Patrick Dieudonné "J'ai fait mes premières armes en photographiant des oiseaux dans mon jardin"

Patrick Dieudonné est aujourd'hui photographe professionnel. Il a eu cette incroyable chance de faire de sa passion son métier. Ce grand voyageur est en quête constante d'instants magiques où la lumière vient sublimer la nature.

Quand et comment avez-vous débuté la photographie ?

J'ai vraiment découvert la photographie assez tard, il y a une dizaine d'années... C'est à un ami et collègue professeur d'alors, photographe animalier passionné, que je dois cette découverte qui a complètement changé ma vie, puisque me voici maintenant photographe professionnel. Passionné de nature mais jusqu'alors uniquement observateur et photographe occasionnel, j'ai fait mes premières armes en photographiant des oiseaux dans mon jardin. Rapidement je suis devenu totalement "accro" et j'ai investi dans du matériel de qualité (600 mm /f4 d'occasion) puis j'ai commencé à voyager dans toute l'Europe à la recherche des oiseaux, que j'ai accompagnés dans leurs migrations de l'Espagne à la Norvège, entre 1998 et 2000, prenant au besoin des disponibilités partielles pour pouvoir être libre aux bons moments. Cela m'a donné l'occasion de découvrir les pays de l'Europe du Nord, dont je suis tombé amoureux (Shetland, Ecosse spécialement). Je me suis mis alors aussi à la photographie de paysages et de milieux naturels, et d'illustration générale, avec un accent sur l'authentique et le traditionnel, en Ecosse, Angleterre, Irlande, par exemple, puis en Afrique aussi et plus récemment aux îles Féroé et en Islande. 

Qu'est-ce qui vous séduit tant dans le métier de photographe ?

La liberté et la découverte liées aux voyages, ainsi que le plaisir de créer et de partager une vision des choses. Je donne ainsi mon petit point de vue sur le monde, les hommes et la nature. J'ai la chance maintenant, après avoir commencé à exercer en professionnel depuis 5 ans environ, de pouvoir publier des images dans le monde entier, grâce à Getty Images, première agence mondiale, à laquelle j'appartiens. Certaines images ont déjà fait plusieurs couvertures de livres, d'autres ont été utilisées dans des publicités importantes, d'autres encore ont été publiées par des organismes comme le National Geographic. C'est une puissante motivation pour aller encore plus loin, se battre avec soi-même et les éléments (l'Islande en hiver, c'est éprouvant), et tenter de ramener des images de plus en plus intéressantes, en sachant qu'elles pourront toucher beaucoup de gens si elles sont à la hauteur ! 

Quel matériel photos utilisez-vous ?

J'utilise beaucoup de matériel, peut-être trop, je ne sais pas ! Mon appareil principal est un appareil numérique professionnel, le Nikon D3, que j'apprécie énormément, et tout un lot d'optiques (Nikon du 14 mm au 300 mm f2.8). J'avais aussi un 600 mm que je viens de revendre pour cause d'encombrement en avion et je recherche un 500 mm pour le remplacer. Mais je n'ai pas abandonné l'argentique que je trouve encore supérieur au numérique pour le paysage, en moyen et grand format (6x7 et 6x17 cm), pour sa capacité à restituer parfaitement certaines lumières exceptionnelles, son "modelé" et sa profondeur. L'image numérique, malgré d'énormes progrès récents, ne "sonne" pas toujours aussi bien, beaucoup de photographes formés à l'argentique partagent cet avis. En moyen format, j'ai un Pentax 67 II qui ressemble à un énorme reflex et 5 optiques, et j'ai aussi une chambre panoramique Fuji GX 617 avec 2 optiques qui délivre des originaux diapositives de 6x17 cm, extrêmement détaillés, la meilleure qualité d'image possible. Tout ce beau matériel peut se trouver exposé aux embruns, au froid, à l'humidité quand je photographie dans les pays du nord hors saison ou même en été, c'est pourquoi je le protège dans des sacs à dos Lowepro (Super Trekker, Photo Trekker) ou Tamrac (Expedition 5). Dans les Féroé, où la pluie et le vent sont constants, j'ai aussi utilisé un Dryzone 200 (Lowepro) totalement étanche une fois fermé, ce qui me permet de randonner par tous temps et d'attendre - stoïquement - d'improbables éclaircies. J'emploie aussi des housses étanches (Kata) dans certaines conditions.   

