Bernard Quiriny (écrivain) "Un roman historique détourné, une fable politique"

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Bernard Quiriny © Jeremy Stigter / Seuil

Vous imaginez cependant comme point de départ de ce roman un totalitarisme complètement extravagant. On peut penser que le fantastique est, plus qu'une inspiration, le moteur de votre écriture. Ecrire sur le réel ne vous intéresse pas ?

J'ai une définition assez restrictive du fantastique. Je ne crois pas que ce roman soit fantastique, c'est plutôt un livre humoristique, une fable politique. Et puis finalement ce n'est pas si absurde que ça. J'aime revenir à cette comparaison : entre une révolution féministe en Belgique en 1970 et les Kmers rouges qui en 1975 décident, en une seule nuit, de vider Phnom Penh de ses habitants, de transférer tout le monde à la campagne parce qu'il faut rééduquer le peuple, franchement, sur la balance de l'absurde, je ne sais pas ce qui est le plus délirant.

Ce n'est pas un roman réaliste bien sûr, mais le matériau de départ, c'est en quelque sorte l'histoire du XXe siècle, même ramenée à quelque chose de burlesque. On n'est pas dans le fantastique mais plutôt dans le roman historique détourné.    

Beaucoup d'auteurs manifestent l'ambition d'écrire sur la vraie vie et d'être les témoins de leur époque. Une démarche qui ne semble pas vous attirer...

C'est vrai. Je n'exclue pas de le faire. Mais il faut faire la part des choses et savoir de quoi on parle. Il y a de grandes œuvres comme par exemple celle de François Taillandier, "La Grande Intrigue", 40 ans d'histoire racontée avec distance critique. On peut être ou non d'accord avec lui, mais il parle de la réalité et s'attaque à son époque. C'est captivant et la démarche me plaît.
Et puis on peut aussi écrire sur le réel et puis en fait parler de soi... Là pour le coup ça n'a aucun intérêt.  

Votre style est très fluide et agréablement rythmé. Comment procédez-vous pour écrire et poser vos idées sur le papier ?

C'est une question intéressante, moi aussi j'adore savoir comment ça se passe pour les autres, parce qu'il y a vraiment plusieurs écoles. Jusqu'à présent, j'écris tout à la "v'là comme je te pousse", il y a donc plein d'incorrections et de maladresses et ensuite je corrige tout. Le plus dur étant la première étape : cracher le texte.