Fusion Jumbo Visma et Soudal Quick-Step, une mauvaise nouvelle pour le cyclisme ?

Fusion Jumbo Visma et Soudal Quick-Step, une mauvaise nouvelle pour le cyclisme ? Les équipes Jumbo Visma et Soudal Quick-Step pourraient fusionner dans un avenir proche. Pour beaucoup de suiveurs, c'est une nouvelle inquiétante pour l'avenir du sport. Explications.

Remco Evenepoel et Julian Alaphilippe dans la même équipe que Jonas Vingegaard, Wout Van Aert, Sepp Kuss et Primoz Roglic ? Selon le très fiable média néerlandais WielerFlits, ce fantasme pourrait devenir réalité dès la saison 2024. L'équipe belge de Patrick Lefevere, la Soudal Quick-Step, cherche en effet de nouveaux financements. Il a longtemps été question d'une fusion avec la formation Ineos Grenadiers du milliardaire Jim Ratcliffe. Mais les dirigeants de l'équipe Jumbo Visma se sont immiscés dans les discussions, et il semblerait qu'ils tiennent désormais la corde. Zdenek Bakala, patron de l'équipe Soudal Quick-Step, a été séduit par la perspective d'une fusion avec l'équipe néerlandaise. Les sponsors principaux Soudal et Visma ont aussi validé l'idée de cette fusion, comme Richard Plugge qui deviendrait PDG de l'équipe et Patrick Lefevere qui dirigerait le Conseil de surveillance. 

Le grand bouleversement du monde du cyclisme

La nouvelle équipe, qui devrait se nommer Visma Soudal ou Soudal Visma, souhaiterait respecter son identité belgo-néerlandaise en construisant son effectif autour de coureurs des pays du Benelux. Cette fusion permettrait de rivaliser économiquement avec les équipes Ineos Grenadiers et UAE Team Emirates, les deux plus gros budgets du World Tour. Cela entérinerait au passage un changement de paradigme dans le monde du cyclisme : l'émergence d'équipes dominatrices financièrement et sportivement, concentrant la plupart des plus grands talents du cyclisme.

Les budgets des équipes professionnelles ont toujours été assez proches, entre 8 et 20 millions par exemple pour les équipes du World Tour en 2015. Mais depuis quelques années, certaines équipes présentent des budgets bien plus importants, permettant de recruter les meilleurs coureurs mais aussi d'attirer les jeunes talents dès le plus jeune âge. Ainsi, l'équipe Ineos Grenadiers aurait un budget avoisinant les 50 millions d'euros en 2023, la Team UAE Emirates approche les 35 millions et la Jumbo Visma bénéficie d'environ 27 millions. A contrario, la majorité des autres équipes du World Tour ont toujours une enveloppe se situant entre 10 et 15 millions d'euros annuels.

Cette domination économique ne manque pas de se traduire en une domination sportive. Pour preuve, les trois plus gros budgets du World Tour ont été les seules équipes à être capables de placer un coureur sur un podium de Grand Tour cette année. La Jumbo Visma a remporté les trois épreuves et a même monopolisé le podium de la Vuelta. L'équipe UAE Team Emirates a placé Joao Almeida 3e du Giro, Tadej Pogacar 2e du Tour et Adam Yates 3e du Tour. Enfin, l'équipe Ineos Grenadiers a placé Geraint Thomas sur la troisième marche du podium du Giro ; un maigre bilan toutefois pour l'équipe la plus riche du monde. Cette concentration des meilleurs coureurs inquiète logiquement le monde du vélo, jusque dans les sphères dirigeantes.

Un "salary-cap" pour préserver la compétitivité du sport ?

L'idée d'un "salary-cap" est soutenue par plusieurs patrons d'équipes et est étudiée depuis des années par l'Union Cycliste Internationale. Le plafonnement des budgets annuels permettrait de rééquilibrer les forces, de répartir les meilleurs coureurs dans plus d'équipes différentes, mais aussi de favoriser les équipes les plus ingénieuses et qui travaillent le mieux, plutôt que les plus riches. En 2018, au moment de son élection, le président de l'UCI David Lappartient disait déjà :  "Le salary cap est un objectif à moyen terme [...] L'idée est qu'on puisse avoir des bons coureurs dans chacune des équipes. Qu'on n'ait pas une concentration des moyens dans une seule équipe. Et faire en sorte qu'on ait des leaders dans chaque équipe et que la course soit plus intéressante". Depuis, il semblerait que l'idée soit encore étudiée avec l'AIGCP (Association Internationale des Groupes Cyclistes Professionnels), mais la mise en place d'une telle réforme demeure très hypothétique, et nul doute que certaines équipes y sont fermement opposées.

Des départs à prévoir ?

En attendant de plus amples informations, les dirigeants des deux équipes concernées n'ont pas souhaité commenter les rumeurs d'une fusion, et les coureurs n'auraient pas été mis au courant de ces tractations. Pourtant, ce sont bien les premiers concernés. En effet, l'équipe Jumbo Visma a 27 coureurs déjà sous contrat en 2024, et l'équipe Soudal Quick-Step en a 23. Si les effectifs devaient fusionner pour n'en former qu'un, il y aurait pas moins de 50 coureurs sous contrat dans cette nouvelle formation, hors le règlement n'en autorise que 30. Si certains n'auraient aucun mal à trouver une porte de sortie, et ne seraient pas forcément retenus, d'autres pourraient bien se retrouver sur le carreau. Il y aurait aussi des licenciements à prévoir dans le staff et l'encadrement des deux équipes.

D'après WielerFlits et d'autres sources concordantes, Primoz Roglic intéresse déjà de nombreuses équipes (Bahreïn Victorious, Jayco-AlUla, Lidl-Trek et Movistar), qui seraient même prêtes à racheter sa dernière année de contrat pour le voir courir sous leurs couleurs dès 2024. Remco Evenepoel est annoncé avec insistance chez Ineos Grenadiers, qui se cherche un leader de grande envergure et qui a les moyens de se l'offrir. Les dirigeants de la Soudal Quick-Step, comme leurs homologues néerlandais, compteraient néanmoins sur lui, y compris en cas de fusion. Mais la cohabitation avec Jonas Vingegaard notamment pourrait être difficile. 

Plutôt pour 2025 ?

Dans ce contexte, l'horizon 2025 semble peut-être plus raisonnable pour cette fusion, puisque le nombre de coureurs sous contrat sera alors bien moindre, et certains contrats de sponsoring se finissent à la fin de l'année 2024. De plus, il reste des questions épineuses à résoudre, à commencer par celle des équipes féminines et des équipes de développement, qui ont aussi deux effectifs complets. Enfin, la marque de cycle Specialized pourrait rester fidèle à Remco Evenepoel et son arrivée comme fournisseur serait vue d'un bon œil chez Ineos Grenadiers. Mais Specialized entretient aussi des liens étroits avec les dirigeants de l'équipe Soudal Quick-Step, tandis que Cervélo, le fournisseur de cycles de la Jumbo Visma, souhaiterait aussi faire partie du projet de fusion.