Bernard Quiriny (écrivain) "Les sujets du livre m'ont toujours passionné."

Après deux recueils de nouvelles qui vous ont fait connaître, vous écrivez votre premier roman. Pourquoi changer maintenant de genre littéraire ?

Ce n'est pas vraiment un choix. Le genre s'impose à nous lorsqu'on sait quel type d'histoire on veut raconter. Mes nouvelles étaient pour l'essentiel des nouvelles fantastiques. Et le fantastique – entendu comme l'évolution d'un personnage confronté à un phénomène invraisemblable – suppose presque obligatoirement un texte très court.

Là, il s'agit de tout autre chose. Imaginer une faux régime totalitaire et un voyage d'intellectuels dans cette dictature, ça ne pouvait pas tenir sur 20 pages. C'est vraiment le fond qui a déterminé la forme.

Cela signifie que vous aviez l'idée du roman bien présente à l'esprit avant même son écriture...

Ça fait un petit moment que je pense à ce livre, oui, quelques années en fait, avant la rédaction de plusieurs nouvelles. Je n'aurais pas été tranquille si que je ne l'avais pas écrit, il fallait que je le fasse. Voilà, c'est fait, c'est derrière moi.


 'les assoiffées' aux éditions du seuil
 "Les assoiffées" aux éditions du Seuil © Seuil

Pourquoi ce roman précisément ?

Les sujets du livre m'ont toujours passionné. Le premier étant ce qui est sans doute l'invention du XXe siècle, le totalitarisme. C'est ce qui résume pour moi le XXe siècle. Et le second sujet, qui lui est directement lié, c'est l'attitude qu'ont eu les intellectuels, notamment les intellectuels français, à l'égard des totalitarismes. Attitudes curieuses, parfois incompréhensibles.  

Cela aurait pu donné un voyage d'intellectuels en URSS sous Staline, comme il y a en eu des dizaines. Mais cela aurait donné un roman historique, ce qui n'est pas vraiment mon truc, et qui laissait peu de place à l'imagination. Et puis sur ce terrain il y a des Soljenitsyne ou des Varlam Chalamov, des chefs-d'œuvre indépassables. Du coup, ça prenait plus de sens si je rejouais cela sous forme d'une farce, parler de l'URSS sans en parler, parler de Chine sans en parler... J'ai tout transformé d'une manière un peu absurde ; au lieu de parler de ces immenses espaces totalitaires, situés on ne sait trop où, ne sachant pas vraiment ce qui s'y passe, j'en ai imaginé un tout petit, situé juste à côté de chez nous, et au lieu que ce soit le communisme qui règne, c'est le féminisme.