Vous avez visité pas mal de pays. Quel est celui où vous avez pris le plus de plaisir à faire de la photographie ? Pourquoi ?

Tous mes voyages sont d'excellents souvenirs, dans des pays aussi différents que le Botswana (delta de l'Okavango) et l'Islande... Il est donc difficile de faire un choix, mais je pense avoir tout de même mes meilleurs souvenirs dans l'archipel des Shetland, tout au nord de l'Ecosse. J'ai préparé un livre et je l'ai même écrit mais il n'est pas encore édité suite à la défection de l'éditeur. J'ai visité, en compagnie de ma femme Brigitte, absolument toutes les îles. C'est le coin que je connais le mieux sur terre avec mon village natal ! Ce qui fait que je m'y sens tout à fait chez moi. La faune et les paysages y sont extraordinaires (falaises jusqu'à 400 m, grandes colonies d'oiseaux marins, loutres d'Europe) et c'est un des derniers paradis sauvages d'Europe, très accessible mais sans doute encore assez méconnu. On peut y camper sur des îles quasiment désertes et se sentir vraiment respirer, de plus, en été, le soleil ne se couche presque pas. Le climat est souvent assez capricieux mais j'ai appris à aimer ça aussi et je n'aime plus guère le grand beau temps en fait, du moins pour la photo ! Les Shetlandais sont aussi des gens à part, extrêmement accueillants et respectueux d'autruis. J'y ai beaucoup d'amis. 

Très proche des Shetland, je mettrais aussi l'Islande, où les paysages volcaniques et glaciaires sont vraiment grandioses. Le climat est sensiblement identique en été, mais je n'ai pas tout à fait le même rapport aux habitants et au pays. Je crois que j'ai vraiment un faible pour les pays celtiques et les pays du nord-ouest de l'Europe. Je m'y retrouve vraiment. 

Vous avez pris de nombreux animaux en photos. Y en a-t-il une qui vous a particulièrement marquée soit par l'intensité de l'émotion qui s'en dégage ou par le contexte de la prise de vue ?

J'ai eu la chance de photographier la grande faune d'Afrique et l'on pourrait penser qu'il n'y a pas plus impressionnant au monde. Un grand mâle éléphant qui s'approche vraiment est en effet un moment intense, mais il existe des photos plus rares, dont on a rêvé et qui s'inscrivent dans un contexte plus personnel d'attente et de recherche difficile. Parmi plusieurs photos mémorables celle que je citerais est une photo de loutre sauvage en action de pêche, prise dans l'archipel des Shetland en Ecosse. Je ne l'ai réalisée qu'à mon quatrième voyage sur place.

Cette photo a été prise à l'approche, avec de l'eau jusqu'à mi-corps en suivant une méthode assez originale. La loutre a une grande méfiance à l'égard de l'homme et une vue perçante. D'après plusieurs études scientifiques et mes observations propres, j'avais une idée assez juste de la durée moyenne des plongées de pêche des loutres des Shetland. La méthode a consisté alors à progresser dans l'eau, assez rapidement, en veillant à ne pas noyer le matériel, pendant cette durée de plongée, puis à s'immobiliser complètement à ras de l'eau, ou derrière un rocher, quelques secondes avant la fin. Il faut répéter cela plusieurs fois. Ici, la chance a voulu qu'à la fin de la phase d'approche réussie (j'étais à 20 m du rivage à ce moment et je ne pouvais guère aller plus loin, sans combinaison dans l'eau froide) elle se dirige précisément vers moi avec un poisson dans la gueule. Elle m'a localisé juste après le cliché mais sans m'identifier (en me prenant pour un phoque certainement) et s'est même approchée encore, en deçà de la distance de mise au point (moins de 3 m !), puis a repris sa pêche tranquillement plus loin, me permettant d'autres clichés intéressants ! Ce fut un moment d'une intensité inoubliable et le couronnement d'une longue attente.

 En images : 30 photos de Patrick Dieudonné

 Sur le web : Patrick Dieudonné