Austin Butler soient tous relégués au second, voire au troisième plan.
La qualité d'Eddington (cette réflexion intense et explosive sur le chaos de la société américaine) est également son défaut : tout est dans l'excès, il tape sur tout et sur tout le monde, c'est grotesque, spectaculaire, tout et trop à la fois. Le résultat se révèle par moment confus, et il faut laisser le temps au film d'infuser, y réfléchir quelques heures, pour en apprécier son intensité. La preuve, peut-être, que l'on a vu l'un des films les plus marquants de cette 78e édition. À voir désormais si le jury présidé par Juliette Binoche partage ce point de vue.