Pierre-André Fautrier (Photographe) "La Nouvelle-Zélande est un équilibre parfait entre tous les éléments naturels"

Pierre-André Fautrier et son épouse Valérie ont effectué ce voyage en avril 2008. Passionnés par le caractère unique des paysages néo-zélandais, ils souhaitaient "mettre en boîte" les émotions ressenties lors de leur expédition...

L'Internaute Magazine Quand et à quelle occasion avez-vous effectué ce voyage en Nouvelle-Zélande ?

Pierre-André Fautrier "Nous avons fait notre 1er voyage en Nouvelle-Zélande en avril 2008. A cette époque, c'est l'été là-bas et j'avais été conquis par différents témoignages de mon entourage ; on trouvait en Nouvelle-Zélande beaucoup de paysages à l'état sauvage très similaires à la France mais avec beaucoup moins d'habitants (4 millions seulement). Avant de partir si loin, on avait voulu se renseigner par le biais de beaux livres photo. Nous n'en avons trouvé aucun qui montrait l'étendue des paysages. Je me suis donc mis en tête de rapporter suffisamment d'images pour tenter de convaincre un éditeur de publier un livre photo sur la Nouvelle-Zélande.

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Lac Ruataniwha, Nouvelle-Zélande. © Pierre-André Fautrier

Pourquoi avoir privilégié le thème de la nature ?

Pour moi, c'est ce qui représente le mieux la beauté. Selon moi, la nature représente la perfection à laquelle l'humain aspire. Et vraiment, j'ai envie de montrer ce qui est beau ! Je n'aime pas la provocation, le voyeurisme choquant. Disons plutôt que j'en vois suffisamment autour de moi au quotidien pour ne pas avoir envie de le partager davantage, pour ne pas avoir envie d'en rajouter une couche. Même si je respecte le témoignage des photos-reporters, je ne veux pas montrer la même chose. Je suis un contemplatif et j'aime partager cette philosophie. Il n'y a pas que l'humain sur terre et je trouve qu'on a tendance à l'oublier. Nous faisons partie d'un tout et en dehors de nous, j'aime bien savoir ce qui existe et comment ça fonctionne. Loin d'une utopie ou d'une idée soudainement, subitement devenue à la mode, j'aime la nature par ce qu'elle m'apporte : le bien-être et le rêve. J'aime constater que l'humain a besoin de rêver en s'évadant du quotidien, et surtout, surtout, qu'on a besoin de prendre le temps de faire les choses. C'est une question de bien-être, de bien vivre. Mais ce que j'aime par-dessus tout, c'est l'eau. C'est tellement beau l'eau. C'est tellement délicat et tellement brutal à la fois. Le sujet est si riche que je pourrais en parler des heures.

Qu'est-ce qui vous a le plus marqué dans ce domaine ?

Peut-être la quantité incroyable de paysages différents que l'on peut trouver sur un territoire à peine plus petit que la France. Tous les 50 km, on change d'univers. Des plaines, des montagnes, des falaises, des plages, des volcans, des forêts vierges, des forêts de tous types d'essences d'arbres, des pâturages à perte de vue, des marécages, des rochers calcaires, granitiques, schistiques, des sites géothermiques, des geysers, des fjords, des glaciers...

Quels phénomènes géologiques avez-vous pu admirer ?

Un témoignage très étonnant d'érosion au bord de la mer de Tasman nous montre des rochers ressemblant à des mille-feuilles mais surtout, ce qui nous a le plus fasciné, ce sont les boulders sur la plage de Moeraki. Nous y avons passé 3 jours sur place. Pourquoi ? Difficile à dire. On s'est senti envahi par un sentiment de bien-être total. L'énergie qui règne sur cette plage est fabuleuse, elle nous pénètre littéralement. La plage est immensément longue mais sur à peu près 200 mètres, se trouvent des sortes de rochers sphériques d'environ 2 mètres de diamètre pour les plus gros. Ces rochers sont en fait de petits coquillages qui se sont calcifiés sous le poids des sédiments, à l'image des grains de sable dans les huîtres qui forment avec le temps des perles. Là, durant des millions d'années, ces coquillages qui ont calcifiés ont formé des boules quasi parfaites. Aujourd'hui encore, ces boules continuent de grossir (celles qui sont encore enfouies sous le sable). Personne ne sait pourquoi ce phénomène n'existe que sur 200 mètres de plage et nulle part ailleurs au monde. C'est vraiment très troublant. Sinon évidemment, les geysers sont toujours très spectaculaires, comme en Islande (berceau des geysers à Geysir).

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Fougère arborescente, Nouvelle-Zélande. © Pierre-André Fautrier

Quelles sont pour vous les éléments qui font de la Nouvelle-Zélande un territoire unique ?

C'est un tout, une sorte d'équilibre parfait entre toutes sortes d'éléments. Le climat tempéré est idéal pour le bien-être de l'homme. Ensuite, la variété des végétaux, les arbres fruitiers, les animaux qui ont été importés par les Maoris et les Anglais et également les terres agricoles toutes neuves. Elles sont riches et l'engrais inutile, tout pousse tout seul. Mais surtout, le plus important, c'est l'eau. L'eau est abondante en Nouvelle-Zélande mais depuis quelques années, les Néo-zélandais vivent de plein fouet les perturbations climatiques et en l'espace de 3 ans, on a pu constater un assèchement conséquent de la plupart des rivières de l'île du Sud. Durant quelques mois, les cascades qui font la renommée de la Nouvelle-Zélande se retrouvent presque à sec depuis 2 ans.

Quel végétal vous a le plus impressionné ?

Pour moi, c'est la fougère arborescente. Ce n'est peut-être pas pour rien que les Maoris en ont fait leur emblème. Pour eux, la fougère représente la puissance, l'harmonie, la fertilité. Ils ont décliné la crosse de fougère qui nous montre sa croissance, en une multitude de symboles que l'on retrouve sur des bijoux en nacre, en jade ou en os et sur des tatouages. C'est d'une douceur... fondante.

Quels sont vos projets ?

La question est vaste... Ils sont multiples. Mais j'aimerais vraiment que mes photos puissent faire l'objet d'un livre représentant la nature sauvage en Nouvelle-Zélande. Ce pays, bien que très très loin, mérite vraiment d'être connu de la France (au-delà du rugby). Mes autres projets continuent d'être orientés vers les paysages sauvages du monde. Notre prochain voyage pourrait bien être un désert très très connu des astrophysiciens... mais chut ! D'un point de vue plus global, je souhaite continuer à vouloir faire rêver les gens, les faire s'évader par mes photos et si possible leur faire prendre conscience de l'importance de prendre le temps de vivre et d'aimer ce qui nous entoure. Finalement, les choses ont la beauté qu'on veut bien leur attribuer. Evidemment, j'ai déjà entendu de la bouche de certains professionnels les remarques suivantes : déjà vu, trop académique, manque d'originalité... Effectivement, je ne cherche pas l'originalité. Je cherche seulement à mettre en valeur ce qui est naturellement beau car je pense qu'on est trop influencé et détourné de ce qui me paraît être essentiel pour notre bien être. Souffler, respirer, relativiser. La beauté réside souvent dans la simplicité, le calme et la sérénité aussi. L'intellectualisation à outrance de l'image n'enrichit pas l'imaginaire dans la perception."