Il photographie ces lieux tenus secrets

Il photographie ces lieux tenus secrets Anciennes chapelles chrétiennes, théâtres abandonnés, Aurélien Villette parcourt le monde entier pour nous faire découvrir ces merveilleux endroits chargés d'histoire.

Qu'advient-il des bâtiments quand ils ne servent plus ou ont été prévus pour un usage mais finalement laissés de côté ? Soit ils sont amoureusement restaurés afin d'être utilisés pour autre chose, soit ils tombent en ruine, devenant les témoins silencieux d'une époque révolue. Le photographe français Aurélien Villette a retrouvé ces bâtiments délabrés, dont la plupart sont complètement oubliés par l'histoire, afin de capturer leur majestueuse beauté dans ses photographies aux couleurs merveilleuses.

Que son sujet soit une chapelle chrétienne, un théâtre italien ancien ou des édifices publics et religieux des Balkans et de l'ex-bloc soviétique, Aurélien Villette restitue à merveille l'esprit et le pathos du lieu. Les images de ces ruines sont post-traitées afin de témoigner des héritages culturels des différentes périodes du pays où les photographies ont été prises. Elles permettent au spectateur d'admirer les influences architecturales d'autrefois, ce qui fait de cette série une documentation historique et culturelle unique.

Entretien avec Aurélien Villette

Linternaute.com : Quel âge avez-vous et où habitez-vous ? Avez-vous une formation de photographe ?
Aurélien Villette : J’ai 32 ans, j'habite à Paris et j’ai fait des études supérieures d’informatique.

Quand et comment avez-vous été amené à photographier des lieux abandonnés ?
J’ai commencé la photographie en 2007 au travers de mes voyages et de randonnées. Ils ont toujours été ponctués par mon intérêt pour les villes, les recherches de paysages et d’architecture. En 2012, j'ai obtenu les félicitations du jury SFR Jeune Talent en présentant la série "Structures et Déstructures" qui présentaient des lieux en ruine.

Dans quel but ?
Les bâtiments, les infrastructures n’existent que par les hommes et leurs besoins. Les bâtiments sont construits, démolis, inutilisés, ruinés, reconvertis, vandalisés, reconstruits. Tous ces états sont liés à l’histoire des hommes. Pourquoi un lieu n’est-il plus utilisé ? Est-ce l’activité à laquelle il était dédié qui n’est plus possible ?  Est-ce pour des raisons politiques, économiques ou religieuses ? Si un bâtiment est rénové ou change d’utilisation, gardera-t-il l’esprit du lieu après sa reconversion ? Ce que je cherche en montrant ce type de bâtiments dans un état transitoire, c’est qu’ils ne sont pas forcément "oubliés". Ils sont dans un état pas nécessairement définitif. Il y en a partout sur terre. Il y a un lien entre le passé, le présent et le futur et je ne veux pas seulement transmettre le passé en photographiant ces lieux qui représentent des histoires, notre Histoire et notre fonctionnement.

Comment décririez-vous l’ambiance en ces lieux ?
L’ambiance que je ressens dans un lieu est liée à son territoire, aux activités du pays, au regard porté par les habitants sur les bâtiments que je visite et à son histoire géographique. Ainsi j’essaie de m’imprégner des raisons de l’état actuel d’un bâtiment. C’est très important dans ma démarche et ce temps d’imprégnation en voyageant dans le pays me permet d’élaborer mon travail autour de l’esprit du lieu. L’esprit du lieu unit le matériel et l’immatériel. Le matériel est pour moi le milieu géographique, c’est-à-dire le territoire où se situe le lieu, son existence physique et son contenant. L’immatériel c’est son histoire existant par les écrits, les mémoires collectives, les activités culturelles et les coutumes qui s’y sont déroulées. Il y a une relation entre le matériel et l’immatériel. C’est ce qui donne du sens à l’existence d’un lieu.
Après la prise de vue, je crée une ambiance particulière grâce au post-traitement pour transmettre au spectateur de manière esthétique l’existence de ces lieux. La ruine est pour moi une mémoire, que je cherche à sublimer dans mes photos, instant perpétuel qui fusionne le passé avec le présent et un futur incertain. 
La mise en valeur opérée de la ruine dans les peintures de la période romantique m’inspire beaucoup et peut se remarquer dans mon traitement photographique.

Quels sont les pays et les endroits présentés dans vos photos ?
Pour le moment j’ai traversé un peu plus d’une trentaine de pays. Mes choix pour visiter de nouveaux pays sont essentiellement tournés sur leur histoire et les actualités qui influenceront leur visage futur. Cela me permet de trouver les spécificités architecturales que je recherche dans le sens de mon travail. Parfois, des lieux sont voués à disparaître prochainement. De par l’actualité, je ne reste donc pas insensible au patrimoine qui disparaît en ce moment.

Avez-vous des endroits d’exploration favoris et pourquoi ?
L’Empire soviétique qui s’est étendu en Asie centrale, au Moyen-Orient, en Europe mais aussi sur tous les continents à la manière de satellites, jusqu’aux portes des Etats-Unis, me retiendra pendant longtemps encore. L’architecture soviétique s’est mélangée/imposée avec une multitude de cultures. Ce sont des lieux de voyages très intéressants pour ma démarche entre histoire du pays et ruines modernes. Toutes zones géographiques ayant un fort caractère architectural de par les religions et les coutumes m’intéressent pour l’Esprit des lieux*.

Avez-vous le sentiment d’être pionnier de ce mouvement d’exploration de ces lieux abandonnés né il y a à peine 5 ans ?
Non pas du tout. Ce qui existe depuis 5 ans c’est un "mouvement" médiatique. Avec la possibilité de montrer ce qui est fait dans l’immédiat. Mais l’exploration a toujours existé, c’est le propre de l’homme.
Depuis longtemps, la ruine est un sujet de réflexion artistique. Sa représentation en peinture - je citais le romantisme précédemment (qui a plus de 200 ans) - notamment dans les années 1700 avec les gravures de Piranèse, en sont un autre exemple. La représentation de la ruine est de plus en plus fréquente dès le XVIe siècle. Puis le témoignage photographique d’un bâtiment en passe d’être détruit ou transformé est immortalisé très tôt dans l’ère de la photographie.
Pour ma part, j’essaye de donner un sens à mes voyages avec les lieux architecturaux que je photographie, abandonnés, habités ou en reconversion. J’essaie de montrer l’ambivalence de ces lieux entre leur mystère et la réalité de l’histoire humaine et de sa destinée.

En savoir plus sur le photographe Aurélien Villette :

Voir son site officiel | Consulter sa page Facebook

*Son livre Spirit of Place, des éditions teNeues

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