Mathieu Hussenot : "Je souhaite montrer le parcours humain derrière l'emblématique Quête de l'oiseau du temps"

Mathieu Hussenot : "Je souhaite montrer le parcours humain derrière l'emblématique Quête de l'oiseau du temps" Tous les amateurs du 9e art connaissent la saga d'heroic fantasy qui a révélé Serge Le Tendre et Régis Loisel. L'engouement pour ce classique de la BD franco-belge ne faiblissant pas depuis quarante ans, le réalisateur Mathieu Hussenot propose une série documentaire pour entrer dans la tête des créateurs des aventures de Bragon et Pelisse.

Parfois, le hasard prend des allures de destin. Rien ne semblait prédestiner Mathieu Hussenot à réaliser une série documentaire sur la BD culte La Quête de l'oiseau du temps. Certes, il aime la série, mais il n'est pas si proche du monde de la bande dessinée. Pourtant, l'année du quarantenaire de la série, il propose un financement participatif pour pénétrer la psyché de Régis Loisel et Serge Le Tendre, alors qu'ils s'apprêtent à mettre un point final à la saga qui a bercé les lecteurs du monde. Une manière idéale de dire au revoir à Bragon, à Pelisse, au Fourreux et au reste des personnages imaginés par le talentueux duo. Comment et pourquoi ce projet est né? Découvrez les réponses du vidéaste.

Linternaute.com : Comment est né ce projet ?

Mathieu Hussenot : C'est vraiment un hasard complet. Il se trouve qu'en emménageant en Touraine, à Amboise, mes voisins se sont avérés être les Loisel. On s'est croisé, rencontré et très vite lié d'amitié. Il faut savoir que je suis un néophyte complet en ce qui concerne l'envers du décor du monde de la bande dessinée. Dans l'atelier de Régis, tout m'émerveille, m'interpelle. Je lui ai posé plein de questions auxquelles il a répondu avec bienveillance et gentillesse. Il me semblait presque injuste de garder ces précieux moments juste pour moi. Alors j'ai demandé à Régis s'il acceptait que je réalise des captations vidéo de nos échanges et il a accepté. C'était la première étape de ce projet.

© Mathieu Hussenot

Et ensuite ?

J'ai emmagasiné plein de séquences, mais sans forcément de plan ou de projet. En ce moment, Régis travaille sur les derniers albums du second cycle "Avant la Quête", mais si l'on souhaite que le projet s'étende jusqu'à la sortie de l'ultime album, celui du 3e cycle "Après la Quête", alors il faut absolument que je structure l'ensemble. On est sur un projet qui va s'étendre sur au moins trois ans.

Qui dit un tel investissement en temps implique un budget...

Tout à fait. J'ai été voir les équipes éditoriales de Dargaud. Le concept les a emballés mais leurs dernières coproductions de documentaire BD ont été des semi-échecs, alors ils ne sont plus très partants pour investir en tant que coproducteurs. Par contre ils accompagnent avec un budget marketing, y compris des dotations en albums.

© Mathieu Hussenot

Pourquoi la plateforme Proarti et non pas Ulule ou Kiss Kiss Bank Bank ?

Car je suis réalisateur. J'ai déjà réalisé plusieurs projets sur Proarti en tant que structure de prod et il me semblait plus efficace de repartir de cette base. Même si, en effet, les autres plateformes sont plus familières auprès des fans de BD. Pour être totalement transparent, je vais réaliser ces documentaires à perte, je ne vais pas gagner d'argent. Je m'enrichis culturellement. Pour la bonne réussite du projet, nous visons une collecte de 7 500€.

Qu'allez-vous mettre dans ces documentaires ?

J'ai envie de répondre "tout". On a l'envie d'être le plus exhaustif possible. Nous tablons sur deux documentaires par an. Dans le premier épisode, le focus sera sur Serge, Régis et Vincent Mallié. Parler d'eux, de comment finir un avant cycle de manière cohérente. Ils travaillent sur cet album depuis mi-2021, et aujourd'hui Vincent Mallié a dessiné un peu plus de la moitié des planches. On aborde la notion d'héritage artistique, comment un dessinateur s'approprie, vit avec une saga que l'on lui confie.

© Mathieu Hussenot

Nous abordons aussi la genèse de cette saga, de la première apparition dans un fanzine, puis un second fanzine avec une version noir & blanc corrigée. Comment on traite une histoire pour magazine versus une histoire en album. Comment Régis et Serge se sont construits à l'époque, leurs aventures dans un atelier partagé avec de nombreux artistes, comment chacun enrichissait l'autre. Cette aventure humaine trouvera écho chez tout le monde. On reviendra un peu aussi sur leurs inspirations, leurs influences. Le premier épisode, d'une durée de 20 minutes, est terminé et monté. Et dans les prochains épisodes, faire intervenir les éditeurs, des fans, d'autres dessinateurs contemporains ou des générations qui ont grandi en lisant la Quête. Et bien sûr leurs familles respectives.

Un projet de diffusion télévisée est-il possible ?

Pour l'instant, la destination de ces documentaires n'est que sur internet. Si, à partir de ces épisodes, ça pique la curiosité des producteurs télé, on est ouvert à un format adapté. Un 52 minutes ou autre.

© Mathieu Hussenot

Comment avez-vous choisi les contreparties ?

L'idée était d'attirer avant tout les fans de Loisel, sans monter trop haut dans les prix. On ne voulait pas permettre aux gens des commissions, de grands dessins dédicacés de Régis, cela n'aurait pas été abordable et, surtout, on voulait éviter les revendeurs. Il faut savoir que ces personnes, les gens qui vont chercher des dédicaces pour les revendre, sont la principale cause du refus de dédicace de nombreux auteurs. Nous nous sommes mis d'accord sur un petit dessin, pas un tampon, de Régis au sein des albums. Nous avons aussi mis en place des sérigraphies signées. Nous ne pouvions pas proposer une contrepartie unique comme une planche, il ne reste à Régis plus qu'une cinquantaine de planches du premier cycle, sur plus de deux cents. La majorité, il les a échangées avec d'autres auteurs. Sa collection est impressionnante, il y a des dessins partout dans son atelier.

Quelle a été votre plus grosse surprise sur ce projet ?

La rencontre humaine, avant même que ce projet ne naisse. Aujourd'hui, je suis heureux de compter Régis parmi mes amis.

Retrouvez le financement participatif en cliquant ici.