"Nous avons tous vécu les mêmes atrocités" : une grève historique frappe l'industrie française du jeu vidéo
C'est la première fois que l'industrie française du jeu vidéo instaure une grève nationale. Ce jeudi 13 février 2025, date à laquelle se révolte le secteur vidéoludique tricolore, en dit long sur les conditions de travail des développeurs. Le Syndicat des Travailleurs du Jeu Vidéo (STJV), qui a initié le mouvement, a appelé tous les acteurs à manifester pour faire entendre leurs droits.
Neuf grandes villes de France, à savoir Paris, Lille, Bordeaux, Rennes, Nantes, Angoulême, Annecy, Montpellier et Lyon, sont appelées à organiser des rassemblements. Au programme, de nombreuses revendications seront prononcées, en particulier "Le maintien des emplois, l'annulation des licenciements et la responsabilisation des décisionnaires qui doivent se sacrifier en priorité quand leur entreprise est en difficulté", précise le compte du STJV sur X, ajoutant dans un autre post : "Nous avons tous vécu les mêmes atrocités dans notre industrie".

Un secteur depuis longtemps en crise
Les manifestations de ce jeudi 13 février comptent bien éclairer le malaise grandissant dans le secteur du jeu vidéo. Un malaise qui ne date pas d'hier, comme l'illustre parfaitement le célèbre studio français Ubisoft, à l'origine de nombreuses licences comme Far Cry, Assassin's Creed ou encore Just Dance. De nombreux déboires ont ponctué l'année 2024, l'entreprise ayant fermé plusieurs studios, licenciés quelques centaines d'employés, mis fin à un de ses jeux et subi plusieurs jours de grève. Des déboires si rapprochés que les joueurs étaient nombreux à se demander si Ubisoft ne mettrait finalement pas la clé sous la porte.
Si Ubisoft est l'un des studios français du jeu vidéo les plus médiatisés, la colère s'est répandue chez l'ensemble des 15 000 employés au sein de l'hexagone. Une indignation qui s'explique par les licenciements de masse, les conditions de travail désastreuses ainsi que le manque de transparence sur le fonctionnement et les finances des entreprises. Le STJV a dernièrement livré de nombreux témoignages anonymes, qui illustrent la toxicité et les problèmes de sexisme au sein même des équipes.

"Nos salaires ne sont pas du tout à la hauteur des moyennes françaises", assure Vincent Cambedouzou, délégué syndical STJV chez Ubisoft Paris, au micro de Radio France. "La moyenne d'âge des gens qui travaillent dans le jeu vidéo n'augmente pas. Tout le monde s'en va au bout de quelques années, un peu blasé, désenchanté d'avoir pensé pouvoir faire un beau métier, et partir en se disant : finalement, ce qu'on a fait n'était vraiment pas terrible, n'a pas plu aux joueurs, et je les comprends". En 2024, ce sont 15 000 licenciements qui ont secoué les industries du jeu vidéo dans le monde : un record.
Le jeu vidéo, le secteur de la désillusion
Pourtant, il y a quelques années, les industries vidéoludiques profitaient encore d'un soleil très radieux. Grâce aux années COVID-19, qui ont retranché les populations chez eux, les ventes de jeu vidéo étaient au beau fixe. Avec une croissance de 11,3% par rapport à 2019, 2020 a permis de réaliser un chiffre d'affaires record de 5,3 milliards d'euros, d'après les statistiques du Syndicat des Éditeurs de Logiciels de Loisirs (SELL).
Après les records dus aux confinements, les années post-COVID se sont présentées comme une véritable désillusion. Depuis près de deux ans, les studios connaissent une période de reflux, secouée par des licenciements et des grèves. Le chiffre d'affaires, en peine, explique la crise profonde qui s'est emparée de l'industrie du jeu vidéo. Entre salaires trop bas, ambiance délétère, emplois du temps surchargés et pression intense, la grève nationale du 13 février est une "première, et c'est sans précédent historiquement dans notre industrie", d'après Vincent Cambedouzou, qui espère bien changer la donne.